1948 |
L'EMANCIPATION DES TRAVAILLEURS SERA L'ŒUVRE DES TRAVAILLEURS
EUX-MÊMES |
Voix des Travailleurs nº 36
25 février 1948
Après avoir justifié son tournant diplomatique en faveur d'Hitler, en 1939, par les manigances des alliés qui voulaient jeter celui-ci contre l'U.R.S.S., Moscou continue son plaidoyer. En effet, la diplomatie stalinienne s'est rendu compte que ses considérations sur le machiavélisme des alliés ne justifient nullement, de sa part, en 1939-1940, l'attaque de la Finlande, le partage de la Pologne, la mainmise sur les pays baltes et le démembrement de la Roumanie.
C'est pourquoi, obligé de s'expliquer là-dessus, Moscou questionne : "Le gouvernement anglais a-t-il bien agi en cantonnant ses troupes, pendant la guerre, en Egypte, malgré les protestations des Egyptiens ?" Et il répond : "Oui, incontestablement." "Le gouvernement des Etats-Unis d'Amérique a-t-il bien fait de débarquer ses troupes à Casablanca, malgré les protestations des Marocains ?" "Oui, incontestablement", répond encore la diplomatie stalinienne. "Mais, s'empresse-t-elle d'ajouter, il faut en dire autant du gouvernement soviétique qui, pendant l'été de 1940, avait organisé un front Est contre l'agression hitlérienne et cantonné ses troupes le plus loin possible à l'Ouest."
"Notre action est en tout point identique à la vôtre ; vous ne pouvez condamner les méthodes soviétiques sans vous condamner vous-mêmes ; pour notre part, nous reconnaissons que vous avez bien agi ; mais cela vous oblige à nous rendre la pareille", démontre Moscou aux alliés. Je vous passe la rhubarbe, mais passez-moi la moutarde, leur propose-t-elle, en somme !
Cependant, cette absolution réciproque n'empêche pas que ce genre de politique – oppression des peuples sous prétexte de les protéger contre un danger encore plus grand – soit une politique de brigands. Ce n'est pas depuis Hitler, c'est depuis des générations que les capitalistes anglais oppriment, non seulement l'Egypte, mais les Indes, les peuples arabes et les indigènes d'Afrique. Et est-ce pour lutter contre Hitler que les Américains ont débarqué à Casablanca ou, sous ce prétexte, pour des conquêtes impérialistes dans le monde entier ? Moscou n'avait-elle pas, dans sa première note communiquée à la presse, accusé les Anglo-Saxons d'avoir nourri Hitler à leur sein ? Comment concilier la première version avec la seconde ?
Mais Moscou ne réussira pas à montrer patte blanche en se servant de la farine alliée. Le principal résultat de la guerre 1914-1918 a été, justement, de révéler aux peuples que les dirigeants capitalistes de tous les pays les bernaient avec des slogans libérateurs, en les conduisant EN FAIT aux rapines de guerre, à l'oppression des peuples et à leur propre ruine et esclavage. A l'époque, c'était la révolution communiste d'octobre 1917 en Russie, à la tête de laquelle se trouvaient Lénine et Trotsky, qui montrait aux peuples ces vérités fondamentales. Car elle proclama et ACCOMPLIT pratiquement la fin de la guerre, la fin de la diplomatie secrète, la fin des annexions de territoires étrangers, et donna REELLEMENT aux peuples de l'ancien empire des tsars le droit de disposer d'eux-mêmes.
Si Staline était le continuateur de cette politique véritablement communiste, et non pas le plus grand usurpateur de l'histoire, il ne serait pas contraint d'entasser mensonges sur mensonges et de chercher une justification de ses actes chez les brigands impérialistes alliés. Seulement, dans les territoires occupés par ses officiers, les peuples gémissent aussi sous une terrible oppression. Il ne pouvait donc trouver de meilleures références qu'auprès des alliés capitalistes, car une politique de brigands ne peut trouver d'approbation que chez des brigands.
