1945 |
« Quoique écrit en novembre 1945, cet
article est d'une actualité brûlante. Du Maroc à l'Iran, la révolte
gronde. La Palestine, l'Égypte sont soulevées contre l'impérialisme
anglais. L'Algérie, le Maroc veulent se délivrer du joug de
l'impérialisme français. L'article de notre camarade T. Cliff permet de
comprendre ce qui se déroule, condition première pour apporter notre
aide aux exploités en lutte. » |
Les récents événements du Proche et du Moyen Orient ont attiré l'attention du monde entier sur la situation dans cette région. Les actions terroristes des formations militaires sionistes, les grèves et les manifestations des masses arabes au Caire, à Alexandrie, Damas, Beyrouth et Bagdad contre le sionisme, et la concentration de troupes anglaises en Palestine ont soulevé de nombreuses questions et pour y répondre il est nécessaire d'examiner les racines socialo-économiques du nœud de relations dans lequel cette partie du monde est comprise.
Nous commencerons par un examen du facteur dont le rôle a été jusqu'à maintenant déterminant : l'impérialisme.
Le Moyen-Orient est de la plus grande importance pour les puissances impérialistes, en particulier pour les quatre raisons suivantes: premièrement, en tant que voie de pénétration vers d'autres contrées : Indes, Australie, Chine, etc. ; deuxièmement, en tant que source de matières premières ; troisièmement, c'est un marché important pour les produits manufacturés : quatrièmement, c'est un champ ouvert aux investissements de capitaux. Il saute d'ailleurs aux yeux qu'il existe une étroite dépendance entre ces différents aspects de la question.
L'importance de cette région comme voie de pénétration est bien connue. Le canal de Suez raccourcit la route Europe-Orient d'une manière considérable et une production vitale le traverse (90 à 100 % du total des importations anglaises de jute, thé et caoutchouc, de 70 à 90 % du chanvre et du manganèse, 40 à 65% du riz, laine, café, zinc, plomb, etc...).
Le Moyen Orient constitue aussi une région à travers laquelle passent des voies de pénétration territoriales. Le Kaiser projetait de construire une voie de chemin de fer qui aurait mis l'Allemagne en communication avec le golfe Persique, la ligne Berlin-Bagdad. Ce projet fut l'une des causes immédiates de la première guerre impérialiste. La défaite de l'Allemagne y mit un terme. De son côté, la Grande-Bretagne mit sur pied une longue voie ferrée unissant presque toutes les colonies anglaises d'Afrique (ligne du Cap au Caire) qui rejoint un large réseau unissant les pays du Proche et Moyen Orient : ligne du Cap à Haïfa, ligne Haïfa-Beyrouth-Tripoli (cette dernière rejoignant l'Anatolie et Constantinople), les lignes Haïfa-Hedjaz et Haïfa-Bagdad. Ces voies ferrées constituent un cercle de fer qui consolide et maintient l'Empire britannique.
Avec le développement de l'aviation, la possession de bases dans le Moyen Orient devint une arme décisive dans la lutte pour la suprématie aérienne. La ligne aérienne de Londres à Bombay, Singapour, Hong-Kong et l'Australie passe à Haïfa. La ligne aérienne qui traverse l'Afrique orientale et va jusqu'au Cap, part du Caire. La ligne aérienne française de Saïgon, avant la guerre, passait par Marseille, Beyrouth, Bagdad, Bombay, Saïgon.
L'importance décisive de l'Orient arabe en tant que voie rie pénétration fut l'une des raisons principales des luttes qui opposèrent les puissances européennes au cours du siècle dernier — les expéditions napoléoniennes, la guerre contre la Turquie en 1832, la guerre de Crimée et la conquête de l'Égypte en furent les conséquences directes — et de même ce fut l'une des causes immédiates des première et seconde guerres mondiales. Les voies de communications entre les pays et les peuples ne sont pas, dans la période capitaliste, des moyens de coopération internationale ou des garanties de paix, mais des sujets de compétitions impérialistes et de guerres.
Renan était on ne peut plus dans le vrai lorsqu'il mentionnait la phrase bien connue : « Je suis venu apporter non la paix, mais la guerre », en recevant Ferdinand de Lesseps, constructeur du canal de Suez, à l'Académie Française, en avril 1885 : « Le grand mot : « Je suis venu apporter non la paix, mais la guerre, » a dû se présenter fréquemment à votre esprit. L'isthme coupé devient un détroit, c'est-à-dire un champ de bataille. Un seul Bosphore avait suffi jusqu'ici aux embarras du monde ; vous en avez créé un second, bien plus important que l'autre, car il ne met pas seulement en communication deux parties de mer intérieure : il sert de couloir de communication à toutes les grandes mers du globe. En cas de guerre maritime, il serait le suprême intérêt, le point pour l'occupation duquel tout le monde lutterait de vitesse. Vous aurez ainsi marqué la place des grandes batailles de l'avenir. »
Le creusement du canal de Suez transforma le Moyen-Orient en un vaste champ de bataille, mais le développement de l'aviation a jeté et jettera à nouveau de l'huile sur le feu.
