1979

« En fait, les idées de base du marxisme sont extrêmement simples. Elles permettent de comprendre, comme aucune autre théorie, la société dans laquelle nous vivons. Elles expliquent les crises économiques, pourquoi il y a tant de pauvreté au milieu de l’abondance, les coups d’États et les dictatures militaires, pourquoi les merveilleuses innovations technologiques envoient des millions de personnes au chômage, pourquoi les « démocraties » soutiennent les tortionnaires. »

Chris Harman

Qu'est-ce que le marxisme ?

13 - Le socialisme et la guerre

1979

Le vingtième siècle a été le siècle des guerres. Dix millions de personnes ont été tuées durant la première guerre mondiale, 55 millions durant la seconde, 2 millions durant les guerres en Indochine. Et les deux superpuissances, les États-Unis et la Russie, conservent le potentiel nucléaire pour détruire la race humaine un certain nombre de fois.

Expliquer cette horreur devient compliqué pour celui qui prend la société actuelle pour acquise. Il est conduit à penser qu’il y aurait une tendance instinctive et inhérente au genre humain qui le conduirait à prendre plaisir aux massacres de masse. Mais la société humaine n’a pas toujours connu la guerre. Gordon Chile remarqua au sujet de l’âge de pierre en Europe :

Les premiers Danubiens semblent avoir été une société pacifique ; les armes de guerre au contraire des outils de chasse sont absentes de leurs sépultures. Leurs villages ne possédaient de défenses militaires. [Mais] dans les dernières phases de la période néolithique, les armements devinrent les objets les plus importants....

La guerre ne vient pas d’une quelconque agressivité naturelle chez l’homme. C’est le produit de la division de la société en classes. Quand, entre 5 000 et 10 000 ans avant notre ère, une classe de propriétaires fit pour la première fois son apparition, elle dut trouver les moyens pour protéger ses richesses. Elle commença à construire des forces armées, un État, coupés du reste de la société, qui se révélèrent ensuite un moyen rentable pour augmenter ses richesses en pillant d’autres sociétés.

La division de la société en classes fit que la guerre devint une caractéristique indispensable de la vie humaine.

Les classes dirigeantes esclavagistes de la Grèce et Rome antique ne pouvaient survivre sans de continuelles guerres qui leur procureraient plus d’esclaves. Les seigneurs féodaux du Moyen Age devaient être lourdement armés pour soumettre les serfs et pour protéger leur fortune. Quand les premières classes dirigeantes capitalistes apparurent, il y a 300 ou 400 ans, elles aussi durent avoir recours à la guerre. Elles ont dû se battre férocement, aux XVIème,XVIIème,XVIIIème,XIVème siècles pour établir leur suprématie sur les restes des vieux dirigeants féodaux. Les pays capitalistes les plus avancés comme l’Angleterre, utilisèrent l’armée pour augmenter leur richesse - traversant les océans, pillant l’Inde et l’Irlande, transportant des millions de personnes de l’Afrique à l’Amérique pour qu’elles servent comme esclaves, transformant le monde entier en source de pillage pour eux-mêmes.

La société capitaliste se construit elle-même par la guerre. Il n’est pas étonnant que ceux qui y habitent en arrivent à penser que la guerre est à la fois « inévitable » et « juste ». Pourtant le capitalisme ne pourrait survivre uniquement par la guerre. La plupart de ses richesses proviennent de l’exploitation des travailleurs à l’usine ou dans les mines. Il ne peut donc se permettre des situations « explosives » là où il exploite.

Chaque classe capitaliste nationale veut la guerre à l’extérieur de ses frontières et l’ordre à l’intérieur. Alors, d’une part, elle encourage les « valeurs militaires » et d’autre part elle s’attaque à la « violence ». L’idéologie du capitalisme combine, de façon totalement contradictoire, l’exaltation du militarisme et les phrases pacifistes.

Au XXème siècle, les préparations aux guerres ont pris une place centrale dans le système comme jamais avant. Au XIVème siècle, la production capitaliste se faisait autour de petites industries en compétition les unes avec les autres. L’État était une entité relativement petite qui réglait les conflits entre elles et avec leurs travailleurs. Maintenant, les grosses firmes ont englouti la plupart des petites, éliminant, par là même une importante partie de la compétition à l’intérieur d’un même pays. Cette compétition se retrouve de plus en plus au niveau international, entre firmes géantes de différentes nations.