LA VOIX DES TRAVAILLEURS
Abstentions massives dans les autres départements
L'heure tardive à laquelle nous sont parvenus les résultats des élections partielles du mardi 24 février ne nous permet pas d'en donner dès maintenant une analyse et un commentaire détaillés. Cependant, plusieurs conclusions sont évidentes.
Les départements 6 et 18 restent fidèles aux traditions de la grève de mai. Au département 6, sur 844 inscrits, la C.G.T. obtient 243 voix exactement. Au 18, 46 voix sur 195 inscrits. Force Ouvrière obtient O voix au 6, et 5 au 18 !
Mais, miracle de la démocratie entendue selon M. Lefaucheux, l'inspecteur du travail et les bureaucrates syndicaux, et grâce à un découpage savant par lequel on a séparé électoralement le 18 du 6 pour le rattacher au département 17, le candidat cégétiste passe, dès le 1er tour, dans cette "circonscription électorale" avec 114 voix sur 358, c'est-à-dire moins de 30% !
Partout ailleurs, le pourcentage des abstentions varie entre 20 et 45%.
C'est seulement au 6 (où le pourcentage des abstentions se chiffre, avec les quelques voix nulles, à 70%) qu'il y aura un 2° tour et que le S.D.R. pourra présenter ses candidats.
Mais l'essentiel reste acquis. Ces élections ont prouvé l'exactitude des affirmations du S.D.R. qui, en s'inscrivant en faux contre les tripotages de M. Lefaucheux, de l'inspecteur (patronal) du travail et des bonzes syndicaux, prétendait être la 2° force syndicale de l'usine, après la C.G.T. frachoniste. En effet, la C.F.T.C., reconnue représentative, n'a même pas pu présenter des candidats, et Force Ouvrière n'a réussi à avoir aucun élu. Mieux encore, les voix recueillies par F.O. dans certains coins ne sont pas dues à une sympathie réelle des votants pour F.O., mais à leur haine vis-à-vis des bonzes frachonistes.
Ont-ils entassé manœuvres sur manœuvres, mensonges sur mensonges, "les trois larrons", pour priver le S.D.R. de ses droits les plus élémentaires et les ouvriers du secteur Collas d'avoir des représentants à eux ! MAIS TOUTES LEURS COMBINES SE SONT ECROULEES DEVANT LA VOLONTE OUVRIERE.
Inscrits |
Votants |
Nuls |
C.G.T. |
F.O. |
|
Dpt 6 |
844 |
275 |
32 |
243 |
0 |
Dpt 18 |
195 |
54 |
3 |
46 |
5 |
Dpt 17 |
163 |
147 |
9 |
68 |
70 |
Nous publierons dans le prochain numéro les résultats complets.
La classe ouvrière ne veut pas du minimum de crève-la-faim,
Des discussions interminables ont eu lieu, au Conseil économique, entre représentants du patronat, du gouvernement et des organisations syndicales. De combien le coût de la vie a-t-il augmenté, de 22, de 20 ou de 19% ? A partir de quand faut-il compter les nouvelles hausses de prix ? A partir du 1er décembre, du 1er janvier ou du 1er février, d'avant les augmentations de salaires ou d'après ? Ces augmentations "compensaient-elles" une hausse de prix qui avait déjà eu lieu, ou "s'équilibraient-elles" avec la nouvelle hausse en cours ?
Ces controverses académiques se poursuivent comme toujours en de pareilles occasions, tandis que les prix continuent à monter. Et de nouveau, les solutions envisagées à une situation, pire que celle qui l'avait précédée, ne sortent pas de l'ordinaire : faut-il augmenter les salaires et de combien, ou fait-il faire baisser les prix et de combien ?
Pour leur part, gouvernement et patronat proposent la baisse des prix, certains qu'ils sont de n'en rien faire. On aurait pu penser que, depuis "l'expérience Blum", ils n'auraient plus osé se servir du même attrape-nigaud. Mais qu'opposer d'autre aux légitimes revendications des travailleurs ? On est bien obligé de revenir aux mêmes sornettes sur la baisse des prix, pour faire patienter les ouvriers qui ont besoin d'une augmentation immédiate des salaires.
