Oeuvres d'Auguste Blanqui 1880
Source : L'armée esclave et
opprimée. Suppression de la conscription. Enseignement militaire de la jeunesse.
Armée nationale sédentaire par Auguste Blanqui, dans le journal :
Ni dieu ni maitre, passage de l'opéra, galerie de l'horloge,
13.
1880
Transcrit : par Andy Blunden,
marxists.org, 2003.
Après les hideuses découvertes qui provoquent en ce moment l'indignation publique, les coupables, soutenus par les traîtres habituels, ont pris impudemment l'offensive et crient de toutes leur forces: « À l'armée outragée ! » Traduisez : « Au manque de respect pour les grosses épaulettes. »
L'armée !... Il y a huit ans que, ces mémes traitres la tiennent en permanence, clouée au pilori; depuis huit ans, tous les Français sont lecteurs, excepté les forçats et les soldats. La voilà l'insulte à l'armée !
La République avait octroyé le droit de suffrage aux citoyens purs de notes judiciaires. Pouvait-elle le refuser aux braves gens qui donnent à la patrie leur sang et leur liberté ? Pouvait-elle, en récompense d'un tel sacrifice, les rayer de la liste des citoyens ? La République n'a pas eu cette belle idée d'assimiler aux malfaiteurs les hommes sous le drapeau. Les militaires sont électeurs.
Mais voici. Depuis la semaine sanglante où les états-majors, qui sont des jésuites, ont fait massacrer les Parisiens par des chouans, la plupart des sous-officiers et soldats, donnaient leurs voix aux candidats républicains. Chaque élection nouvelle était une conquête patriotique. Dans certaines garnisons, la différence entre le nombre des votes des deux partis militaires allait jusqu'à dix ou onze contre un. Si les électeurs civils avaient fait de même, en peu de temps la République, emportait la victoire. Les officiers étaient furieux les réactionnaires consternés. Adieu leur espoir à tous, de relever le trône avec l'aide de l'armée ; adieu ce refrain perpétuel des conservateurs : « Il ne nous reste de resssource, que dans la troupe ! »,
Ce beau rêve allait s'évanouir par la grâce du bulletin de vote qui se retournait contre eux dans la giberne des soldats. Mais les dignes gens y préféraient des cartouches, dans ce magasin de meurtres ; et, d'un geste de haute trahison, l'Assemblée, dite nationale, improvisa la néfaste métamorphose. L'homme à la pensée libre et saine s'affaissa sous la pensée esclave.
Elle en répondra devant les futurs comices de la France, cette prétendue Assemblée nationale, elle en répondra de son pouvoir usurpé pour enlever à l'armée le suffrage universel dans les intentions les plus perverses, alors qu'elle le voyait entièrement favorable à la cause du progrès et de liberté.
Oui, certes, elle rendra des comptes sévères, à moins qu'exécutif et législatif ne se coalisent pour couronner d'un coup d'Etat final toutes les tromperies, les violences et les méfaits, dont la série se déroule de main en main depuis dix ans.
Dans ce cas, sans doute, la nation avisera, car le crime est éclatant. Il date du mois de juillet 1872 et il s'est accompli avec un mélange d'hypocrisie et d'impudeur qui a comblé la mesure.
Les Français se souviendront que, soldats ou citoyens, ils ont constamment fait preuve d'une loyauté, d'une patience, d'une modération qui forment un contraste douloureux avec la perfidie et la férocité de leurs gouvernants.
L'exposé ci-après de la création d'une armée nationale sédentaire prouvera jusqu'a l'évidence quelle, doit être et quelle sera la plus sûre sauvegarde contre les agressions du dehors et les détestables machiavélismes du dedans.