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Rapports CGT-Parti Socialiste : la position guesdiste... Source : "Le Socialisme", 7 juin 1908. |
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Les rapports
Paul-Marius André
7 juin 1908
Le Conseil National du Parti Socialiste résoudra dans sa prochaine séance, sans doute, la question qu’il inscrivit à son ordre de jour, il y a plusieurs mois : le Parti et les Syndicats, les résolutions des Congrès national et international – et qu’il ne pût discuter plus tôt, pressé qu’il fut par d’autres questions.
L’oubli semble s’être fait sur le problème des rapports du Parti et des Syndicats posé en France, au Congrès corporatif d’Amiens, par la Fédération nationale du Textile et, au Congrès du Parti Socialiste de Limoges, par la Fédération du Nord. Les controverses et les polémiques ardentes qui furent suscitées à ce propos, tant dans les Syndicats que dans les groupes socialistes, paraissent éteints. Après le verdict de l’Internationale réunie à Stuttgart, on a l’impression d’un incident clos. Je crois, quant à moi, que si la cause est aujourd’hui entendue, l’affaire n’est pas classée. Elle demeure dans les préoccupations de ceux qui envisagent l’avenir de la classe ouvrière, particulièrement en France et nous devons nous attendre à la voir renaître, dans des formes nouvelles, jusqu’à ce qu’elle ait été solutionnée définitivement, c’est-à-dire normalement.
Le Congrès d’Amiens a repoussé toute entente, occasionnelle ou continue, entre l’organisme central des groupes corporatifs et le Parti socialiste. La majorité des fédérations départementales socialistes a pris acte, en quelque sorte, de ce refus, à Limoges d’abord, à Nancy ensuite. Ce sont là des constatations que l’on est obligé non seulement d’enregistrer, mais dont on ne saurait se dispenser de tenir compte.
D’autre part, le Congrès international de Stuttgart, sans viser explicitement la situation française, n’a pu que souligner l’anomalie de cette situation et la tenir pour provisoire. L’absence de rapports matériels entre le Parti et la C. G. T. n’a pas eu seulement des conséquences sérieuses pour le socialisme français, mais pour les Syndicats eux-mêmes qui ont ainsi été conduits à rester, jusqu’à ce jour, en dehors de l’Internationale syndicale.
Des raisons diverses – des impulsions innées, devrait-on dire plus exactement – ont déterminé le vote du Congrès d’Amiens. Anarchie anti-socialiste et fédéralisme trade-unioniste (ancienne manière), dégoût du syndicalisme ministérialiste et lassitude des vielles divisions inter-syndicales que provoquaient jadis les discordes socialistes, tous ces sentiments se sont confondus en un seul vote par lequel on entendait murer le passé dans sa tombe. L’Unité avait recrépi la façade du socialisme français ; mais, à l’intérieur de la maison, les vieux ressentiments s’apaisaient difficilement et les syndiqués pouvaient craindre qu’ils n’entrent dans l’Unité syndicake, elle-même de date récente. Ainsi donc, pratiquement, la proposition du Textile était irréalisable à l’heure où elle fut déposée et les auteurs n’eurent à ce sujet aucune illusion.
Ceux qui opposèrent le consentement mutuel nécessaire au mariage de la C. G. T. et le Parti eurent donc beau jour.
En réalité, il ne s’est jamais agi d’un mariage imposé de force par l’une des parties à l’autre. On ne décrète pas l’amour : on le fait naître en multipliant les rencontres, en échangeant des idées et des propos, et les circonstances déterminent les épousailles.
Par l’Unité, par l’accroissement de ses forces matérielles et morales, le Parti socialiste est devenu un Parti majeur. Il ne lui est plus permis de vivre d’intrigues et de combinaisons, de chercherà côté de lui des auxiliaires dont il pouvait avoir besoin à l’époque de sa minorité et de sa faiblesse. Il est une grande organisation et il est tenu, comme tel, de parler haut et clair, d’agir avec prudence et vigueur. Il devait donc avoir sur la question de ses rapports avec les Syndicats comme sur les autres, un avis motivé et définitif, et non l’opinion incertaine d’une journée de Congrés. Il est le guide de la classe ouvrière qui vient ou qui viendra à lui et, comme tel, il a pour mission d’indiquer où est le devoir. Ce devoir, c’est encore et toujours, l’Unité du prolétariat, unité syndicale et politique dans la nation, unité syndicale et politique dans l’inter-nation.
Là est le sens profond, la marque originale de la motion de Stuttgart. L’Internationale a dit aux socialistes de tous les pays : Unissez-vous ! Elle n’a pas songé à leur imposer l’unification. L’Internationale a dit aux organisations corporatives de tous les pays : la classe ouvrière est une ; elle n’est pas divisible en fractions syndicales et socialistes ennemies ; elle doit seulement opérer la division du travail pour mieux fortifier l’oeuvre commune, aux fins communes.
Et, dès lors, qu’avons-nous à faire ? Fait-il nous emparer de la motion de Stuttgart comme d’une épée qui tranchera d’un seul coup la difficulté créée à la France par le divorce de la C. G. T. et du Parti ? Non, les coups de force peuvent créer des majorités de Congrès : ils ne font pas la réalité vivante. C’est après un travail préalable de propagande et d’éducation que les situations se dénouent efficacement. C’est seulement quand le syndicalisme français groupera dans son sein des masses compactes de travailleurs, cessera d’être la proie d’individualités autoritaires et violentes, que des rapports naîtront entre lui et le Parti.
Ces rapports existent déjà partout où les forces syndicales correspondent aux forces socialistes. Ils ne tarderont pas à exister partout où aura été renforcée l’organisation corporative encore à l’état embryonnaire.
Le prochain Congrès national corporatif aui se tiendra à Marseille va se prononcer sur la question des rapports avec l’Internationale des Syndicats et sur l’adhésion de la Fédération nationale des mineurs. C’est la solution de ces deux questions qui entraînera l’inévitable solution des rapports de la C.G.T. et du Parti. Il n’est pas possible aue le Congrès de Marseille accepte de laisser plus longtemps hors de l’Unité ouvrière française le corps d’armée des mineurs, accepte plus longtemps de laisser hors de l’Unité ouvrière internationale le mouvement syndical français. Et, ces deux étapes franchies, nous pouvons avoir confiance : l’appel du Congrès International de Stuttgart sera entendu.