1927

La plate-forme des bolcheviks-léninistes (Opposition) pour le XV° Congrès du PC de l'URSS. Un domument élaboré par Trotsky et Zinoviev, repris par 13 membres du CC et de la CCC, puis par près de 10 000 communistes.

Téléchargement fichier zip (compressé) : cliquer sur le format de contenu désiré

Format MS Word/RTF Format Acrobat/PDF

Plate-forme pour le XV° congrès du PCUS

Opposition bolchévique unifiée


XI. Divergences réelles et divergences imaginées

Bien ne témoigne avec une mesure aussi grande du caractère erroné de la politique du groupe Staline que sa tendance continuelle à polémiquer non contre nos véritables points de vue, mais contre des points de vue imaginaires que nous n'avons jamais partagés et que nous ne partageons pas.

Lorsque les bolcheviks discutaient avec les menchéviks, avec les S-R et d'autres tendances petites-bourgeoises, ils énonçaient devant les travailleurs le véritable système formé par les points de vue de leurs adversaires. Mais lorsque les menchéviks et les S-R menaient la discussion contre les bolcheviks, ils ne réfutaient pas les points de vue réels de ceux-ci, mais imputaient aux bolcheviks ce qu’ils n'avaient pas dit. Les menchéviks ne pouvaient, en aucune mesure, énoncer d'une manière véridique les points de vue des bolcheviks devant les ouvriers, parce que alors les ouvriers auraient soutenu les bolcheviks. Tout le mécanisme de la lutte des classes amenait les groupes petits-bourgeois à la nécessité de combattre les bolcheviks comme des « conspirateurs », des « auxiliaires de la contre-révolution », et plus tard des « agents de Guillaume », etc.

De même, à présent, la déviation petite-bourgeoise dans notre propre parti ne peut combattre notre point de vue léniniste, autrement qu'en nous imputant ce que nous n'avons jamais ni dit, ni pensé. Le groupe Staline sait parfaitement bien que si nous pouvions, dans quelque mesure que ce soit, défendre librement notre point de vue politique, l'énorme majorité des membres de notre parti nous soutiendrait.

Les conditions élémentaires d'une discussion loyale à l'intérieur du parti ne sont pas observées. Sur la question d'une importance mondiale de la révolution chinoise, le CC, jusqu'à présent, n'a pas publié une ligne de ce que dit l'Opposition. Fermant herméti­quement le parti à toute discussion, coupant à l'Opposition toute possibilité, d'écrire dans la presse, le groupe Staline mène contre nous une discussion décousue, nous imputant, un jour après l'autre, les plus grands vices et les plus grands crimes. Mais les membres du parti croient de moins en moins à ces accusations.