Le pétrole est la ressource la plus importante du Proche et du Moyen Orient. Jusqu'à maintenant une faible partie seulement des champs pétrolifères a été l'objet d'évaluations, et il semble que toutes les estimations concernant les réserves de pétrole dans cette région soient bien au-dessous de la vérité. Dans un rapport préparé pour la United States Petroleum Resources Corporation, l'agent pétrolier K. Degolyer déclare : « Le centre de gravité de la production mondiale du pétrole se déplace du golfe du Mexique et de la sphère Caribéenne vers la région du Moyen Orient et du golfe Persique et il est probable qu'il continuera à se déplacer jusqu'à ce qu'il s'établisse définitivement dans cette région. »
L'exactitude de ce rapport est mise en lumière par les estimations des ressources en pétrole du Moyen Orient, vu que l'on a pu dire que l'Arabie saoudite, à elle seule, pourrait satisfaire la demande mondiale durant quinze années. De plus il est prouvé que les possibilités de l'Iran et de l'Irak ne sont pas moindres que celles de l'Arabie saoudite.
Présentement la Grande-Bretagne détient une position décisive dans la production pétrolière au Moyen-Orient, comme on peut le voir d'après les détails suivant de ses participations dans les différentes exploitations (chiffres donnés pour 1 000 barils) :
|
Irak |
Bahreïn |
Arabie |
Egypte |
Iran |
Total |
% |
Grande-Bretagne |
13 067 |
_ |
_ |
9 125 |
75 000 |
97 192 |
79 |
U. S. A |
6 533 |
7 300 |
5 475 |
_ |
_ |
19 308 |
16 |
France |
6 533 |
_ |
_ |
_ |
_ |
6 533 |
5 |
Total |
26 133 |
7 300 |
5 475 |
9 125 |
75 000 |
123 033 |
100 |
Il n'est pas douteux qu'avec l'accroissement de l'exploitation en Arabie saoudite et à Bahreïn, l'importance des compagnies pétrolières américaines dans le Moyen Orient va considérablement augmenter. Harold Guise, dans un article du Wall Street Magazine du 3 mars 1945, voit clair lorsqu'il affirme : « Aujourd'hui, la région du Moyen Orient ressemble à un énorme échiquier de manœuvres politiques et économiques comme on en a rarement vu s'affronter en d'autres lieux... La lutte complexe d'après guerre pour la prépondérance économique et politique n'est nulle part potentiellement aussi explosive que dans cette partie du monde. »
Le coton est aussi l'une des productions importantes de cette région. Face au monopole quasi complet des U.S.A. sur la production mondiale du coton (environ deux tiers de la production mondiale et usinage de la moitié de cette dernière) et face à l'éviction du Lancashire par les manufactures des Indes, du Japon, du Canada, du Brésil, etc..., particulièrement en ce qui concerne les produits à bon marché, c'était une question vitale pour les capitalistes anglais d'établir leur monopole sur le coton égyptien, d'une exceptionnelle qualité, d'autant plus pour le Lancashire qui, justement, a une production de qualité supérieure.
Cette région produit en outre d'autres matières premières telles que potasse, brome, magnésium, en grande quantité. La valeur potentielle de celte production est bien plus importante qu'elle ne l'a semblé jusqu'ici si l'on tient compte des accords des monopoles internationaux visant à « l'organisation de la rareté », politique qui fut suivie coûte que coûte dans le Proche et le Moyen Orient.
Un autre aspect de l'importance de ce marché ne doit pas être négligé : en effet, malgré les progrès de l'industrialisation, les importations, avant la guerre, atteignaient 78 à 80 millions de livres, somme non négligeable.
Mais en définitive, ce qui donne le plus d'importance à cette région c'est qu'elle constitue un vaste champ d'activité pour les investissements de capitaux,
L'Égypte, qui comprend la majorité des Arabes habitant cette région, en est jusqu'à maintenant la plus riche contrée. En conséquence, les impérialismes y portent une attention toute particulière. Durant des décennies, les principaux investissements se firent sous forme de prêts à l'Etat égyptien, qui gardait une indépendance formelle. C'était une proprette source de pillage. Ainsi, durant les années 1883-1910, les intérêts d'une dette de 95 millions de livres s'élevèrent à eux seuls à I05,6 millions de livres. Il faut d'ailleurs remarquer que l'Egypte ne reçut que 60 millions de livres sur les 95 de cette dette, le reste ayant été pris par diverses manipulations financières, de teille sorte que pour une dette de 60 millions de livres, l'Égypte paya 105,6 millions de livres d'intérêts, tout en ayant encore une dette de 95 millions de livres. Durant ces mêmes 28 années, le fellah égyptien paya une somme de 30 millions de livres pour maintenir des troupes d'occupation au Soudan dont la seule raison d'être était de protéger les plantations anglaises.
