1945 |
Tract signé : UNION COMMUNISTE (IVème Internationale), ronéoté, 2 pages |
QUE FAIRE CONTRE LA FAMINE ?
5 mars 1945
TRAVAILLEURS !
La faim s'est maintenant installée d'une façon durable dans les villes. La mortalité des enfants ne cesse de croître, la santé des jeunes est ruinée, l'usure physique des ouvriers atteint les dernières limites. Le mois de Mars connaît encore une aggravation de la situation: le manque de viande s'ajoute à la disparition du beurre !
Dans un meeting au Vel' d'Hiv' et dans la presse, les partis et les "personnalités" groupés dans le CPL ont dénoncé, preuves à l'appui, la carence, le sabotage et la gabegie de l'appareil administratif, économique et politique (police) – dont la bureaucratie vichyssoise reste entièrement maîtresse – aux ordres des gros capitalistes.
Mais dans son discours à l'Assemblée consultative, le général de Gaulle, pour couvrir l'appareil de l'État à la tête duquel il se trouve, a présenté l'autre côté de la médaille: "nous avons, a-t-il dit, dans l'utilisation du peu de charbon, de courant électrique, de matières premières, de moyens de transport, dont nous pouvions disposer, attribué, même aux jours les plus durs de l'hiver, tout le possible à nos fabrications de guerre... Chacun peut se dire ... qu'il a prélevé sur sa propre substance une contribution directe à l'effort pour la victoire."
Voici donc les causes de la famine: le gouvernement et l'État bureaucratico-policier (vichyssois) est entièrement au service des riches et des capitalistes qui se servent en priorité et en exclusivité de tous les biens de consommation et ne renoncent à aucun de leurs privilèges; de plus il prétend continuer à mener la guerre, quoiqu'elle en coûte et en rejetant tout le fardeau sur les classes pauvres.
Mais après 6 années de conflit terrible et au moment où l'Allemagne est déjà définitivement envahie. quel est le but poursuivi par le gouvernement? "La Grandeur", dit de Gaulle. Ainsi donc. le gouvernement ne prétend même plus vouloir défendre par la guerre la substance vitale du peuple, mais avoue cyniquement qu'il fait la guerre avec la substance du peuple, pour la grandeur (des États-majors et des capitalistes).
Le gouvernement reprend ainsi à son compte la politique de Goering: "du beurre contre des canons". Quel autre nom mérite ce gouvernement que celui de gouvernement affameur ?
Le Parti socialiste et le Parti communiste sont pour la guerre. Mais font-ils au moins quelque chose contre les trusts et les affameurs qu'ils dénoncent? S'adressant au gouvernement des Pleven. des Teitgen, des Mayer, des Ramadier et des Diethelm, ils lui demandent de procéder aux nationalisations des trusts et des banques. Mais ce gouvernement a déjà suffisamment montré qu'il entend sacrifier les intérêts de dizaines de millions d'ouvriers et de paysans au profit d'une poignée de richards. Par la bouche de de Gaulle, ce gouvernement a répondu « non » aux nationalisations. Si malgré tout les "socialistes" et les "communistes" continuent à soutenir ce gouvernement, c'est qu'ils en sont les complices, ou alors QU’ILS DÉMISSIONNENT DU GOUVERNEMENT AFFAMEUR !
Il existe cependant des moyens pour combattre le délabrement économique et la famine; s'ils ne sont pas appliqués, c'est uniquement parce qu'ils porteraient atteinte aux profits monstrueux des capitalistes et des spéculateurs. CONTRÔLER, SURVEILLER, ENREGISTRER la production et la répartition, voilà la première mesure indispensable. Ces fonctions sont maintenant dans les mains de l'administration vichyssoise, c'est-à-dire des capitalistes. La spéculation éhontée, la désorganisation économique sont les résultats inévitables de cet état de choses. Depuis des mois on réclame l'épuration de cette bureaucratie. Mais la question du contrôle, qui exige une politique ferme, la hardiesse et l'esprit de décision, n'est pas une question de personnes. Toute la question se ramène à savoir quelle classe exerce le contrôle, quelle classe le subit. Ce sont jusqu'à présent les capitalistes et leurs employés, ministres et autres, qui exercent le contrôle. Il faut passer au contrôle des ouvriers et des paysans sur les capitalistes, les banquiers, les gros propriétaires, etc... Il faut une organisation de contrôle telle que le contrôle de la consommation des riches soit assuré par les classes pauvres de la population. On trouve normal que les "maîtres" contrôlent les revenus de leurs serviteurs, que les capitalistes contrôlent les revenus de leurs ouvriers. Mais les capitalistes ne tolèrent pas le contrôle de leurs propres revenus, de leurs propres dépenses exagérées !
Les nationalisations, le contrôle du peuple sur la production et la répartition ne peuvent surgir que d'une action directe d'en bas, des Comités d'usine et de quartier. Les masses travailleuses subiront la faim, tant que les Comités de quartier de ménagères et de consommateurs n'auront pas fait fusiller ou pendre quelques gros répartiteurs et spéculateurs du marché noir. Le seul contrôle réel c'est le contrôle par en bas, par les associations d'employés, d'ouvriers, de petites gens, par LA TERREUR à l'égard des banquiers, des industriels, des spéculateurs qui mènent le pays à sa perte.
C'est une pareille organisation qui permettra la véritable nationalisation des industries-clé, des banques et du crédit, l'orientation de la production non pour la guerre, mais pour le rétablissement de tout ce que la guerre a détruit, non dans l'intérêt d'une petite oligarchie financière, mais dans celui des ouvriers et des paysans les plus pauvres; elle permettrait un échange bien conçu entre la ville et la campagne à l'aide des coopératives et des comités de ravitaillement, afin de ravitailler la ville en produits agricoles et les campagnes en articles manufacturés, en outillage agricole, en machines nécessaires, etc... ; elle permettrait l'abolition du secret commercial, l'inventaire des stocks, la répartition équitable de la main d’œuvre, la confiscation des bénéfices et super-bénéfices de guerre, etc...
Il n‘y a aucune autre issue à la situation !
5 Mars 1945
UNION
COMMUNISTE (4ème Internationale)