Les représentants de la C.G.T. frachoniste, en revendiquant une augmentation de salaires de 20% pour le cas où gouvernement et patronat ne prendraient pas l'engagement formel de procéder tout de suite à la baisse, se posent en défenseurs du minimum vital auquel tout travailleur doit avoir droit.
Cependant le pouvoir d'achat des travailleurs est descendu au point que même si l'augmentation actuelle réclamée par la C.G.T. était accordée, les salaires n'atteindraient même plus le niveau pourtant bas auquel ils se trouvaient déjà en 1945.
En réalité, la C.G.T. fait les mêmes calculs que Force Ouvrière ou la C.F.T.C., que le gouvernement et le patronat, à un chiffre près. Car, à de semblables augmentations de salaires, gouvernement et patronat, évidemment, sont obligés d'y venir, quand le décalage devient trop grand – ainsi qu'ils l'ont déjà fait jusqu'à présent sous la pression de mécontentements graves.
Mais de cette façon, patronat, gouvernement et représentants syndicaux en arrivent à considérer comme correspondant toujours au minimum vital des augmentations qui ne font même pas rattraper le niveau de vie d'il y a deux ans ou même un an.
En fait, étant donné que la production a rattrapé et dépassé celle de 1938, le minimum vital devrait être au moins au niveau du salaire ouvrier moyen de 1938. Le "minimum" qu'ils fixent, eux, aux travailleurs, c'est le minimum du crève-la-faim.
L'attitude des organisations syndicales bureaucratiques montre qu'en réalité la classe ouvrière ne pourra arracher de véritable minimum vital aussi longtemps qu'elle ne s'émancipera pas des centrales syndicales actuelles, et qu'elle ne se sera pas donné une organisation syndicale véritablement démocratique.
Le 100ème anniversaire de la Révolution de Février 1848 jouit d'une faveur toute spéciale. Avec un ensemble touchant, de Thorez à De Gaulle, en passant par le Président de la République, tout le monde célèbre l'événement. A vrai dire, chacun différemment. C'est que Février 1848, en évoquant à la fois révolution, république, liberté, égalité, fraternité, permet à chacun d'en prendre et d'en laisser, d'invoquer des fantômes au lieu de rappeler les choses.
Ainsi, les dirigeants du P.C.F., qui, au pouvoir, sont les hommes du "produire d'abord, revendiquer ensuite", suggèrent, en identifiant la situation actuelle de la France à celle de 1848 que leur retour au gouvernement serait dans la meilleure tradition ouvrière révolutionnaire.
Les chefs du "parti socialiste", en célébrant la "II° République", voudraient nous faire croire que la IV°, avec ses matraquages, emprisonnements et fusillades des travailleurs en lutte est la sœur de l'autre. Ils n'auraient pas tort, s'ils situaient leur anniversaire plus près du Juin sanglant que du Février-Mars démocratique, quand les ouvriers, après avoir renversé la royauté, étaient les maîtres de la rue.
Une semblable rectification nous permet aussi de comprendre pourquoi le R.P.F. lui-même peut célébrer les événements d'il y a un siècle : Février 1848 n'a-t-il pas fini par le 2 Décembre 1851 ? la démocratie bourgeoise n'a-t-elle pas fait place au coup d'Etat bonapartiste de Napoléon III ?
Mais que s'est-il passé en Février 1848 ?
A cette époque, la France était gouvernée par la monarchie constitutionnelle de Louis-Philippe. Ce régime n'avait pour seule raison d'être que la spéculation sur tout ce qui offrait matière à spéculer : déficit budgétaire, emprunts du gouvernement, lignes de chemin de fer alors en construction.
Deux classes voulaient sa fin, mais par des moyens et dans des buts différents.
D'une part, la bourgeoisie voulait un gouvernement qui lui coûtât moins cher. Depuis des années, les brigandages de la monarchie, derrière laquelle s'abritaient les loups-cerviers de la Bourse, paralysaient, en effet, le commerce et l'industrie.