Au même moment, des Anglais, des Français, des Italiens, des Belges, des Allemands et d'autres entrepreneurs étrangers, extrayaient des millions de livres du peuple égyptien au moyen de travaux entrepris à des prix démesurés. Prenons le cas du barrage d'Assouan. Ce dernier, d'après les estimations de Sir William Willcooks, l'expert britannique, qui aurait dû revenir à 2,5 millions de livres revient actuellement à 7 millions de livres, sans compter les 1,2 millions de livres de réparations. Alors que pendant ces 28 années l'impérialisme étranger draina hors d'Égypte environ 200 millions de livres, le Ministère de l'Instruction égyptien reçut la somme dérisoire de 3,6 millions de livres (moins de 130 000 livres par an), et. le Ministère de la Santé, 3,4 millions de livres. Peut-on trouver meilleure preuve de la mission civilisatrice impérialiste !
Dans ces dernières décennies, il y a eu un changement dans l'orientation des capitaux. La place des emprunts d'État a été prise par des investissements dans les chemins de fer, tramways, électrification et centrales hydrauliques, banques et industries, etc. A l'heure actuelle toutes les positions-clefs de l'économie du Proche et Moyen Orient sont entre les mains de capitalistes étrangers.
En Égypte, d'après l'estimation de cercles français d' « Egypte indépendante par le Groupe d'Etudes de l'Islam » , Paris, 1938, pages 144-5), les capitaux étrangers s'élevaient, en 1937, à 450 millions de livres, la richesse nationale s'élevant à 950 mililions, ce qui signifie que l'étranger en possède 47 %.
D'après une autre estimation, les investissements de capitaux, outre la propriété terrienne, s'élevaient à 550 millions de livres (A. Bonne, The economic development of the Middle East, Jérusalem, 1943, p. 73). Etant donné que le prix des terrains est estimé à 500-600 millions de livres (et même jusqu'à 670 millions d'après une autre étude), la propriété totale en Egypte s'élève à 1 000-1 100 millions de livres. D'après un autre examen de 1937, fait par les Anglais, le capital étranger investi en Egypte s'élevait à 500 millions de livres sterling. Ainsi la puissance financière étrangère s'élèverait à 40-50 % de la propriété totale de l'Egypte. Les experts anglais arrivent donc à des conclusions identiques à celles des experts français.
En ce qui concerne les terres, les capitalistes étrangers possèdent directement 8 % des terres cultivées d'une valeur de 50 millions de livres. Si nous déduisons cette somme du total du capital étranger investi en Égypte, nous obtenons, d'après l'une des estimations 400 millions de livres, d'après l'autre 450 millions.
En prenant l'étude de Bone sur les investissements, outre les terres, nous voyons que le capital étranger s'élève à 73-81 %. Ainsi les capitalistes étrangers possèdent à peu près la moitié des richesses nationales égyptiennes, et environ les 3/4 si l'on excepte les terres.
La situation en Palestine est semblable. Ici aussi l'impérialisme étranger joue un rôle écrasant. Ce fait est mis en lumière par le recensement de 1939 pour l'industrie. Ce dernier montre que les concessions possèdent 53,2 % du capital total investi dans l'industrie et 74,9 % de la force motrice, sans compter que quelques-unes des plus importantes entreprises appartenant au capital étranger (les raffineries de Haïfa, la Steel Bros., etc.) ne sont pas comprises dans le rapport.
Si toutes les entreprises aux mains des capitalistes étrangers y étaient comprises, il sauterait aux yeux qu'au moins les trois quarts du capital industriel du pays est dans les mains de l'impérialisme, et qu'au moins les neuf dixièmes de la force motrice est concentrée dans ses entreprises. Avec la mise sur pied du plan gigantesque des compagnies pétrolières américaines dans le Moyen-Orient (pipelines, raffineries, etc...), ce qui nécessite au bas mot des investissements d'au moins 300 millions de livres, l'assujettissement de cette région sera très sensiblement accru.
L'impérialisme tient à monopoliser les marchés de l'Orient arabe pour son propre développement industriel dans ce secteur, particulièrement pour barrer la route au développement de l'industrie lourde des machines-outils, développement qui œuvrerait dans le sens d'une indépendance économique. Comprenant que les profits impérialistes dépendent du bas niveau des salaires payés aux ouvriers arabes et du bas taux des prix pour les produits paysans, l'impérialisme a intérêt à maintenir le pays à un niveau le plus arriéré possible, de telle sorte qu'il soit une réserve inépuisable de main-d'œuvre et de matières premières à bon marché.
