1922

Article de La Pravda, 7 novembre 1922


La prise du pouvoir par les fascistes...

Antonio Gramsci

23 mai 1922


La prise du pouvoir par les fascistes réduit l’activité du Parti communiste italien à celle d’un mouvement purement conspirateur. En Italie, s’ouvre une nouvelle période historique, que l’on peut caractériser de manière suivante : le pouvoir politique est apparemment en train de passer des mains de la bourgeoisie capitaliste à celles des couches sociales moyennes et supérieures du monde rural sous la direction idéologique d’une partie de la petite bourgeoisie urbaine. Les contradictions de la société italienne, qui sont restées cachées depuis la création du Royaume unitaire issu des guerres pour la renaissance de l’Italie, ont connu un développement spectaculaire au cours de ces deux dernières années, après que le Parti socialiste avait démontré son incapacité à conduire le prolétariat au pouvoir. Il en résulta la victoire des propriétaires agraires sur le prolétariat, ainsi que sur la bourgeoisie sous sa forme pure, affaiblie par la crise financière et industrielle. On peut facilement prévoir en Italie une période immédiate de lutte acharnée directe, car même pour la bourgeoisie, il sera difficile d’accepter la domination brutale et tyrannique des propriétaires terriens et la démagogie irresponsable d’un aventurier médiocre comme Mussolini. Ainsi, malgré la gravité de la situation actuelle, les perspectives d’avenir tant pour le prolétariat que pour son parti ne sont pas particulièrement mauvaises. Au cours des deux dernières années, le parti communiste a déjà été frappé d’illégalité dans les trois quarts du pays et pourtant, le parti, qui comptait 42 000 membres en février 1921 après la scission du congrès de Livourne, en comptait encore 35 000 au moment du coup d’État fasciste (sans compter les quelque 20 000 jeunes communistes). Le Parti Socialiste, qui comptait 150 000 membres après le congrès de Livourne, est tombé dans la même période à 32 000 membres qui se sont exprimés en faveur de l’adhésion au Komintern, mais n’étaient pas suffisamment préparés à une situation d’illégalité.

Si, dans cette nouvelle phase, le Comité Central du Parti Communiste se montre capable (et il le fera sans aucun doute, en tenant compte de l’expérience du mouvement communiste international) de développer une tactique adaptée à la réalité sociale italienne et d’exacerber les contradictions créées par le coup d’état fasciste, le prolétariat occupera à nouveau, assez rapidement, sa position historique, perdue après l’échec de la campagne d’occupation des usines en septembre 1920.


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