1932 |
Première publication : The Militant , Vol. V n° 7 , 13 février 1932, p. 4. |
Le comité de rédaction du Militant doit s'excuser auprès de ses lecteurs pour la publication, dans le numéro du 30 janvier, de la critique de livre traitant d'une biographie récente de Lassalle. La qualité superficielle de cet article, ainsi que son ton désinvolte et présomptueux, ont été remarqués comme plus appropriés pour les New Masses que pour notre journal. Tout l'article contredit notre attitude envers les grandes figures historiques du prolétariat, parmi lesquelles nous comptons Lassalle. Son apparition dans ces colonnes était tout à fait fortuite. Nous sommes résolument contre l'attitude exprimée dans l'article, et nous sommes encore plus contre l'esprit de celui-ci.
Le fondateur du mouvement ouvrier allemand n'était pas sans défauts dans le domaine de la théorie et de la tactique. Marx, qui était son contemporain, les a suffisamment expliqués, et ils sont connus des spécialistes de l'histoire socialiste. Mais, pour tout révolutionnaire sérieux, Lassalle reste Lassalle, l'épée et la flamme du prolétariat. Nous n'accordons à personne le droit de le dénigrer et de le rabaisser - et ainsi de le déformer complètement et d'obscurcir sa portée historique grandiose.
Lénine, qui n'était pas si présomptueux, a maintes fois parlé de Lassalle, et toujours avec respect. Il a commencé sa fameuse brochure Que faire ? en citant, sous forme de thèse, une lettre de Lassalle à Marx. Ailleurs, il parle du « service historique que Lassalle a rendu au mouvement ouvrier allemand ». Trotsky s'est référé à lui de la même manière dans Notre Révolution et dans d'autres ouvrages. De tels exemples qui ont été oubliés par le rédacteur qui a porté sa critique de Lassalle dans le Militant.
Il faut protester contre l'évaluation totalement fausse de Lassalle dans la critique en question. Mais il n'est pas moins important de réagir contre l'esprit qu'elle manifeste. Il faut veiller à ce qu'un mouvement comme le nôtre, qui est obligé, surtout dans les conditions actuelles, de mettre l'accent sur le côté critique de son travail, ne devienne pas un terrain de jeu pour le matamorisme malin et l'assurance des pédants. Des tendances de ce genre se manifestent de temps à autre, surtout parmi les jeunes. L'esprit pédant c'est l'esprit petit-bourgeois. Il est étranger à une organisation de révolutionnaires prolétariens et n'a aucun droit légitime en son sein.