L'impérialisme a par ailleurs intérêt à ce genre de méthode pour des raisons socialo-politique :
parce que seules des masses arriérées, illettrées, déprimées, dispersées dans de petits villages éloignés les uns des autres, peuvent être facilement dominées ;
parce que ses valets les plus fidèles aux colonies sont les seigneurs féodaux. Par là la question du rôle de l'impérialisme est intimement liée à la question agraire.
Les trois quarts de la population arabe vivent à la campagne, soumis à une petite poignée de grands propriétaires fonciers. En Égypte, 0,5 % des propriétaires fonciers détiennent 37,1 % des terres, alors que 70,7 % n'en ont que 12,4 %. Trois cent trente et un propriétaires ont trois fois plus de terres que 1 million et demi de paysans pauvres, et il y a plus d'un million de travailleurs agricoles qui n'ont pas le moindre lopin de terre. Une compagnie terrienne d'exploitation possède à elle seule une telle superficie qu'elle peut y employer 35 000 ouvriers agricoles. Les terres royales ont une superficie analogue et y occupent environ 30 000 petits paysans, D'après une estimation d'Émile Minost, directeur général du Crédit Foncier Égyptien, banque indissolublement liée à l'ordre social et économique existant et par là même peu susceptible d'exagérer le taux d'exploitation des masses, donne les précisions suivantes sur les revenus agraires nets :
Pour les impôts |
6,3 % |
Pour les grands propriétaires |
56,6 % |
Pour les commerçants |
12,1 % |
Pour les fellahs |
25,0 % |
|
100,0 % |
Ainsi un millier à peine de propriétaires terriens ont un profit double de celui de 3 millions de fellahs. En moyenne, avant la guerre, un paysan pauvre ne gagnait guère plus de 7 à 8 livres par an. Durant la guerre son revenu nominal augmenta, mais le coût de la vie augmenta dans de bien plus grandes proportions, et par là même son revenu réel diminua. L'ouvrier agricole gagne encore moins. Le salaire quotidien d'un ouvrier agricole était, avant la guerre, de 3 piastres (7,2 pence), cetlui d'une ouvrière 3 piastres, celui d'un enfant de 1 à 1 piastre et demie. De plus, de longues périodes de chômage étaient chose fréquente, la saison de travail annuel n'étant que de 6 à 8 mois. Par ailleurs, même un contremaître ne gagnait guère plus de 2 livres par mois, un employé 3 livres, et un chauffeur de 1 à 1 livre et demie. Malgré que les salaires aient doublé durant la guerre, le coût de la vie augmenta bien plus ; et même aujourd'hui il y a des régions où le salaire d'un ouvrier agricole n'atteint même pas un shilling.
Avec des revenus aussi maigres, la situation alimentaire est évidemment terrible. Elle n'est en fait comparable qu'à celle des Indes. On a calculé que la consommation de l'égyptien moyen, qui est évidemment supérieur à celle de l'ouvrier ou du paysan pauvre, atteint seulement 46 % de la normale pour le blé, 25 % pour le sucre, 23 % pour la viande et le poisson et 8 % pour les produits laitiers. Bien plus, la valeur nutritive n'est pas en voie d'amélioration, mais continuellement en baisse.
En raison de la terrible pauvreté des masses, leur situation sanitaire est très mauvaise, et le taux de mortalité est extrêmement élevé, comme on peut s'en rendre compte d'après le tableau suivant établi en 1938.
|
Taux de mortalité pour 1000 |
Taux de mortalité chez les enfants de moins
d'un an |
Grande-Bretagne |
11,6 |
52 |
Belgique |
13,0 |
73 |
Pologne |
13,8 |
140 |
Indes |
24,3 |
167 |
Egypte |
26,4 |
163 |
Seules les Indes peuvent être comparées à l'Égypte sur ce plan !
Outre les morts « normales », la famine et les épidémies prélèvent leur rançon. Ainsi, en 1944, dans la Haute Égypte, la malaria emporta des dizaines de milliers de fellahs dont la santé, affaiblie par une continuelle sous-alimentation, était une proie facile pour l'épidémie dans ses formes les plus violentes. D'après une estimation dont on peut dire certain qu'elle n'est pas exagérée, 140 000 moururent de malaria (Al-Ahram, 14 avril 1944). Rien que dans les plantations de la Compagnie Kom Ombo, 500 ouvriers moururent (Al-Ahram, 1er mars 1944).
En raison des mauvaises conditions sanitaires, la durée de la vie moyenne est très basse: 31 ans pour les hommes, 30 pour les femmes. Dans le Royaume-Uni, celle-ci est de 60 ans pour les hommes et 64 pour les femmes. Ceux qui deviennent adultes sont très faibles. Parmi les conscrits originaires des campagnes, en 1941, seulement 11 % furent reconnus aptes au service militaire. 90 % de la population souffre de trachome, 50 % de vers intestinaux, 75 % de bilharziose, 50 % d'ankylostome. Le nombre de personnes atteintes de tuberculose dépasse 300 000.