D'autre part, la classe ouvrière luttait de toutes ses forces contre ce régime, car il personnifiait à ses yeux toute l'exploitation terrible qui pesait sur elle : 14 et 15 heures de travail par jour et absence complète de libertés.
Mais la bourgeoisie, malgré son opposition à la monarchie, était précisément la classe qui exploitait directement le travail de l'ouvrier. C'est pourquoi elle ne voulait pas de bouleversements qui auraient mis en danger sa propre domination, elle ne voulait pas du renversement violent de Louis-Philippe. Ce qu'elle voulait, c'est que le "gouvernement bon marché" lui soit accordé par la monarchie se réformant elle-même ! Elle avait d'ailleurs déjà trahi la République en Juillet 1830, en mettant précisément sur le trône Louis-Philippe, après que les ouvriers eurent renversé la monarchie absolue de Charles X. Toute son action se bornait donc à des "banquets d'opposition".
Et la Révolution de Février n'eut lieu que contre sa volonté, que parce que, à ses gestes timides d'en haut, répondit, d'en bas, le soulèvement révolutionnaire des ouvriers.
Mais tandis que les ouvriers, qui avaient fait la Révolution et imposé la République dont la bourgeoisie ne voulait pas, s'efforçaient de lui donner un contenu véritable et exigeaient une REPUBLIQUE SOCIALE, c'est-à-dire non seulement les mots liberté, égalité, fraternité, mais la chose, de meilleurs salaires, moins d'heures de travail, du travail pour tous, plus d'exploitation ! la bourgeoisie, qui avait conservé ses privilèges économiques, n'entendait par "république" qu'un paravent pour frustrer le peuple des fruits de son effort.
C'est pourquoi, tandis que l'aile dite démocratique de la bourgeoisie entreprit savamment de tromper la classe ouvrière qui n'avait pas de leaders capables de la défendre, une autre aile, dite républicaine, se préparait à lui infliger "une bonne leçon" : il fallait, soi-disant, guérir le peuple de ses "illusions socialistes", le maintenir dans la "saine réalité" de l'exploitation bourgeoise.
Et les massacres de Juin démontrèrent aux ouvriers cette simple vérité, à savoir que l'exploitation de la bourgeoisie, même couverte des mots "démocratie" et "république", ne leur laisse d'autre issue qu'une lutte jusqu'au bout, s'ils ne se résignent pas à leur misérable sort.
...Ils peuvent, en effet, se retrouver tous dans les événements de la Révolution de 1848. Mais les dirigeants du P.C.F. jouent le rôle des démocrates qui bernèrent le peuple ; mais les défenseurs "socialistes" ou M.R.P. de la IV° République continuent le travail de ceux qui menèrent aux massacres de Juin – la mobilisation de toutes les forces de l'Etat par Ramadier et Schuman contre les grévistes conduit, en effet, à un semblable heurt ; et le R.P.F. aussi, car il s'apprête, sur le cadavre de la IV° République, à bâtir la dictature du sabre et du goupillon que Napoléon le Petit inaugura sur le cadavre de la IIème
Celle-ci périt parce que, malgré la devise : liberté, égalité, fraternité, inscrite sur son drapeau, furent massacrés les meilleurs combattants de la seule classe qui pouvait en faire une réalité : LA CLASSE OUVRIERE !
A. MATHIEU
L'hôpital se moque de l'infirmerie
Pour avoir plus de voix, Force Ouvrière et la C.F.T.C., organisations reconnues "représentatives", des ouvriers s'entend (sic !), ont présenté liste commune pour les élections de délégués. Mais pour recueillir des voix, il faut d'abord avoir des candidats. Chose pas facile pour ces organisations... représentatives.
Au secteur Collas, Force Ouvrière a été mettre d'office sur sa liste, malgré leur volonté, deux ouvriers membres du S.D.R. qui, lui, a justement été écarté au premier tour comme non représentatif !
