1950

Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !
ORGANE DE L'UNION COMMUNISTE (Trotskyste)
Nouvelle série – N°6

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La Lutte de Classes

Barta

16 février 1950


POUR GAGNER LA BATAILLE DES CONVENTIONS COLLECTIVES

Avec le vote des conventions collectives qu'ils ont imposé par leur pression de plus en plus forte, les salariés ont enfin réussi à s'arracher la camisole de force du blocage des salaires, institué par le P.C.F.-C.G.T. Ambroise Croizat quand il était ministre. Désormais les patrons ne peuvent plus se retrancher derrière cette loi pour refuser de discuter de l'augmentation des salaires.

Patronat et gouvernement se trouvent aujourd'hui devant un front ouvrier renforcé. Car ces conventions votées au moment où le gouvernement le voulait le moins, par une coalition P.C.F.-P.S.-M.R.P., sont de beaucoup améliorées par rapport au premier projet que l'Assemblée avait envoyé au Conseil de la République. Voilà qui augure bien de l'efficacité de la pression que la classe ouvrière aura à exercer sur le patronat dans les discussions à venir.

Mais si la classe ouvrière a emporté les barrages légaux dressés par le gouvernement autour des coffres-forts capitalistes, l'augmentation des salaires n'a pas encore été obtenue. La prime de 3.000 fr., payée au mois de novembre aux salariés gagnant moins de 12.000 francs et celle accordée la semaine dernière aux salariés gagnant moins de 14.000 fr., n'ont été qu'une aumône par laquelle les capitalistes ont voulu, en face de l'extrême détresse et du mécontentement général, prouver à bon marché leurs bonnes intentions et leur bon coeur.

Les 3.000 francs par mois et pour tous avec effet rétroactif du 1er décembre restent donc la principale revendication immédiate des travailleurs. Les discussions entre patrons et ouvriers sur la base des nouvelles conventions collectives dureront encore longtemps, selon les entreprises et les branches d'industrie, et la nécessité d'augmenter les salaires est urgente, car elle se pose depuis de longs mois. C'est le succès ou l'insuccès de cette revendication qui décidera finalement si les conventions collectives se traduiront par une hausse ou par une baisse des salaires.

Mais l'unanimité faite autour de cette revendication qui, par son aspect démocratique (3.000 frs. pour tous) a suscité la confiance et renforcé l'unité des ouvriers, est une garantie que de très nombreuses entreprises seront obligées d'accorder cette augmentation.

Il n'en est pas de même pour les revendications inscrites dans les projets de conventions collectives établis par les centrales syndicales.

Si la revendication du minimum vital que la C.G.T., par exemple, fixe à 20.000 frs. sur la base de la semaine de 40 heures, est elle aussi de nature à obtenir l'appui unanime des ouvriers, les coefficients de salaires prévus par ses projets de conventions divisent les ouvriers et affaiblissent par conséquent leur capacité d'action. En effet, ces coefficients non seulement reconnaissent et consacrent la hiérarchie des salaires, mais l'élargissent considérablement par rapport à celle qui existe. Or, celle-ci déjà ne correspond nullement à des différences de qualification. Les multiples catégories et sous-catégories dans l'échelle des salaires ont été créées par le patronat dans le seul but de diviser les exploités et de servir de justification aux privilèges des "gros". Les nouveaux coefficients hiérarchiques établis par les projets de conventions sont donc archi-réactionnaires, ils ne peuvent pas susciter l'unité et l'enthousiasme de la grosse majorité des travailleurs. C'est pour ceux qui peinent le plus et pour ceux qui ont le plus de sacrifices à faire dans la lutte, qu'on réclame le moins. Ce qui serait démocratique et juste, c'est, au contraire, que les sommes arrachées au patronat bénéficient avant tout à ceux qui sont au bas de l'échelle hiérarchique et qui sont l'écrasante majorité.