La misère est inévitablement accompagnée de l'ignorance, qui atteint des dimensions effrayantes en Égypte. On peut s'en faire une idée relative d'après la très brève remarque qu'Al Mussawar fît au sujet du recensement de 1937 : « Pour 14 millions de gens qui ne savent ni lire ni écrire, nous avons 30 000 titulaires de diplômes. »
L'ignorance est le produit du système social existant, et aussi l'un de ses fondements. La classe dirigeante sait fort bien que l'analphabétisme des masses est la plus forte assise du régime. C'est pourquoi un sénateur égyptien rendait grâces à Dieu du fait que son pays était en première place du point de vue ignorance (Al Ahram, 7 juillet 44).
D'une part des richesses, les plaisirs et les distractions pour quelques dizaines de milliers d'Égyptiens et d'étrangers, d'autre part la maladie et l'ignorance pour des millions d'hommes, voilà le tableau de l'Égypte paysanne !
Le problème agraire des pays arabes autres que l'Égypte n'est guère différent. Ainsi en Palestine, environ la moitié des terres est entre les mains de 250 familles féodales. Les seigneurs féodaux, qui sont en même temps usuriers, détiennent un pouvoir exorbitant, comme on peut le voir d'après les paroles d'un officiel anglais : « Dans une région militaire s'étendant suc trois sous-districts, il y a 14 percepteurs gouvernementaux ; un seul usurier dans un seul de ces sous-districts emploie 28 hommes pour collecter ses intérêts. » (L. French, Rapport sur le développement et les entreprises agraires en Palestine, Jérusalem, 1931-32, page 77).
D'après le « Rapport dit Comité d'étude des conditions économiques des agriculteurs en Palestine », communément appelé le rapport Johnson-Crosbie, seulement 23,9 % de ce que le fellah produit lui reviennent en mains propres, alors que 48,8 % passent en impôts gouvernementaux, rentes de propriétaires fonciers, et intérêt à l'usurier. Pour comprendre à quel point le standard de vie du paysan arabe est bas, en raison de la forme arriérée de son économie, et de son exploitation par divers parasites (qui constituent d'ailleurs la barrière principale à un développement de l'économie), j'ai fait la comparaison entre le régime du fellah et celui que le gouvernement est censé accorder aux condamnés (bien qu'évidemment une grande part de ce dernier aille dans les poches des fonctionnaires de la prison). Je suppose qu'un fellah et sa femme sont en prison, et que quatre de ses enfants sont dans une « école de redressement » :
|
Famille en prison |
Fellahs |
Blé et mil |
15,1 £ |
10 £ |
Olives et huile d'olive |
3,8 £ |
3 £ |
Légumes, lentilles et laitages |
12,9 £ |
4 £ |
Riz, sucre et autres produits achetés par le fellah en dehors de ses terres |
4,7 £ |
1 £ |
Viande |
6,7 £ |
Presque rien |
Total |
43,2 £ |
18 £ |
(Les prix étant plus bas en Égypte qu'en Palestine, ces chiffres ne peuvent être utilisés comme base de comparaison entre la Palestine et l'Égypte),
Quoique ces calculs soient peu précis, ils donnent néanmoins une idée des terribles conditions de vie qu'ont à supporter la masse des fellahs en Palestine.
En Syrie et en Irak les conditions sont semblables. En Irak on trouve des seigneurs féodaux dont les propriétés englobent des régions de dizaines de milliers d'hectares. Ainsi la majeure partie du district de Muntafiq, d'une superficie de 6 260 km2, est entre les mains d'une seule famille. Les revenus du fellah dans cette région sont de 7 à 8 livres par an.
Les conditions de vie des masses citadines ne sont pas moins dures que celles supportées par les masses paysannes.
Sous la double pression de la concentration du capital impérialiste et du féodalisme, en raison du maigre développement de l'industrie et du bas niveau de vie des ouvriers agricoles, le chômage officiel et non officiel atteint une grande extension et la condition des ouvriers des villes est très misérable. Ceci peut être illustré par la description des conditions de travail dans une grosse entreprise industrielle. Prenons par exemple les filatures et tissages de Mahalla el Kubra, qui emploient 26 000 ouvriers et 3 000 employés, inspecteurs et agents de maîtrise. Les débutants sont payés 1 shilling 6 par jour, les ouvriers spécialisés 2 shillings 7, les ouvriers qualifiés 10 livres par mois. Les ouvriers ont un jour de repos par quinzaine, et travaillent 10 heures par jour. Il n'y a pas de service social et le docteur n'est là que pour délivrer des congés de maladie. La discipline est maintenue d'une manière militaire. De plus des amendes constantes viennent grever le budget de l'ouvrier. En ce qui concerne les conditions de logement, 15 ouvriers vivent dans une seule pièce, avec seulement 3 chemises pour dormir et 5 matelas (Al Ahram, 21 décembre 1944). Dans d'autres entreprises les conditions sont les mêmes.
