1918 |
« Le programme du parti communiste n'est pas seulement le programme de la libération du prolétariat d'un pays. C'est le programme de la libération du prolétariat du monde entier. Car c'est le programme de la révolution internationale. » |
Le programme des Communistes (Bolcheviks)
XV. La fin du pouvoir de l’argent (Les
« finances d’État» dans la République des soviets et l'économie
financière)
L’argent est maintenant un bon pour obtenir des marchandises. Celui qui a beaucoup d’argent peut donc acheter beaucoup, il est riche. La valeur de l’argent peut tomber très bas, celui qui a plus d’argent, peut vivre mieux. Les classes riches qui ont de l’argent en surabondance peuvent donc tout obtenir en abondance. Les commerçants et les négociants, les capitalistes et les spéculateurs en ville, les sangsues à la campagne, qui se sont incroyablement engraissés pendant la guerre, ont épargné de l’argent en papiers de dix mille couleurs différentes. Ça est allé si loin qu’il ont enterré leur argent dans des vases de terre et de verre, tant ils ont amassé de ces bons.
D’un autre côté, l’État ouvrier et paysan a besoin d’argent. De nouvelles émissions font tomber la valeur de l'argent, plus on en émet, moins il a de valeur. On doit cependant pourvoir les fabriques et les usines d’argent ; les ouvriers doivent être payés, Où doit-on prendre l’argent ? Il est nécessaire, d'imposer d’abord les classes riches. L’impôt sur la fortune et les revenus, c’est-à-dire une imposition des gros revenus et des grosses fortunes, l’imposition des riches, de ceux qui ont un excédent de revenus, doit être l’impôt principal.
Mais maintenant que nous vivons tous dans le feu de la Révolution, où il est difficile d’organiser d’un coup équitablement l’introduction de l’impôt, d’autres formes de prélèvement d’argent sont admissibles et utiles Le moyen suivant, par exemple, est utile : Le gouvernement déclare que jusqu'à une date déterminée tout l’argent doit être changé en nouvelle monnaie, l’ancienne perdant sa valeur. Cela signifie que chacun doit tout sortir des vases de terre, des bahuts et des armoires et le porter à la banque pour le change. On peut alors organiser la chose de la manière suivante : Les épargnes des petites gens ne sont pas touchées, elles reçoivent rouble pour rouble, l’ancien rouble est changé contre un nouveau. A partir d une certaine somme, une part sera retenue au profit de l’État, et plus les sommes épargnées sont grosses, plus aussi on doit faire des décomptes proportionnellement plus élevés. Disons par exemple : jusqu’à 5000 roubles, chaque rouble sera changé contre un rouble. On prélèvera le 1/10 des 5000 roubles suivants, le 1/7 des troisièmes 5000, le 1/4 des quatrièmes, la 1/2 des cinquièmes, les 3/4 des sixièmes et à partir d'une certaine somme tout sera confisqué.
Ainsi, le pouvoir des riches serait suffisamment miné, on. aurait assez de moyens pour les besoins de l’État ouvrier et tous les revenus seraient plus ou moins égalisés.
Dans la période révolutionnaire, des contributions imposées aux riches sont aussi admissibles ; par exemple un payement obligatoire et unique sur ordre des organisations soviétistes. Il n est naturellement pas bon qu'un soviet impose la bourgeoisie d'une manière, un autre d'une autre et un troisième d'une troisième manière ; c'est aussi contraire au but que la multiplicité des systèmes dans les impositions locales.
On doit donc s'efforcer d’unifier tout l’appareil fiscal d’après un certain plan applicable à toute la République des soviets. Tant que cela n'est pas le cas, les contributions sont aussi admissibles. « Dans le royaume des aveugles, les borgnes sont rois », dit le proverbe. On doit seulement se souvenir que le devoir du parti, le devoir des soviets, le devoir de la classe ouvrière et des paysans pauvres consiste à unifier et à centraliser le régime fiscal pour faire de l'ordre ici aussi, pour chasser la bourgeoisie, d'après un plan, de ses retranchements économiques.
On doit cependant remarquer que l'importance de l'argent en général diminue d’autant plus que le travail d’organisation de la production d'après les nouveaux principes ouvriers progresse. En fait : Autrefois, quand régnaient les entreprises privées, ces entreprises se vendaient mutuellement leurs marchandises. Maintenant, ces entreprises s'unissent tôt ou tard et se transforment en différentes divisions de la production sociale. Les produits ne peuvent pas être répartis entre elles par l’entremise du commerce libre, mais d'après un plan élaboré par les organes ouvriers de répartition. Il se produit ici ce qui arrive dans les entreprises combinées des capitalistes.