L'un de ces "candidats", le camarade Beaudot, s'est aussitôt fait rayer. L'autre, le camarade Bouhaïk, étant malade, il lui a été impossible d'en faire autant. Force Ouvrière avait déjà essayé de le classer parmi ses membres en lui faisant porter à domicile, gratuitement, une carte avec les timbres de janvier et février.
Force Ouvrière "tel Soubise, cherche ses troupes", ironise la C.G.T. dans son bulletin de février, du département 6. C'EST L'HOPITAL QUI SE MOQUE DE L'INFIRMERIE ! Si le candidat de la C.G.T. au département 6 n'est pas, comme celui de Force Ouvrière, un membre du S.D.R., frauduleusement désigné, ce candidat est... un ancien membre du S.D.R. !
La C.G.T. n'a pas osé présenter les anciens, tel Facompré qui, depuis la grève de mai, s'est acquis une solide réputation de jaune. A la recherche d'un nouveau candidat, Soubise numéro 2 n'a rien trouvé d'autre... qu'un Adèle, girouette transfuge du S.D.R., et que la C.G.T. traitait d'"agent de Mayer". "On n'en a pas trouvé d'autre, mais on le surveille", telle est la réclame que fait au nouveau candidat le secrétaire syndical cégétiste Facompré.
Ailleurs, à la Fonderie, l'hôpital, c'est-à-dire la C.G.T., n'a pu faire mieux que de présenter l'ancien délégué, Vérité. L'échantillon est tellement réputé pour ses belles qualités qu'un propre responsable cégétiste s'est fait porter sur la liste Force Ouvrière pour lui faire échec. La C.G.T. en vérité, peut bien se moquer de Force Ouvrière !
A la lumière de faits semblables, on comprend encore mieux pourquoi le S.D.R. a combattu la loi patronale sur les délégués en vigueur, pourquoi il lutte pour que les ouvriers puissent élire, en toute liberté et sans restrictions sur la représentativité, tout camarade jouissant de leur confiance, et que les délégués ouvriers soient responsables devant les ouvriers et révocables par eux par un simple vote local.
En l'absence d'un bilan d'activité à présenter aux ouvriers, la propagande électorale de la C.G.T. a consisté essentiellement en des moyens d'intimidation allant jusqu'aux menaces de mort à l'adresse des responsables du S.D.R.
Ces "chevaliers sans peur" recherchent la provocation. Leur principal travail consiste à empoisonner l'atmosphère parmi les ouvriers.
Alors que justement, depuis la grève de mai, le S.D.R. avait réussi, en abolissant ces méthodes, à sauvegarder la liberté et l'unité des ouvriers qui ont tenu en respect la direction. Mais pour cela, il faut aux ouvriers des représentants honnêtes et non des empoisonneurs.
La direction doit augmenter sa subvention aux cantines
Le prix des repas à la cantine vient encore de faire un bond prodigieux (65 francs au lieu de 42). Comme après chaque augmentation, la qualité s'est temporairement un peu améliorée, mais est loin de satisfaire les rationnaires. Si les cinq centilitres de vin supplémentaires, supprimés il y a quelques mois, sont à nouveau servis, le dessert, par contre, est supprimé.
Comparée à celle d'autres usines, cette situation est d'autant plus scandaleuse.
Chez Simca, où les ouvriers mangent dans des cantines aérées, avec haut-parleurs, le prix du repas est de 72 francs, vin compris, mais un OS2 gagne 94 francs de l'heure, alors que, chez Renault, il gagne environ 75 à 76 francs. La subvention patronale est de 37 francs par repas. Le menu du 21 février 1948 était :
Salade de tomates
Une tranche de jambon
Deux rondelles de saucisson
Un bifteck
Une assiette de hachis parmentier
Cinq ou six figues, une dizaine de dattes
Un quart de vin.