Il est clair que les bas salaires et les prix élevés portent sérieusement atteinte à la santé des ouvriers. Ainsi on sait que sur 6 000 ouvriers imprimeurs d'Egypte, 62 % souffrent de maladies du système digestif, 85 % d'anémie, 45 % d'empoisonnements par le plomb (Al Ahram, 23 février 1944). Deux incidents témoignent de l'extrême pauvreté dans les villes égyptiennes : en septembre 1943, quatre personnes furent piétinées mortellement lorsque des aumônes furent distribuées et en mars 1944, une jeune égyptienne vendit sa fille juste née à un marchand pour 20 livres.
Les conditions de vie à Jaffa et Haïfa, Damas et Beyrouth, Bagdad et Bassorah sont très légèrement meilleures qu'au Caire et à Alexandrie,
L'impérialisme ne pourrait renforcer sa domination sur des millions de coloniaux s'il ne trouvait un appui dans les classes dominantes de ces nattons.
D'après ce qu'on a vu plus haut, les causes qui poussent la classe féodale à devenir un agent de l'impérialisme sont claires. Quelles sont les relations de la bourgeoisie arabe avec l'impérialisme ?
Pour répondre à cette question, il faut d'abord considérer que la bourgeoisie arabe n'est pas une classe homogène. Capital bancaire et capital commercial s'entrelacent selon les divers modes de production. Dans les colonies, la majeure partie de ce capital est liée au mode de production féodal, aux entreprises du capitalisme étranger ou aux importations de marchandises extérieures. Toutes ces couches de la bourgeoisie s'identifient au système féodal et au système impérialiste. La bourgeoisie industrielle n'est que la plus petite partie de la bourgeoisie arabe. Elle se développe à une époque où l'économie mondiale, dominée par la concentration du capital financier, est en déclin. Elle ne peut mettre sur pied son industrie, entrer en compétition avec celle de la « mère patrie », etc.. qu'en surexploitant les masses ouvrières et paysannes et en cherchant une main-d'œuvre et des matières premières à bon marché, ce qui ne lui est rendu possible qu'en raison de l'existence du système féodal et de l'impérialisme.
Cette charpente constituée de la dictature du capital financier sur un soubassement capitaliste en déclin liée à l'existence de rapports féodaux de propriété, détermine aussi la faiblesse de la bourgeoisie coloniale industrielle et sa dépendance dans une large mesure envers le capital étranger. Ceci se voit dans l'association des capitaux étrangers et nationaux, et la dépendance des entreprises locales envers les banques étrangères. L'existence de la bourgeoisie coloniale, la bourgeoisie industrielle incluse, est par là même conditionnée par la surexploitation des masses ouvrières et paysannes, ce qui est le résultat et la condition sine qua non de l'impérialisme et par sa dépendance directe envers les capitaux étrangers et de l'impérialisme. La bourgeoisie coloniale n'est pas l'antipode de l'impérialisme et du féodalisme, mais l'antipode des masses ouvrières et paysannes. La liaison de la bourgeoisie coloniale avec le capital étranger et les féodaux d'un côté, et la lutte de classes des prolétaires et des paysans de l'autre (ces deux facteurs dépendant l'un de l'autre), fixent ses limites au combat que la bourgeoisie coloniale mène pour obtenir des concessions de la part de l'impérialisme.
La bourgeoisie arabe de Palestine a une situa-lion particulière. En effet, dans ce pays, les jeunes partenaires de l'impérialisme ne sont pas les bourgeois arabes, mais les bourgeois sionistes. Les positions économiques secondaires — l'industrie légère par exemple — ne sont pas aux mains du capitalisme indigène, comme en Égypte on eu Syrie, mais aux mains du capitalisme sioniste. Ainsi, d'après le recensement industriel de 1939, les industries palestiniennes étaient réparties de la manière suivante :
|
Investissements en valeur |
Puissance des machines |
Arabes et autres non-juifs |
6,5 % |
2,2 % |
Juifs |
40,3 % |
22,9 % |
Concessions |
53,2 % |
74,9 % |
Comme il en a déjà été fait mention, d'importantes entreprises étrangères ne sont pas comprises sous la rubrique « Concessions ». D'autre part des entreprises appartenant à des non-arabes sont incluses dans les premiers chiffres. Si nous corrigeons ce tableau, nous voyons que le capital étranger possède au moins les trois quarts du capital total investi dans l'industrie, le capital juif un cinquième et le capital arabe 2 à 3 % seulement.