On nomme entreprises combinées, des entreprises qui englobent différentes branches d’industries. En Amérique il y a des entreprises qui englobent des fabriques métallurgiques, des mines de charbon, de fer et des sociétés de bateaux à vapeur. Une partie de l'entreprise livre à l'autre ses produits ou transporte les produits terminés. Comme toutes ces branches d'industries particulières ne sont que des parties d'une entreprise, on comprend qu'une partie ne vende pas son produit à l’autre, mais que ces produits soient répartis sur l’ordre d’un bureau central, commun à toutes les branches diverses de l'entreprise. Prenons un autre exemple : Dans une usine un demi-produit passe d’une division à une autre et cependant, il n'y a, au sein de l’usine, ni achat ni vente. Il en sera de même pour toute la production.
Quand les principales branches d'industrie s'organisent, cela signifie qu’elles se transforment en une immense entreprise commerciale avec une administration ouvrière. Entre toutes les parties de cette entreprise existe une juste répartition des moyens de production nécessaires : combustible, matières premières, demi-produits, matériaux de secours, etc. Mais cela signifie que l’argent perd sa valeur. Il a une importance quand la production n’est pas organisée ; plus elle est organisée, plus le rôle de l’argent diminue et sa nécessité finit par disparaître.
Qu’en est-il, nous demande-t-on, du salaire des ouvriers ? C’est la même histoire. Plus la production est organisée dans les mains de la classe ouvrière, moins les travailleurs sociaux seront payés en argent et davantage en nature, c’est-à-dire en produits. Nous avons déjà parlé de communautés de consommation et de carnets de travail. Les produits dont les ouvriers ont besoin seront livrés par les entrepôts collectifs, sans argent, simplement contre le certificat de travail, qui est l'inscription dans le carnet de travail. On ne peut naturellement pas introduire ce système d’un coup. Il s’écoule beaucoup de temps jusqu’à ce que tout puisse être organisé, ordonné et réalisé. C’est un travail nouveau, réalisé nulle part dans le monde, et par conséquent particulièrement difficile. Mais il est clair que plus les ouvriers se rendent maîtres de la production et de la répartition des produits, plus aussi diminue la nécessité de l’argent, plus tard l'argent disparaîtra insensiblement.
L'échange entre la ville et la campagne commence aussi de se réaliser sans argent : les organisations industrielles urbaines livrent aux villages des produits manufacturés, des marchandises de fer, etc. ; les organisations campagnardes livrent du pain à la ville, Ici aussi l’importance de l'argent est d’autant moindre que les organisations urbaines et campagnardes des ouvriers et des petits paysans sont plus étroitement unies.
Maintenant le gouvernement ouvrier emploie de l’argent et il en emploie beaucoup précisément parce que l'organisation de la production et de la répartition est à son début et que l'argent joue encore un très grand rôle. Les finances — les dépenses et les recettes de l'État — ont donc une énorme importance. C'est pourquoi la question des impôts est si actuelle ; ils sont nécessaires à tout prix ; l'argent superflu de la bourgeoisie urbaine et campagnarde doit à tout prix être confisqué, les contributions sont de temps en temps nécessaires.
Mais avec le temps, le système fiscal disparaîtra aussi. Déjà maintenant, à mesure que la production est nationalisée, le profit disparait des mains du capitaliste. Les propriétaires fonciers sont anéantis, l'imposition des revenus des biens seigneuriaux, de ce qu’on appelle la rente foncière, est abolie. Les maisons sont prises aux propriétaires, ici aussi disparaît la source des impositions. Le superflu des riches est confisqué ; les riches perdent leur soutien et tous deviennent insensiblement des travailleurs au service de l'organisation prolétarienne d’État. (Plus tard, quand le communisme sera réalisé intégralement, quand l’État lui-même disparaîtra, tous se transformeront, comme nous lavons vu, en camarades semblables et tout souvenir de l'ancienne division en bourgeois et ouvriers disparaîtra.)
S'il en est ainsi, il est compréhensible qu'il soit beaucoup plus simple de payer moins d'abord plutôt que de donner de gros salaires et d'opérer plus tard un prélèvement sous forme d’impôt sur ces gros salaires. Il n'y a aucun profit de dépenser des forces et de l’argent à ce travail inutile.
D'un autre côté, nous avons vu que l'argent ne joue aucun rôle quand la production et la répartition sont organisées complètement. On n'aura donc plus besoin d'aucune perception d'argent. L'argent cesse au fond d’être utile. Il cesse donc aussi d'être nécessaire au gouvernement. L'économie financière disparaît.
Nous le répétons, nous sommes encore bien éloignés de ce moment. Il ne peut en être question pour un avenir rapproché. Nous devons maintenant nous occuper de récolter des moyens financiers, mais déjà nous devons prendre des mesures qui nous conduiront à la suppression complète du système financier. La société se transforme en une immense coopérative du travail. qui produit et repartit ses produits sans l'aide de la monnaie d’or ou d'argent. La puissance de l’argent approche de sa fin.