1979 |
« En fait, les idées de base du marxisme sont extrêmement simples. Elles permettent de comprendre, comme aucune autre théorie, la société dans laquelle nous vivons. Elles expliquent les crises économiques, pourquoi il y a tant de pauvreté au milieu de l’abondance, les coups d’États et les dictatures militaires, pourquoi les merveilleuses innovations technologiques envoient des millions de personnes au chômage, pourquoi les « démocraties » soutiennent les tortionnaires. » |
Le principe de base du marxisme est que le développement du capitalisme conduit les travailleurs à se révolter contre le système.
Quand de telles révoltes explosent - que ce soit une manifestation de masse, une insurrection armée ou même une grosse grève - la transformation de la conscience de la classe ouvrière est étonnante. Toute l’énergie mentale des travailleurs qui était auparavant détournée sur mille et une choses - comme jouer aux courses ou regarder la télévision - se concentre soudainement sur le moyen de changer la société. Des millions de gens se penchant sur ce problème trouvent des solutions d’une incroyable ingéniosité, qui, souvent, laissent des révolutionnaires accomplis aussi désemparés que l’est la classe dirigeante par la tournure des événements.
Ainsi, par exemple, au cours de la première révolution russe de 1905, une nouvelle forme d’organisation des travailleurs, le soviet - conseil ouvrier - émergea d’un comité de grève pendant une grève d’imprimeurs. Au départ, le parti bolchevique - les plus militants des révolutionnaires socialistes - se méfia des soviets : ils ne croyaient pas qu'il était possible pour une masse de travailleurs politisés depuis peu de créer un instrument révolutionnaire efficace.
De telles expériences se retrouvent dans plusieurs grèves : les militants accomplis sont pris complètement par surprise quand les travailleurs qui avaient depuis si longtemps ignoré leurs conseils, commencent soudainement à organiser des actions militantes eux-mêmes. Cette spontanéité est fondamentale. Mais, il est incorrect d’en tirer la conclusion - comme le font les anarchistes ou ceux qui leur sont proches - qu’il n’y aurait pas besoin de parti révolutionnaire.
Dans une situation révolutionnaire, des millions de travailleurs changent d’idées très rapidement. Mais ils n’en changent pas en totalité et d’un seul coup. Dans chaque grève, chaque manifestation, chaque insurrection armée, il y a des débats permanents. Une partie des travailleurs verra dans ces actions un prélude à la prise du pouvoir par les travailleurs. Une autre sera à moitié contre le fait de passer à quelque action que ce soit, parce que cela troublera « l’ordre naturel des choses ». Et au milieu se trouvera la masse des travailleurs, attirée par l’une puis l’autre des parties.
De l’autre côté de la balance, la classe dirigeante pèsera de tout poids par sa presse et sa propagande, dénonçant les actions des travailleurs. Elle lancera aussi ses briseurs de grève, que ce soit la police, l’armée ou des organisations de droite.
Du côté des travailleurs, il doit y avoir une organisation de socialistes qui peuvent tirer les leçons des luttes passées, qui peuvent jeter dans la balance les arguments socialistes. Il doit y avoir une organisation qui peut rassembler la compréhension grandissante des travailleurs en lutte, afin qu’ils agissent ensemble pour changer la société.
Et ce parti révolutionnaire doit exister avant que la lutte ne démarre, car l’organisation ne peut naître spontanément. Le parti se construit à travers l’échange continuel entre les idées socialistes et l’expérience de la lutte de classes - car comprendre la société n’est pas suffisant : c’est seulement en appliquant ces idées à une lutte de classes quotidiennes, dans les grèves, manifestations, campagnes, que les travailleurs prendront conscience de leur pouvoir de changer les choses, et gagneront la confiance pour le faire.
A plusieurs moments, l’intervention d’un parti socialiste peut être décisive, peut faire pencher la balance du côté du changement, vers un transfert révolutionnaire du pouvoir aux travailleurs, vers une société socialiste.
Quel genre de parti ?
Le parti révolutionnaire socialiste doit être démocratique. Pour remplir son rôle, le parti doit être continuellement en contact avec la lutte de classes, c’est-à-dire avec ses propres membres et sympathisants sur les lieux de travail où la lutte se déroule. Il doit être démocratique parce que sa direction doit toujours refléter l’expérience collective de la lutte. Cela dit, la démocratie n’est pas un système d’élection mais un débat continuel au sein du parti - une interaction continuelle entre les idées socialistes sur lesquelles le parti se base et l’expérience de la classe ouvrière.
Mais le parti socialiste révolutionnaire doit aussi être centralisé - car c’est un parti actif et pas un cercle de discussions. Il doit être capable d’intervenir collectivement dans la lutte de classes, et doit répondre rapidement, il doit donc avoir une direction capable de prendre des décisions quotidiennes au nom du parti.
Si le gouvernement décide de s’attaquer à des piquets de grèves, par exemple, le parti doit réagir immédiatement, sans avoir à organiser des conférences pour prendre des décisions démocratiques d’abord. Ainsi la décision est prise centralement. La démocratie entre en jeu ensuite, quand le parti se penche sur la question de savoir si la décision était correcte ou pas - et peut-être pour changer la direction si elle était en décalage avec les besoins de la lutte.
Le parti révolutionnaire socialiste doit maintenir un équilibre délicat entre la démocratie et le centralisme. La clé est que le parti n’existe pas pour lui-même, mais comme un outil pour apporter un changement révolutionnaire vers le socialisme - et cela ne peut se faire qu’au travers de la lutte des classes.
Ainsi le parti doit continuellement s’adapter à la lutte. Quand le niveau de lutte est faible, peu de travailleurs croient possible un changement révolutionnaire, alors le parti sera petit - et doit s’en contenter car il lui sera impossible d’augmenter significativement ses rangs. Mais quand le niveau de lutte augmente, un large nombre de travailleurs peuvent changer d’idées très rapidement, réalisant au travers de la lutte leur pouvoir de changer les choses - et alors le parti doit être capable d’ouvrir ses propres portes, sinon il sera laissé au bord de la route. Le parti ne doit pas se substituer à la classe ouvrière. Il doit faire partie de la lutte, essayant continuellement d’unir les travailleurs les plus conscients pour fournir une direction à la lutte. Cependant, le parti ne doit pas imposer sa vision à la classe. Il ne peut pas simplement décider d’être la direction, mais il doit la gagner cette position, en prouvant la justesse des idées socialistes en pratique-ce qui veut dire tout le temps, de la plus petite grève à la révolution elle-même.
Certaines personnes voient dans le parti révolutionnaire un début de socialisme. Cela est complètement faux. Le socialisme ne peut apparaître que lorsque la classe ouvrière elle-même prend le contrôle des moyens de production et l’utilise pour changer la société. On ne peut construire une île de socialisme dans une mer de capitalisme. Les tentatives par de petits groupes de socialistes de se couper de la société et de mener leur vie sur la base des idées socialistes, échouèrent lamentablement à long terme - d’abord, les pressions économiques et sociales sont toujours présentes. De plus en se coupant eux-mêmes du capitalisme, ils se coupent de la seule force qui peut apporter le socialisme : la classe ouvrière.
Bien entendu, les socialistes se battent contre tous les effets néfastes du capitalisme tous les jours - contre le racisme, le sexisme, l’exploitation, la brutalité. Mais nous devons le faire en nous appuyant sur la force de la classe ouvrière.