La situation de la bourgeoisie arabe en Palestine ne la rend d'ailleurs pas pour cela anti-impérialiste, mais au contraire la pousse à faire des efforts pour expulser la bourgeoisie sioniste en vue fie devenir elle-même l'agent de l'impérialisme.
La bourgeoisie arabe ne peut et ne désire pas s'engager à fond dans la lutte anti-impérialiste. En dépit de ses conflits avec l'impérialisme pour lui arracher quelques concessions, il est clair que son sort est intimement lié à celui de l'impérialisme.
A la fin de la deuxième guerre mondiale, l'impérialisme anglais doit faire face à de nombreuses difficultés en Orient et doit adopter des mesures extrêmes pour sauvegarder ses intérêts. La classe exploiteuse arabe se trouve devant des difficultés semblables liées à celles de l'impérialisme. Pour avoir une idée claire de ce fait, il est nécessaire d'examiner la situation socio-économique durant la guerre.
Pendant la guerre, les capitalistes et spécialement les grosses compagnies travaillant en Orient réalisèrent d'immenses profits. Alors que durant la dernière guerre l'armée anglaise dépensa 45 millions de livres en Égypte, le montant de ses dépenses fut beaucoup plus élevé dans cette guerre-ci. Le budget de guerre en Égypte en 1940 s'élevait à 34 millions de livres, en 1941 à 100 millions de livres et en 1942, 1943 et 1944, il était au moins aussi élevé qu'en 1941. Le Times du 20 septembre 1943 estimait que l'armée dépensait 200 millions de livres par an dans le Proche et le Moyen Orient. La bourgeoisie a réalisé des profits extraordinaires. Ainsi la grande compagnie sucrière d'Egypte (une compagnie française) termina l'année 1941 avec 266 000 livres ; l'année 1942 avec 1 350 000 livres. Les filatures nationales payaient 11 % de dividendes en 1938 et 22 % en 1942, Les filatures Misr, à Mahalla, payaient 7 % de dividendes en 1938, et 28 % en 1943. La branche de Dawar de ces mêmes filatures payait 12 % en 1941 et 20 % en 1942. La Marconi Broadcasting Company payait 7 % de dividendes en 1935 et 25 % en 1940. Les compagnies hôtelières égyptiennes payaient 10 % en 1938 et 25 % en 1941. Il y avait 50 millionnaires en Égypte avant la guerre et 400 en 1943.
La bourgeoisie fit aussi du considérables bénéfices dans le commerce. Ainsi dans les années 1941, 1942 et 1943, les commerçants de Beyrouth firent 16 millions de livres de bénéfices. Sur ces 16 millions, 10 furent ramassés par 10 commerçants, 2 millions par 20 commerçants, et les 4 derniers millions allèrent dans les poches de plusieurs centaines de plus petits commerçants.
Les banques prospérèrent de la même manière. Les dépôts dans les banques commerciales d'Égypte passèrent de 44,8 millions de livres en 1939 à 116,6 millions en 1942. Au Liban, durant la même période, ils passèrent de 26,5 millions à 84,5 millions de livres, et en Syrie de 6,1 millions à 36,4 millions. Les banques arabes de Palestine payèrent un dividende de 20 % en 1943.
Pendant la même période. La misère des masses travailleuses augmenta considérablement. Il en résulta une forte exacerbation de la tension sociale, qui atteint son summum en Égypte. En janvier 1943 déjà, un député bourgeois de la Chambre égyptienne déclarait : « Nous avons déjà défendu ce programme auparavant et averti le gouvernement du danger de famine, et nous notions déjà qu'il est juste de dire que la famine est une hérésie qui ne connaît ni compromis ni manœuvres. Car celui qui jette un regard dans l'histoire sait pertinemment que la faim fut la cause de nombreuses révolutions. Et si l'histoire nous enseigne que les couches révolutionnaires dans l'un des plus grands États d'Europe crièrent du plus profond du cœur : « Nous voulons du pain », nous entendions dernièrement le même cri de révolte qui résonnait de façon semblable avant la dernière « Fête du Sacrifice » dans les rues du Caire, clameurs jaillies des bouches des populations affamées qui attaquèrent les chariots à pain dans le but de ravir du pain. » L'orateur caractérisa ensuite la situation du pays comme une « situation révolutionnaire » (Al-Misri, 6 janvier 194-2).