  1. Lorsque nous avons dit que la stabilisation du capitalisme n'est pas une stabilisation pour des décennies, que notre époque reste l'époque de la guerre impérialiste et de la révolution sociale (Lénine), le groupe Staline nous impute la négation de tous les éléments de la stabilisation capitaliste.
  2. Lorsque, immédiatement après Lénine, nous disons que pour achever de construire la société socialiste dans notre pays, la victoire de la révolution prolétarienne est nécessaire dans un ou plusieurs pays capitalistes avancés, que la victoire définitive du socialisme dans un seul pays - d'ailleurs arriéré - est impossible, comme l’ont démontré Marx, Engels et Lénine, le groupe Staline nous attribue le point de vue que nous « ne croyons pas » au socialisme et à l'édification du socialisme en URSS.
  3. Lorsque, immédiatement après Lénine, nous signalons la croissance des déformations bureaucratiques de notre État ouvrier, le groupe Staline nous attribue, en pensée, qu'en général nous estimerions que notre État soviétique n'est pas un État prolétarien. Lorsque, à la face de toute l'lnternationale communiste, nous déclarons (voir la déclaration signée par Zinoviev, Kamenev et Trotsky, en date du 15 décembre 1926 au 7° Exécutif élargi de l'IC) : « Tous ceux qui, essayant directement ou indirectement de se solidariser avec nous, nieront en même temps le caractère prolétarien de notre parti et de notre État ainsi que le caractère socialiste de l'édification socialiste en URSS rencontreront, par avance, de notre part, une résistance acharnée », le groupe Staline cache notre déclaration et continue à nous calomnier.
  4. Lorsque nous signalons que dans le pays croissent des éléments thermidoriens possédant une base sociale assez sérieuse; lorsque nous exigeons que la direction du parti oppose à ces phénomènes et à leur influence sur certains cercles de notre parti une résistance plus systématique, plus ferme, et tout un système de mesures mieux étudiées, le groupe Staline nous attribue la pensée que nous déclarons le parti thermidorien et la révolution prolétarienne en dégénérescence. Lorsque, à la face de toute l'Internationale communiste (voir la déclaration indiquée ci-dessus, paragraphe 14), nous écrivons : « Il n'est pas vrai que nous accusions de déviations de droite la majorité, de notre parti. Nous pensons seulement que dans le PC de l'URSS il y a des courants et des groupes de droite qui, d'une manière disproportionnée, jouissent d'une grande influence, influence que le parti surmontera cependant », le groupe Staline cache notre déclaration et continue à nous calomnier.
  5. Lorsque nous signalons l'énorme croissance du koulak, lorsque, immédiatement après Lénine, nous continuons d'affirmer que le koulak ne peut pas paisiblement « se développer vers le socialisme », qu'il est le plus pernicieux ennemi de la révolution prolétarienne, le groupe Staline nous accuse de vouloir « dépouiller la paysannerie ».
  6. Lorsque nous attirons l'attention de notre parti sur le renforcement de la position du capital privé, sur la croissance démesurée de son accumulation et de son influence dans le pays, le groupe Staline nous accuse d'intervenir, paraît-il, contre la Nep et d'exiger le retour au communisme de guerre.
  7. Lorsque nous signalons le caractère erroné de la politique suivie dans le domaine de la situation matérielle des ouvriers, l'insuffisance des mesures prises pour lutter contre le chômage et contre la crise du logement, lorsque nous signalons enfin que la part des couches non prolétariennes dans le revenu national s'accroît démesurément, on nous dit que nous sommes coupables de déviations « corporatives » et de « démagogie ».
  8. Lorsque nous signalons le retard de notre industrie sur les besoins de l'économie populaire ainsi que toutes les conséquences qui en découlent : disproportion, disette de marchandises, tort causé à la liaison entre le prolétariat et la paysannerie, on nous donne le nom de super-industrialisateurs.
  9. Lorsque nous signalons le caractère erroné de la politique des prix, politique n'abaissant pas le coût de la vie, mais aboutissant à des profits frénétiques pour le commerce privé, le groupe Staline, nous accuse d'être pour une politique d'élévation des prix. Lorsque, il y a un an, nous avons dit d'avance à toute l'Internationale Communiste (voir la déclaration déjà indiquée ci-dessus, paragraphe 5) : «  l’Opposition, dans aucune de ses interventions, n’a exigé ni n’a proposé l’élévation des prix : mais les erreurs principales de notre politique économique ont conduit précisément à ce que cette politique ne se dirige pas avec l'énergie nécessaire vers la diminution de la disette des marchandises industrielles, à laquelle sont liés inéluctablement des prix de détail élevés », cette déclaration a été cachée au parti et on continue de nous calomnier.
  10. Lorsque nous intervenons contre l'« entente cordiale » avec les traîtres à la grève générale et les contre-révolutionnaires du Conseil Général, jouant ouvertement le rôle d'agents de Chamberlain, on nous accuse d'être, paraît-il, contre le travail des communistes dans les syndicats et contre la tactique du front unique.
  11. Lorsque nous intervenons contre l'entrée des syndicats de l'URSS dans Amsterdam et contre le fait de s'attarder si peu que ce soit à jouer avec les couches supérieures de la II° Internationale, on nous accuse de « déviations social-démocrates ».
  12. Lorsque nous intervenons contre le fait de miser sur les généraux chinois, contre la subordination de la classe ouvrière à la bourgeoisie du Kuomintang, contre la tactique menchévique de Martinov, on nous accuse d'être « contre la révolution agraire en Chine », comme si irons étions « d'accord avec Tchang Kaï-chek ».
  13. Lorsque, sur la base de l'appréciation de la situation mondiale, nous en venons à cette conclusion que la guerre approche, et lorsque nous le signalons au parti, on avance contre nous cette accusation déloyale que « nous voudrions la guerre ».
