1948 |
PROLÉTAIRES DE TOUS LES PAYS UNISSEZ-VOUS ! |
LA VOIX DES TRAVAILLEURS nº 52
1er décembre 1948
Après huit semaines de grève, les mineurs ont été contraints de reprendre le travail, sans qu'aucune de leurs revendications ait été satisfaite. Fidèle à la politique de blocage des salaires, inaugurée par De Gaulle-Thorez-Bidault, le gouvernement Queuille n'a reculé devant rien pour contraindre les mineurs à capituler "sans conditions".
Cependant, huit semaines durant, par leur combativité et leur héroïsme – car il fallait de l'héroïsme pour opposer, sans armes, une résistance acharnée à un ennemi armé jusqu'aux dents – les gueules noires se sont classées à l'avant-garde de tout le mouvement ouvrier. Une fois de plus, il est donc prouvé que la volonté de lutte et même l'héroïsme des ouvriers ne suffisent pas pour qu'ils obtiennent la victoire.
Les mineurs ont été héroïques, mais leurs dirigeants les ont trompés.
N'était-ce pas une escroquerie que de faire croire aux mineurs qu'ils pouvaient, par leur seule grève, arracher le Minimum Vital, qu'une grève de 2 ou 3 millions de travailleurs (Y COMPRIS LES MINEURS), en Novembre-Décembre 47, n'avait pu obtenir ?
N'était-ce pas de la poudre aux yeux que de prétendre organiser la solidarité avec les mineurs en demandant aux autres travailleurs de verser des sommes suffisantes pour permettre aux mineurs de tenir indéfiniment, alors que tous les travailleurs, qui déjà avec leurs salaires n'arrivent pas à joindre les deux bouts, ont à supporter les pertes de salaires occasionnées par leurs propres combats grévistes ?
Voilà pourquoi les mineurs ont été battus !
Quand aujourd'hui, par conséquent, B. Frachon prétend que c'est "la faim qui a entamé le bloc des mineurs", il ne fait que continuer à tromper les ouvriers. Si J. Moch et les capitalistes sont arrivés à affamer les mineurs, c'est que B. Frachon les avait engagé, dès le début, dans une impasse.
Nous en avions d'ailleurs averti les travailleurs dès le 19 Octobre (n° 50) : "Seule une GREVE GENERALE peut faire aboutir la revendication des travailleurs, un SALAIRE VITAL GARANTI PAR L'ECHELLE MOBILE. Mais la C.G.T. est impuissante à conduire la classe ouvrière dans une telle lutte. Et comment le pourrait-elle, quand c'est elle qui a été depuis la "libération" le principal garde-chiourme de la bourgeoisie ("produire d'abord"), quand c'est elle qui a été le principal briseur de grève de Mai à Septembre 47, et quand c'est elle qui en Novembre-Décembre 47, a mené à la défaite la grève générale, en éloignant, par son attitude bureaucratique, la majorité des ouvriers de la lutte ? Cette incapacité de la C.G.T. de mener la grève générale, qui a déjà contraint les travailleurs de l'Est de finir leur lutte par un compromis dérisoire, rend inévitable le "pourrissement de la grève des mineurs elle-même, isolée devant la coalition capitaliste nationale et internationale".
La grève générale, c'est du reste ce que désirent les travailleurs depuis le mouvement gréviste commencé en Avril 47. Car, comme en Juin 1936, seul un mouvement englobant simultanément la majorité écrasante de la classe ouvrière peut faire capituler les capitalistes.
Mais les sacrifices qu'exige une telle lutte ne peuvent être assumés par les travailleurs que s'ils savent qu'ils ne seront pas abandonnés dans la lutte, qu'on ne leur tirera pas dans le dos, qu'à l'intérieur du mouvement les opinions et les personnes seront respectées.
Or les agissements anti-démocratiques des bureaucrates, C.G.T., F.O., C.F.T.C. ont, au contraire, divisé les travailleurs et avili leur volonté de combat.
La lutte héroïque des mineurs, l'effort qu'elle a coûté à toute la classe ouvrière, auront été loin d'être inutiles si les travailleurs en tirent définitivement la leçon. Car c'est depuis bientôt 15 ans, depuis Février 1934, que la classe ouvrière voit mener à la défaite par les bureaucrates incontrôlés ses efforts héroïques d'améliorer son sort ou de résister à la politique de famine des gouvernements capitalistes. Et cependant ce n'est que très lentement qu'elle comprend qu'il faut, sous peine de mort, rebâtir de nouvelles organisations prolétariennes. Plus tôt la classe ouvrière apportera une aide décisive à la création de nouvelles organisations ouvrières, sous le contrôle de la base, plus tôt ses luttes seront couronnées de succès.
Un maréchal anglais, Montgomery, vient de s'installer à Fontainebleau en tant que commandant suprême des cinq armées occidentales, dont l'armée française.
A l'inquiétude provoquée par ce nouveau pas vers la guerre s'ajoute aussi, et on s'empresse de l'exploiter, le sentiment de la dignité nationale froissée.
Il serait inutile d'en parler si c'était seulement les chauvins de droite qui poussaient les hauts cris contre "l'Anglais". Mais c'est surtout les jésuites "d'extrême-gauche" de L'Humanité qui, faisant flèche de tout bois, ne dédaignent pas le poison chauvin, eux qui sont aux ordres de leurs maîtres russes.
Nous ne voulons pas, nous autres ouvriers internationalistes, de Montgomery non pas parce qu'il est Anglais, mais parce qu'il est au service des capitalistes "occidentaux" et parce qu'il nous mène droit à une nouvelle guerre impérialiste.
Et c'est à ce titre que nous ne voulons pas non plus des Koenig et des de Lattre de Tassigny, ou des Sokolovsky et autres satrapes de Staline. Que sont-ils, eux tous, sinon les représentants d'une clique gavée et privilégiée vivant de rapines sur le dos des peuples ? Nous voulons que plus aucun des militaristes, occidentaux ou orientaux, puisse décider de nos destinées. Et nous n'oublions pas, dans la lutte qu'il faut mener pour nous émanciper de leur domination, l'exemple de la COMMUNE DE PARIS, dont les deux généraux furent les Polonais Dombrowsky et Wroblesky.