Les conventions collectives basées sur l'aggravation de la hiérarchie actuelle ne sont pas la cause de la grande majorité des travailleurs. Elles ne sont donc pas justes. Or, la bataille ne peut pas être gagnée si la cause n'est pas juste. Pour gagner la bataille des conventions collectives il faut que les centrales syndicales proposent aux ouvriers des revendications démocratiques. Si elles persistent à maintenir leurs projets réactionnaires, les travailleurs doivent les repousser et leurs militants de base doivent les obliger à les changer. Cela est possible, car cela est déjà arrivé à propos des 3.000 francs. En effet, jusqu'à il y a peu de temps, la C.G.T. qui, la première, a mis en avant cette revendication, réclamait 3.000 francs hiérarchisés. Mais elle a dû y renoncer, et il est même arrivé chez Renault, par exemple, que la C.G.C., pour qui l'écartement de la hiérarchie est la raison d'être, accepte elle aussi cette revendication sous forme de 3.000 francs pour tous.

Les travailleurs doivent donc, dans chaque usine, exiger un vote pour repousser les conventions collectives proposées par les centrales syndicales et pour demander que les augmentations les plus substantielles concernent les plus mal payés, et non l'inverse.

C'est à cette condition que la classe ouvrière gagnera la bataille des conventions collectives.

La Lutte


L'OCCIDENT SACRIFIE

"L'Europe occidentale se trouve être militairement le point le plus exposé du globe...". "Aux Etats-Unis on a toujours été tenté de sacrifier l'Europe en cas de conflit..." Le Pacte Atlantique n'assure pas la sécurité de l'Europe. Qui tient ce langage ? Ce n'est pas L'Humanité, organe du bloc russe, mais le journal officieux du Quai d'Orsay, Le Monde, organe du bloc occidental, dans son bulletin de l'étranger du 10 février. Voilà où ils en sont, les champions, avec Franco, de "la guerre démocratique contre la dictature de l'Est", les promoteurs du Pacte Atlantique  "pour la défense de la civilisation occidentale", les stratèges du "Si tu veux la paix, prépare la guerre" ! Eux, qui n'hésitent pas et ne reculent devant rien quand il s'agit de maintenir un peuple dans la sujétion, eux qui demandent aux travailleurs toujours plus de sacrifices matériels, toujours plus d'hommes pour la guerre d'Indochine, ils voudraient maintenant échapper d'une façon ou d'une autre au prochain conflit mondial, se soustraire au Pacte Atlantique, - car depuis que les Russes possèdent la bombe atomique, la destruction de l'Europe occidentale dans un prochain conflit est certaine. Destruction non seulement des quartiers pauvres, des usines où travaillent les prolétaires, des objectifs militaires où se trouvent les paysans et ouvriers-soldats, mais de la classe capitaliste aussi. Lancées par les Américains pour en déloger les Russes ou par les Russes pour en déloger les Américains, les bombes atomiques anéantiraient toute trace de vie dans les villes occidentales et c'est le désert qui prendrait la place de ce qu'on appelle "la civilisation occidentale".

On comprend que la perspective d'une telle catastrophe effraie nos dirigeants capitalistes, à tel point qu'elle les oblige coûte que coûte à chercher quelque chose pour l'éviter. Mais qu'ont-ils trouvé ? Ils voudraient convaincre les Américains que la politique la plus sage serait "de laisser à l'Europe occidentale une certaine autonomie qui réduirait ses chances d'être entraînée dans la mêlée". Si l'Europe occidentale, "tout en restant liée à l'Amérique qui viendrait à son aide en cas d'agression", proclamait sa neutralité, cela empêcherait les Russes de l'attaquer pour ne pas se créer un ennemi de plus ! En substance, le raisonnement que nos dirigeants capitalistes tiennent aux Américains est le suivant : "L'aide que nous pourrions vous apporter en rentrant dès le début dans le conflit n'a pas de commune mesure avec les sacrifices que cela implique. Nous avons signé le Pacte Atlantique quand vous étiez seuls à posséder la bombe atomique, quand vous étiez donc en mesure d'assurer notre victoire commune dans des conditions acceptables pour nous. La situation a complètement changé depuis que les Russes possèdent la bombe : en cas de conflit, nous serions les premières et les principales victimes ; pour éviter ce sort, nous voudrions que vous vous passiez au début de notre aide, nous voudrions proclamer notre neutralité".