  14. Lorsque, fidèles à l'enseignement de Lénine, nous montrons que l'approche de la guerre, requiert, d'une rnanière particulièrement pressante, une ligne politique claire, vigoureuse, marquée fortement au coin de la lutte des classes, on nous accuse sans vergogne de ne pas vouloir défendre l'URSS d'être des « défenseurs conditionnels », des demi-défaitistes, etc.
  15. Lorsque nous signalons ce fait absolument incontestable que, dans le monde entier toute la presse capitaliste et social-démocrate soutient la lutte de Staline contre l'Opposition dans le PC de Staline de louanges pour sa répression contre l'Opposition, et l'appelle à en finir avec l'Opposition, à l'exclure du CC et du Parti, la Pravda et toute la presse du Parti, ainsi que toute la presse soviétique qui lui emboîte le pas, démontrent jour par jour, frauduleusement, que la bourgeoisie et la social-démocratie seraient pour « l'Opposition ».
  16. Lorsque nous intervenons contre le transfert de la direction de l'Internationale Communiste entre les mains de la droite, contre l'exclusion de l'Internationale Communiste de centaines et de milliers d'ouvriers bolcheviks, on nous accuse de préparer la scission de l'Internationale Communiste.
  17. Lorsque, en présence du régime actuel du parti qui en fausse tout le fonctionnement, les oppositionnels essaient de porter à la connaissance du parti leur véritable point de vue, on chasse du PC de l'URSS des membres dévoués du parti, on les accuse de « fractionnisme », on crée des « procès » relatifs à de prétendues démarches scissionnistes, on enfouit sous les ordures les divergences les plus importantes du parti.
  18. Mais une accusation a fait particulièrement fureur ces temps derniers : c'est l'accusation de « trotskysme ».
    Face à toute l'Internationale Communiste (voir la déclaration du 13 décembre 1923 citée plus haut), nous avons déclaré, sous les signatures de Zinoviev, Kamenev et Trotsky : « Il est faux que nous défendions le trotskysme. Trotsky a déclaré devant toute l'Internationale Communiste que, sur toutes les questions de principe, quelles qu'elles fussent, où il a controversé, avec Lénine, c'est Lénine qui a eu raison, et en particulier sur la question de la révolution permanente et de la paysannerie ». Cette déclaration faite devant toute l'Internationale Communiste, le groupe Staline ne l'a pas publiée et il continue à nous accuser de « trotskysme ».
    Cette déclaration a trait seulement, cela va de soi, aux divergences passées avec Lénine et non à ces « divergences » que, de mauvaise foi. inventent Staline et Boukharine, divergences artificiellement reliées, en retournant vers le passé, aux divergences surgies au cours de la Révolution d'Octobre.
    Nous balayons comme un essai tenté par de misérables moyens les efforts du groupe Staline pour « escamoter » le point de vue de l'Opposition énoncé dans la présente plate-forme, en le couvrant du rappel des divergences qui ont existé entre divers groupes de 1923 à 1925. Ces divergences se sont maintenant résolues sur les bases du léninisme. Les erreurs et les exagérations commises par les deux groupes de bolcheviks dans les discussions de 1923-1924, par suite d'une série d'obscurités relatives à l'état des choses dans le parti et dans le pays, sont maintenant corrigées et ne constituent pas un obstacle pour lutter en commun, unis par les liens de l'amitié contre l'opportunisme et pour le léninisme.
    Au moyen de citations séparées, arrachées à leur contexte, au moyen d'une utilisation grossière et déloyale d'anciens passages polémiques de Lénine, assemblés avec partialité et en cachant au peuple d'autres passages beaucoup plus récents, au moyen d'une véritable falsification de l'histoire du parti et de faits datant d'hier, et enfin - ce qui est beaucoup plus important - en mutilant et en escamotant véritablement les questions actuellement en discussion, le groupe Staline-Boukharine, s'éloignant de plus en plus de Lénine, s'efforce d'induire en erreur le Parti en lui faisant croire qu'il s'agit de la lutte entre le trotskysme et le léninisme, alors qu'il s'agit en réalité de la lutte entre le léninisme et l'opportunisme stalinien. Ainsi, les révisionnistes, sous l'apparence de lutter contre le « blanquisme » ont en fait combattu le marxisme.
    Notre travail amical en commun contre le cours stalinien s'est révélé possible parce que nous tous, d'un cœur et d'un esprit absolument unanimes, voulons défendre et défendrons véritablement la ligne de conduite prolétarienne et léniniste.
    La meilleure réponse à l'accusation de « trotskysme » lancée contre l'Opposition, c'est la présente plateforme. Tous ceux qui la liront seront convaincus que, de la première à la dernière ligne, elle repose sur l'enseignement de Lénine et qu'elle est pénétrée de l'esprit du bolchevisme authentique.
    Que le parti donc connaisse notre véritable point de vue ! Que par des documents authentiques, il prenne connaissance de nos divergences, Lénine nous a appris, lorsqu'il s'agit de divergences effectives, non à croire aux paroles, mais à exiger les documents, à entendre dans la discussion les parties en présence, à analyser de la manière la plus consciencieuse les divergences réelles, en laissant de côté ce qui est imaginé. Ce conseil de Lénine, nous le répétons, nous, les oppositionnels.
    Il faut, une fois pour toutes, rendre à jamais absolument impossible ce qui s'est passé au moment du XIV° Congrès, lorsque les divergences tombèrent sur la tête du parti à quelques jours du congrès. Il faut créer les conditions nécessaires pour une discussion loyale et une solution loyale des divergences réelles, comme cela fut toujours du temps de Lénine.

Archives Trotsky Archives IV° Internationale
Début Précédent Début Sommaire Suite Fin