Chez Alsthom-Lecourbe, le repas est à 28 francs sans vin, de 43 francs avec 30 centilitres de vin, et se compose d'une soupe, d'un plat de viande garni, d'un légume et d'un dessert ou fromage ; la subvention patronale est fixée à 35 francs, mais, pratiquement, c'est 50 à 52 francs que le patron débourse pour chaque repas. La direction est cependant loin d'être philanthrope.
Chez Renault, les frais généraux se répartissent sur un plus grand nombre de rationnaires, la cantine devrait être encore meilleure. Mais la subvention patronale n'est que de 20 fr., somme qui n'a pas varié depuis 1945 !
De quel côté chercher la responsabilité d'un pareil état de choses ?
La C.G.T., qui pendant des années, a fait de la cantine Renault un cheval de bataille, en la présentant comme une merveille de réalisation du Comité d'entreprise, est obligée aujourd'hui, devant la faillite qui menace la commission des cantines, de démasquer la direction et de reprendre la revendication que le S.D.R. avait formulée depuis des mois : augmentation de la subvention patronale.
Mais tant que leur place n'était pas menacée, du fait d'un certain équilibre dans la trésorerie réalisé par l'augmentation du prix des repas sur le dos des ouvriers, les représentants cégétistes au Comité d'entreprise n'ont élevé aucune protestation.
Le S.D.R. a dénoncé depuis longtemps les abus des cantines : le paiement à la Régie de loyers excessifs et de main-d'œuvre au prix fort (ce qui lui faisait récupérer la subvention versée par ailleurs), la part trop grande des frais d'entretien et de service. (Aujourd'hui, la C.G.T. prétend que la part des salaires du personnel des cantines a été multipliée par 3,57 depuis 1946. Si l'on appliquait le même cœfficient aux salaires des ouvriers, un O.S. qui gagnait, au début de 1946, 33 fr. de l'heure, devrait gagner 118 francs. Nous doutons que les salaires aux cantines aient été augmentés dans de telles proportions).
Déjà, le 18 août 1947, un tract du S.D.R. posait la question : "Pourquoi le Comité d'entreprise et la section syndicale C.G.T. n'ont-ils pas alerté les ouvriers sur la responsabilité de la direction dans l'augmentation des cantines, eux qui connaissaient la situation déficitaire depuis le mois de février ?" (1947).
Mais cette question est restée sans réponse, de même qu'est restée sans suite la promesse des membres de la commission des cantines aux militants du S.D.R., de procéder à des réunions d'information sur la gestion des cantines.
Le mauvais fonctionnement de la cantine oblige une bonne partie du personnel à apporter sa gamelle ; mais, pour la direction, cela se ramène à une économie de 20 francs par tête et par jour (montant de sa subvention), soit plus de 2 francs de l'heure. Or, cette "économie" est un vol sur le salaire de l'ouvrier.
La direction ne trouve pas de crédits suffisants pour augmenter les salaires et la subvention de la cantine ; elle en trouve par centaines de millions pour acheter des machines qui n'apportent aucun soulagement à la peine des travailleurs, mais les rendent toujours plus esclaves.
La direction peut et doit augmenter la subvention des cantines et permettre aux ouvriers de se nourrir convenablement. Il faut le lui imposer !
P.S. – Du fait du nouveau système de vente des tickets avec pointage de la carte, il n'est plus délivré de tickets isolés à moins de les payer 90 fr. Qu'un ouvrier oublie son ticket et il doit payer son repas 90 fr. ! Le cas est fréquent pour les nouveaux embauchés qui n'ont pas assez d'argent pour prendre une carte à 325 francs.
Certains ouvriers, italiens, espagnols, voyant la famine qui menace chaque jour davantage dans leur pays, se laissent berner par la propagande capitaliste qui leur promet du travail et du pain en France.
Avant même de passer la frontière, ces ouvriers sont contraints de signer un contrat d'une durée minimum d'un an avec une entreprise française. Or, ces entreprises (grosses firmes capitalistes) profitent de l'occasion pour faire travailler ces ouvriers dans des conditions que jamais d'autres ouvriers, unis dans un syndicat, n'accepteraient. Ils sont astreints à une cadence surhumaine, dix heures par jour : à Peyrat-le-Château (Haute-Vienne), par exemple, les ouvriers étrangers, qui travaillent au barrage doivent piocher dans le roc.
