1914 - 1976
Né à Buhusi en Roumanie, David Korner [19 octobre 1914-6 septembre 1976], le futur Barta (Albert ou A. Mathieu) commence à militer en 1931-1932, à Bucarest, au parti communiste roumain. Il arrive à Paris en novembre 1933 et y rencontre le mouvement trotskyste. Jusqu’à octobre 1936, son temps est partagé entre Bucarest et Paris. Il participe à la création d’un groupe trotskyste en Roumanie. Après le coup d'Etat de Franco en juillet 1936 et la magnifique riposte à celui-ci de la classe ouvrière espagnole, il décide, avec trois autres jeunes trotskystes, de rejoindre l’Espagne. Parmi ceux-ci, Louise (Irène), 16 ans, qui sera de toute l'aventure de l'Union Communiste. "Sans elle notre organisation n'aurait pas existé" dira Barta. Arrivés en octobre 1936, ils resteront finalement en France et militent au Parti Ouvrier Internationaliste. Après la création du PSOP, parti issu de l’exclusion de la SFIO, en 1938, de la "Gauche Révolutionnaire", Trotsky conseille à ses partisans en France de rejoindre le nouveau parti. Barta sera de la fraction trotskyste du PSOP, collaborant à sa revue "La Voie de Lénine". Le 26 septembre 1939, toutes les organisations communistes, trotskystes et assimilées sont dissoutes par Daladier. Barta rompt alors avec les Comités pour la Quatrième Internationale. Après l’exode, de retour à Paris en octobre 1940, Barta rédige une brochure qui constitue le véritable acte de fondation de sa tendance : "La lutte contre la 2ème guerre impérialiste mondiale". Au nom de la Quatrième Internationale, il y prend une position rigoureusement internationaliste, au moment où des dirigeants qui, plus tard, se retrouvèrent, en 1944, à la direction du PCI, section française de la Quatrième Internationale, subissaient la pression nationaliste. Certains allèrent jusqu'à écrire qu'il fallait s'unir avec les bourgeois "pensant français". Malgré les dures conditions de la guerre, le groupe Barta recrute quelques jeunes et peut entreprendre sous le nom de Groupe Communiste (IVe Internationale) qui deviendra plus tard l'Union Communiste (trotskyste), la publication de La Lutte de Classes, trente-quatre numéros de cette feuille ronéotypée paraissent sous l'Occupation d'octobre 1942 à août 1944. Le Rapport sur l’organisation de juillet 1943, formalise les objectifs du groupe : "Le bolchévisme implique, avec une politique juste, un contact réel et étendu avec la classe ouvrière, la participation quotidienne à ses luttes"… "déclencher ou précipiter un regroupement sur la base communiste de tous les militants vraiment révolutionnaires de la classe ouvrière française". En février 1944, le CCI et le POI, les deux principales organisations trotskystes françaises, aboutissent à leur unification au sein du PCI. L'UC refuse de les rejoindre. Barta justifie ce refus en intervenant dans la discussion, par la publication, le 15 février 1944, de : "Le POI et la révolution prolétarienne en France" (Cahiers du Militant). Alors que le bulletin commun POI-CCI de juillet 1943 affirmait : "le POI n'a commis que la faute d'employer dans La Vérité "certaines expressions dangereuses" ; la position fondamentale a été non seulement juste, mais perspicace" ; Barta écrit : "Un parti qui se réclame de l'internationalisme n'est garanti contre les errements social-patriotiques que s'il découvre, par une critique inexorable, les sources mêmes de ses erreurs passées". Peu après la "Libération", dénonçant la politique du PCF, la Lutte de Classes s'indigne (19 septembre 1944) : "Quand le peuple allemand n'entend nulle part une voix anti-impérialiste", "quand, au contraire de prétendus communistes ont pris comme devise suprême "Mort aux Boches", cela ne fait-il pas le jeu de Goebbels ?". Depuis ses débuts, la politique de recrutement du groupe est tournée vers les jeunes du PCF. Cela ne va pas sans risques : en septembre 44, Mathieu Bucholz (Pamp), une cheville ouvrière de l’UC, est "arrêté" par les FTP staliniens au cours d'une réunion avec des jeunes communistes. Il est ensuite assassiné. Son corps est retrouvé dans la Seine. Après la Libération, alors que le PCI se flatte de son "titre" de premier résistant, Barta refuse de réclamer ainsi aux autorités la légalisation de la Lutte de Classe, dont l’édition restera, pour une courte période, clandestine. En avril-mai 1947, Barta, inspire directement la politique quotidienne des militants qui dirigent la grève Renault. Pour le PCF c’est l’époque du "produire d’abord, revendiquer ensuite". Dans la grève les ouvriers s’affrontent directement au PCF et à la CGT. Le succès de la grève entraîne la sortie du PCF du gouvernement. France-Dimanche titre : "Un petit ouvrier de 25 ans a forcé Auriol à démissionner Maurice Thorez". [1] Pour répondre à l’attente des ouvriers, alors que la CGT refuse de reconnaître son organisation de base formée d’anciens grévistes, l'Union Communiste est amenée à impulser, à Renault, un syndicat indépendant, le SDR (Syndicat Démocratique Renault). En mai 1949, après toute une lutte juridique et politique le SDR obtient sa représentativité et donc le droit de présenter des candidats aux élections de délégués. Il recueille alors 1283 voix (contre 17 368 à la CGT) et a sept élus. Mais, après le succès de la grève Renault suivie de la création du SDR, l’Union Communiste, qui n’a jamais compté plus d’une vingtaine de membres, est dépassée par ses tâches. Une crise interne se déclare, l’organisation se scinde en deux morceaux fin 1949. Barta publiera neuf numéros de la Lutte de Classes de janvier à mars 1950 et quelques numéros de La Voix des Travailleurs en 1950 et 1951 puis cesse de militer. Cependant, fin 1956, il accepte pendant trois mois de participer à la rédaction de la Lutte de Classe, journal politique du groupe Voix Ouvrière. [2] Ensuite, et jusqu’à sa mort en 1976, Barta ne reprendra pas d’activité politique. Notes [1] Il s’agit de Pierre Bois (1922-2002) [Vic, Arnaud, Vauquelin] militant de l’UC depuis 1941, dont Barta dira : "si la grève a été dirigée par l'organisation politiquement, c'est à Pierre Bois que reviennent toutes les initiatives pratiques dans l'usine où il fallait, la grève déclenchée, se comporter comme un capitaine sur un bateau à voiles dans une tempête". P. Bois contribuera à la création du groupe trotskyste Voix Ouvrière en 1956, puis militera au sein de Lutte Ouvrière jusqu’à sa mort. [2] De Lutte Ouvrière (entre autres), qui a pris la suite de Voix Ouvrière interdite en 1968, Barta dira en 1972 : "Possesseurs de recettes révolutionnaires salvatrices, les dirigeants de ces groupes agissent en dehors de l'histoire (Mai 1968 l'a bien confirmé) selon des formules et des orientations qui, valables il y a trente ans, le seront encore en l'an 2000 : quand la Révolution est tarie à la source, son ombre n'est plus reflétée que par des simulacres révolutionnaires." |