LES RENDEZ-VOUS D'OCTOBRE 6 octobre 1956
À la veille des vacances, devant la menace que faisait peser sur les budgets ouvriers la montée soudaine des prix, les syndicats étaient unanimes, une fois n’est pas coutume, pour remettre "à la rentrée" toute lutte revendicative. À la rentrée, nous y sommes, et les syndicats ne se manifestent pas beaucoup. La CGT nous à fait savoir qu’à son avis, "Citroën peut payer". Fort bien ; nous n’en doutions d’ailleurs pas. Mais ce qui nous intéresse, c'est de savoir COMMENT nous le ferons payer.
Les syndicats sont le seul moyen pour les travailleurs d’opposer une lutte coordonnée au patronat, qui lui dispose de toutes sortes de moyens. Seulement à l’heure actuelle les dirigeants des centrales ne se soucient guère des intérêts ouvriers. Ils ne tiennent compte de l’opinion des travailleurs du rang que pour ce qui est sans importance et les lancent dans des grèves tournantes avec des revendications locales alors que tous les travailleurs sont également touchés par l'augmentation des prix, due à la guerre d’Algérie. Ce ne sont pas 5 ou 10 francs de l’heure que nous pourrions arracher à la Direction après une grève épuisante qui empêchera les prix de monter. Le seul moyen de sauvegarder notre standard de vie c'est d’obtenir une véritable échelle mobile : que tous les salaires suivent intégralement l'augmentation du coût de la vie. On pourrait d'ailleurs déterminer cette augmentation, non pas d’après les 213 articles que le gouvernement manie comme il veut, mais comme l’emprunt Ramadier pour l’Algérie, d’après l'augmentation des valeurs boursières. Nos salaires augmenteraient ainsi dans les mêmes proportions que les bénéfices du patronat tout entier. Et là, la CGT a raison, Citroën et consorts peuvent payer. Et s’ils ne peuvent pas payer, qu’ils arrêtent donc la guerre d’Algérie et qu’ils empêchent les prix d’augmenter.
Seulement, ce n’est pas à cela que mène la tactique des grèves tournantes ou partielles. Les syndicats ont la possibilité d'organiser et d'unifier ces luttes. À nous d'obtenir qu'ils le fassent.