Pour 50 francs par repas (vin et pain non compris), ils ont une nourriture insuffisante et infecte. Ils sont logés dans des baraques communes où il leur est formellement interdit de faire du feu.
Et le patronat profite de "l'aubaine" jusqu'au bout en les payant encore en dessous du minimum vital fixé par le gouvernement.
Les prisonniers de guerre allemands, transformés en travailleurs "libres", sont également employés dans ces camps de travail qui n'ont rien à envier à ceux d'Hitler.
Dans le courant de la semaine dernière, un ouvrier, père de cinq enfants, qui avait mis à profit l'heure du repas pour diffuser La Voix des Travailleurs sur les machines, a été surpris par le gardiennage, qui sillonne constamment et à toute heure l'usine.
La direction l'a mis à pied pour trois jours.
Sept cégétistes ont été mis à pied pour six jours, dans la même semaine, pour diffusion de leur journal à l'intérieur de l'usine.
Dans le Livre, le résultat général du référendum concernant l'orientation syndicale a donné 28.953 voix pour la C.G.T. et 26.414 pour l'autonomie. Force Ouvrière a recueilli 5.505 voix. Il y avait en tout plus de 6.000 bulletins nuls. La proportion d'abstentions s'est élevée à 50% !
Il suffit à la C.G.T. d'une majorité de quelque 2.000 voix pour qu'elle se félicite de son succès !
Mais, en réalité, que démontre ce vote ? Si une bonne partie des ouvriers n'ont encore pas réussi à se séparer des bureaucrates de la direction (non sans doute parce qu'ils gardent confiance en eux, mais parce qu'ils craignent la division), un nombre toujours plus grand d'ouvriers ont déjà rompu avec eux. Et la différence est tellement minime qu'il suffirait de peu de chose pour que la balance penchât de l'autre côté. Comme s'exprimait un syndiqué : "Les ouvriers sont prêts à toute éventualité en cas de nouveaux manquements de la part des dirigeants cégétistes". D'autre part, le résultat du vote, qui prouve clairement que, pour les ouvriers, l'autonomie n'a rien de commun avec l'adhésion à Force Ouvrière, répond aussi à cette propagande "bien intentionnée" qui cherchait à confondre les deux.
Mais c'est surtout des élections de délégués chez les mineurs du Nord que la C.G.T. a tiré gloire. Or, en réalité, aussi bien chez les mineurs que dans le Livre, le "succès" de la C.G.T. est loin d'être celui dont elle se vante. En effet, dans le Nord, la proportion d'abstentions a été de 30%. Sur les 70% de votants, elle a recueilli 80% des voix, c'est-à-dire, en définitive (80% de 70%), 56% du nombre total des inscrits. En fait de grande victoire, donc, la C.G.T. remporte tout juste une faible majorité.
Quant à la défaite de Force Ouvrière, dans les mines comme dans le Livre, qui pourrait s'en étonner ?
Depuis longtemps, Jouhaux, qui avait précédé Frachon dans la voie de la trahison, était vomi par les ouvriers. C'est dès la "libération" que les ouvriers réclamaient l'exclusion de Jouhaux de la C.G.T., mais c'est précisément son compère Frachon qui lui servait de garant. Et s'il s'est trouvé, par la suite, que les frachonistes ont été obligés, par le mouvement ouvrier, de passer dans un semblant d'opposition vis-à-vis du gouvernement et du patronat pour "ne pas se couper des masses", dans aucune circonstance, Jouhaux et sa clique, par contre, ne se sont trouvés du côté des ouvriers. Ce qui explique, du reste, que Force Ouvrière ne soit pratiquement pas représentée par des ouvriers du rang.
Ce que révèlent, en tout cas, ces votes, c'est le grand nombre d'ouvriers mécontents des organisations syndicales bureaucratiques.
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