Un autre sénateur décrivait la situation en mai 1943 de la façon suivante: « La guerre a entraîné la concentration des capitaux dans les mains de quelques centaines d'individus. Les richesses des privilégiés se sont accrues tandis que les pauvres gens ont été acculés de plus en plus à une misère indescriptible ; le gouffre existant entre les classes s'est encore creusé. La société s'est lézardée et de grands dangers la menacent. On ne peut prophétiser un bel avenir pour ce pays. »
La paix signifie une aggravation de la misérable condition des masses. L'action des autorités pour développer la production vers des normes atteignant des dizaines de millions de livres va cesser, ce qui, conséquence immédiate, va jeter sur le pavé plusieurs centaines de milliers de travailleurs employés dans les industries de guerre. La grande majorité des 800 000 travailleurs employés directement par l'armée va aussi se trouver sans travail. Même les industries travaillant pour, la population civils vont se trouver devant de graves difficultés en raison de la concurrence étrangère qui était presque inexistante durant la guerre, en raison des difficultés de renouvellement des machines, etc... Les classes dirigeantes se préparent à faire porter le fardeau de la crise par les ouvriers et les paysans, et ne cachent d'ailleurs pas leurs intentions. Ainsi, Fouad Saraj ed-Din, grand propriétaire foncier, qui fut Ministre de l'Agriculture, de l'Intérieur et de la Santé publique, déclara que pour que le coton égyptien puisse concurrencer celui des Indes, de la Chine et du Brésil, et concurrencer la soie artificielle et le nylon, on devait bloquer les salaires dans l'agriculture. Hafez Afifi, directeur de la grande banque Misr, déclara de même que l'accroissement des salaires interdisait à l'industrie égyptienne la possibilité rie concurrencer la production étrangère. Le journal Al-Ahram du 19 juillet 1943 écrivait que les ouvriers touchaient de tels salaires que ceux-ci leur donnaient le goût du luxe (sic !).
Pendant ce temps l'antagonisme entre les industriels arabes et l'impérialisme va croissant. Il y a essentiellement deux sujets de conflit : premièrement, comment protéger les industries existantes de la concurrence étrangère ; deuxièmement, la question de la dette énorme que l'Angleterre a contractée envers les pays du Proche et du Moyen Orient (350 millions de livres à l'Égypte, 100 millions de livres en Palestine — principalement aux capitalistes juifs — 60 millions à l'Irak), La position des diverses couches de la bourgeoisie arabe envers ces questions est différente. La bourgeoisie « compradore » est bien plus intéressée par le commerce extérieur que par le développement de l'industrie locale.
D'autre part les industriels insistent pour qu'on élève les tarifs douaniers et sont aussi plus exigeants en ce qui concerne la question de la dette anglaise, son remboursement étant pour eux une impérieuse nécessité en vue de renouveler leur vieil outillage. Ainsi, à la séance du Sénat du 20 janvier 1945, le sénateur Ahmed Ramzi Bey déclara que les restrictions dues à la concurrence signifiaient que l'Égypte ne pouvait acquérir des dollars ni acheter aux États-Unis, mais seulement en Angleterre et que ce fait était un sérieux handicap. Il proposa que l'Angleterre fournisse des dollars ou même remette à l'Égypte quelques-unes de ses actions investies dans des Compagnies d'Égypte, comme celles de la Compagnie de Suez, de l'Anglo Egyptian Company, etc... Il nota aussi la dépréciation réelle, sinon théorique, de la livre égyptienne par rapport à la livre anglaise. Al-Ahram du 19 avril 1944 déclara que la dette du Royaume Uni envers l'Égypte était une dette du fort envers le faible, et que le mode de paiement dépendait du fort. Une semaine plus tard le même journal annonçait que le sénateur Mohammed Barakat Pasha avait fait une déclaration selon laquelle l'Angleterre était incapable de payer ses dettes et conseillant à l'Égypte de quitter le bloc sterling. Le même refrain de quitter le bloc sterling et de transférer les actions de Suez et quelques autres à l'Égypte revient continuellement dans la presse égyptienne.
La bourgeoisie arabe des pays voisins est plus faible et par là moins exigeante. La position des classes exploiteuses arabes peut se résumer ainsi : toutes s'orientent vers la compression du standard de vie des masses. Quelques-uns, les industriels, feraient volontiers pression sur l'Angleterre pour arracher quelques concessions. Mais quoiqu'il en soit, une chose doit être absolument claire : même pour les industriels arabes le premier fait l'emporte de loin sur le second.
Face au profond fossé qui sépare les masses ouvrières et paysannes de l'impérialisme, ce dernier a intérêt, et il en sera de plus en plus ainsi, à détourner, la colère des masses dans une voie fausse. La majeure partie des exploiteurs arabes — les féodaux, la bourgeoisie compradore, les commerçants et les usuriers — s'identifient complètement à l'impérialisme de ce point de vue. (Il ne s'agit pas nécessairement de l'impérialisme anglais, ce peut être lui aussi bien qu'un autre, par exemple l'impérialisme américain). La bourgeoisie industrielle cherchera probablement à utiliser la colère des masses dans le but d'arracher quelques concessions à l'impérialisme, mais il est certain qu'avant peu elle devra se joindre à ce dernier pour s'efforcer de détourner les masses affamées de la lutte nationale et d'émancipation de classe en les entraînant dans le cul-de-sac des émeutes chauvines entre communautés différentes.