Il n’y a pas d’État capitaliste international pour régler cette compétition. À la place, chaque État national exerce toute la pression nécessaire pour aider ses capitalistes à avoir un avantage sur leurs rivaux étrangers. Le combat sans merci que se livraient différents capitalistes est devenu un combat sans merci entre différents États, chacun avec leur impressionnant arsenal de destruction.

Par deux fois, ce combat a conduit à une guerre mondiale. La première et la seconde guerre mondiale furent des guerres impérialistes, des conflits entre États capitalistes pour la domination du monde. La guerre froide était la continuation de ces conflits, avec les États capitalistes les plus puissants s’alignant les uns contre les autres derrière l’OTAN et le Pacte de Varsovie.

En plus de ces conflits mondiaux, il y eut beaucoup de guerres ouvertes dans différentes parties du monde. En général, elles furent le théâtre de l’affrontement entre différents États capitalistes pour le contrôle d’une région particulière, telles que la guerre Iran-Irak dans les années 80, et la Guerre du Golfe en 1991. Chaque puissance alimentait le feu de la guerre en vendant son armement le plus sophistiqué aux États du Tiers-Monde.

Beaucoup de ceux qui acceptent le reste du système capitaliste n’aiment pas cette dure réalité. Ils veulent le capitalisme sans la guerre. Ils cherchent alors une alternative au sein du système. Par exemple, il y a ceux qui croient que les Nations Unies peut empêcher les guerres.

Mais l’ONU n’est rien de plus qu’une arène où les différents États qui incarnent la tendance à la guerre se retrouvent. Là, ils comparent leurs forces entre eux, comme des boxeurs avant un combat. Si un État ou une alliance en surclasse de loin une autre, alors les deux parties verront l’inutilité d’une guerre dont le résultat est connu à l’avance. Mais s’il y a le moindre doute sur l’issue du combat, le seul moyen de vérifier est d’aller jusqu’au bout.

C’était vrai pour les deux principales alliances, l’OTAN et le Pacte de Varsovie. Même si l’Ouest avait un avantage militaire sur le bloc de l’Est, l’écart n’était si grand pour les Russes pour croire à une défaite assurée. Malgré le fait qu’une Troisième guerre mondiale aurait détruit l’humanité, Moscou et Washington dressèrent des plans pour faire et gagner une guerre nucléaire.

La guerre froide prit fin avec l’URSS en 1991. On a alors beaucoup parlé d’un« nouvel ordre mondial » et d’une « ère de paix ».

Cependant, nous avons assisté à une succession de guerres terribles - la guerre de l’Ouest contre son ancien allié l’Irak, la guerre entre Azerbaïdjan et l’Arménie, les horribles guerres civiles en Somalie et en ex-Yougoslavie.

Dès qu’une rivalité entre puissances capitalistes est résolue, une autre prend sa place. Partout les classes dominantes savent que la guerre est un moyen pour accroître leur influence, en aveuglant les travailleurs et les paysans avec le nationalisme.

On peut critiquer et craindre les guerres sans s’opposer au capitalisme. Mais on ne peut y mettre fin. La guerre est un produit inévitable de la division de la société en classes. La menace d’une guerre ne s’évanouira pas en suppliant les dirigeants existants de faire la paix. Les armes ne pourront leur être arrachées des mains que par un mouvement qui lutte pour renverser la société de classes une fois pour toutes.

Les mouvements pour la paix qui apparurent en Europe et en Amérique du Nord à la fin des années 70 ne comprenaient pas ça. Ils militaient contre l’introduction de missiles de croisières et de Pershing, pour un désarmement unilatéral, pour un désarmement nucléaire. Mais ils croyaient que le combat pour la paix pouvait réussir isolé du combat entre le capital et le travail.

Ils ne réussirent pas à mobiliser la seule force qui pouvait enrayer la course à la guerre, la classe ouvrière. Seule une révolution socialiste peut arrêter l’horreur de la guerre.

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