Comme on le pense, les dirigeants américains n'ont eu cure de telles propositions. Si les Truman étaient capables de penser à la sécurité de tous les peuples avant de penser à leurs intérêts impérialistes, ce n'est pas la troisième guerre mondiale qui serait à l'ordre du jour, mais la paix universelle. Aussi ont-ils fait savoir qu'ils s'élevaient contre l'idée d'une Europe occidentale "neutralisée", car cette neutralité ne serait que tout bénéfice pour les Russes. Seulement, pour rassurer quelque peu les dirigeants européens, ils promettent de ne pas utiliser les bombes atomiques dans les territoires occidentaux, même si ceux-ci venaient à être occupés par les Russes.

On sait ce que valent de telles promesses. Jusqu'à présent, seule la crainte de représailles a empêché un belligérant d'utiliser une certaine arme contre son adversaire ; cela a été le cas, par exemple, dans la guerre de 1939-45, pour les gaz. S'il est donc possible que la crainte réciproque empêche Moscou et Washington d'utiliser l'un contre l'autre les armes atomiques, l'Europe occidentale ne possédant pas la bombe atomique est la seule à ne pas avoir de garantie dans ce domaine.

Mais quels que soient les risques qu'ils courent, les dirigeants de l'Europe occidentale ne peuvent que s'incliner devant les exigences américaines. Ils sont complètement sous la dépendance économique et politique des capitalistes américains, sans lesquels le système capitaliste occidental s'effondrerait ; ils dépendent d'eux militairement, car c'est avec leur aide qu'ils essaient de sauver leurs possessions coloniales.

Quoi qu'il arrive, ils sont obligés de se soumettre sans conditions.

C'est pourquoi le monde occidental ne peut nullement être sauvé par les rêves de neutralité de ses dirigeants corrompus. Pour obtenir cette neutralité, il faudrait pouvoir l'imposer aux adversaires en présence. Mais cela exige une force que ne possède point le monde occidental en proie à la décadence capitaliste. Les essais de certains hommes politiques de lutter contre cette décadence en réalisant, sur des bases capitalistes, l'unification économique et politique de l'Europe occidentale - "l'Union Occidentale" - n'ont-ils pas, comme il fallait s'y attendre, complètement échoué ? L'Europe ne se débat-elle pas plus que jamais dans une situation sans issue ?

Pour unifier l'Occident, il faut d'abord éliminer les capitalistes qui le maintiennent dans le morcellement et dans l'impuissance. La tâche historique d'unifier l'Europe économiquement et politiquement ne peut par conséquent être accomplie que par la classe ouvrière. L'Occident sacrifié par le capital ne peut être sauvé que par ses classes ouvrières unies pour la réalisation des Etats-Unis socialistes d'Europe et du Monde.

A. MATHIEU


Pour vaincre leurs exploiteurs, il ne suffit pas aux exploités et opprimés du capital de se battre, ni même de bien se battre. Il leur faut aussi un programme scientifique et un drapeau sans tache aucune.
C'est parce qu'il remplit ces deux conditions indispensables au succès de la Révolution prolétarienne que le trotskisme est le seul à pouvoir faire triompher leur juste cause. Sa voie, c'est la révolution ouvrière mondiale et la révolte des peuples coloniaux contre l'impérialisme. Son but, c'est le socialisme et la fraternité de tous les peuples dans les Etats-Unis socialistes d'Europe et du Monde.


Fondé en octobre 1942
Rédaction et Administration : écrire à J. Ramboz
7, impasse du Rouet,Paris (14ème)


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