1905 |
« Vpériod » n° 1 du 4 janvier 1905 (22 décembre 1904). |
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La Russie traverse une nouvelle vague constitutionnaliste. Notre génération n'a rien vu encore qui ressemble à l'agitation politique actuelle. La presse légale foudroie la bureaucratie, réclame la participation des représentants du peuple à la direction de l'État, proclame avec insistance la nécessité de réformes libérales. Toutes sortes d'assemblées de délégués aux zemstvos [1], de médecins, de juristes, d'ingénieurs, de cultivateurs, de conseillers municipaux [2], etc., votent des motions demandant, en termes plus ou moins clairs, une Constitution. On entend partout des révélations politiques d'une hardiesse inaccoutumée pour le public russe, des discours passionnés sur la liberté. Les réunions des libéraux se transforment sous la pression des ouvriers et de la jeunesse radicale en meetings populaires et en manifestations de rues. Une grande partie du prolétariat, la population pauvre des villes et des campagnes sont visiblement travaillés par une effervescence grandissante. Le prolétariat prend relativement peu de part aux manifestations les plus spectaculaires et les plus solennelles du mouvement libéral, il se tient un peu comme à l'écart des délibérations compassées des gens posés, mais tout montre que les ouvriers ont pour ce mouvement un intérêt extrêmement profond. Tout montre qu'ils ont soif de grandes réunions populaires et de grandes manifestations de rues. Le prolétariat, semble‑t‑il, se contient, observe avec soin ce qui l'entoure, concentre ses forces et décide de cette question : le moment est‑il venu, oui ou non, d'engager le combat décisif pour la liberté ?
Apparemment, la vague d'excitation libérale commence déjà à décroître quelque peu. Les bruits et les informations des journaux étrangers sur la victoire de la réaction dans les milieux les plus influents de la Cour sont confirmés. L'oukase de Nicolas II [3], promulgué ces jours derniers, est un vrai soufflet à l'adresse des libéraux. Le tsar prétend maintenir et faire respecter l'autocratie. Le tsar refuse de changer la forme du gouvernement et ne songe nullement à octroyer une Constitution. Il promet ‑ simple promesse ! ‑ diverses réformes de caractère absolument secondaire. Il ne donne naturellement aucune garantie qu'elles seront réalisées. Les rigueurs policières se multiplient, d'heure en heure, contre la presse libérale. Les moindres manifestations publiques sont de nouveau réprimées avec autant de brutalité qu'avant, sinon davantage. Les conseillers libéraux, dans les villes et dans les provinces, sont de nouveau visiblement rappelés à l'ordre, et, plus encore, les fonctionnaires libéralisants. Les journaux libéraux sont frappés de découragement et demandent pardon aux correspondants dont ils n'osent pas insérer les lettres.
Il n'y a rien d'impossible à ce que la vague de libéralisme qui s'était si rapidement élevée après l'autorisation de Sviatopolk‑Mirski [4], tombe aussi rapidement après une nouvelle interdiction. Il faut distinguer les causes profondes qui engendrent nécessairement, inéluctablement, et de plus en plus, l'opposition et la lutte contre l'autocratie, des menus prétextes qui donnent au libéralisme une animation temporaire. Les causes profondes engendrent des mouvements populaires profonds, puissants et tenaces. Les menus prétextes sont parfois un changement de personnes dans le ministère et la manœuvre ordinaire du gouvernement recourant un instant à la ruse après quelque acte terroriste. Le meurtre de Plehve [5] a certainement demandé à l'organisation terroriste de gigantesques efforts et de longs préparatifs. Le succès de cette entreprise n'en confirme que mieux l'expérience fournie par toute l'histoire du mouvement révolutionnaire russe, qui nous met en garde contre l'emploi de la terreur comme méthode de combat. La terreur en Russie a toujours été et demeure une arme spécifiquement intellectuelle. On a beau nous parler du rôle de la terreur, non pas à la place du mouvement populaire, mais conjointement à lui, les faits témoignent, de façon irréfutable, que chez nous les assassinats politiques individuels n'ont rien de commun avec les actes de violence d'une révolution populaire. Dans la société capitaliste, le seul mouvement de masses possible est celui de la classe ouvrière. Il se développe en Russie selon ses lois propres, il suit son chemin, gagnant constamment en profondeur et en largeur, passant une accalmie temporaire à un nouvel essor. La vague libérale, seule, s'élève et retombe selon l'humeur des divers ministres dont la succession est hâtée par les bombes. Rien d'étonnant, par conséquent, si nous rencontrons souvent de la sympathie pour la terreur dans la fraction radicale (ou radicalisante) de l'opposition bourgeoise. Rien d'étonnant si, parmi les intellectuels révolutionnaires, les plus emballés pour la terreur (de façon durable ou passagère) sont justement ceux qui ne croient pas à la vitalité et à la force du prolétariat et de sa lutte de classe.
Le caractère passager et fragile de l'excitation libérale à tel ou tel propos ne doit naturellement pas nous faire oublier la contradiction invincible qui existe entre l'autocratie et les exigences de la société bourgeoise en voie de développement, L'autocratie ne peut pas ne pas retarder le développement de la société. Nous verrons de plus en plus l'intérêt de la bourgeoisie, en tant que classe, l'intérêt des intellectuels, catégorie dont ne saurait se passer la production capitaliste moderne, se heurter à l'autocratie. Les déclarations libérales peuvent avoir une cause apparente superficielle, les positions des libéraux peuvent être hésitantes, bâtardes, mesquines; il n'en est pas moins certain que l'autocratie ne peut vivre en paix véritable qu'avec une poignée d'individus particulièrement privilégiés de la classe des propriétaires fonciers et des marchands, et non avec cette classe dans son ensemble. Les intérêts de la classe dirigeante doivent être directement représentés sous une forme constitutionnelle : c'est une nécessité pour un pays qui veut être un pays européen et que sa situation oblige, sous peine d'écrasement politique et économique, à devenir un pays européen. Aussi est‑il essentiel que le prolétariat conscient comprenne clairement à la fois le caractère inéluctable des protestations libérales contre l'autocratie, et la nature véritablement bourgeoise de ces protestations.
La classe ouvrière se propose des buts grandioses, d'une portée historique universelle ‑ libérer l'humanité de toutes formes d'oppression et d'exploitation de l'homme par l'homme, Dans le monde entier, elle en poursuit la réalisation avec ténacité depuis des dizaines et des dizaines d'années, élargissant sans cesse son champ de bataille, organisant des partis de millions de membres, ne se laissant décourager ni par les défaites, ni par des échecs passagers. Pour cette classe réellement révolutionnaire, rien ne saurait être plus important que de se débarrasser de toutes les illusions et de tous les mirages. Parmi ces illusions, une des plus répandues et des plus vivaces chez nous est de croire que notre libéralisme n'est pas un mouvement bourgeois, et que notre prochaine révolution ne sera pas une révolution bourgeoise. L'intellectuel russe ‑ depuis le partisan le plus modéré de l'Osvobojdénié [6] jusqu'au plus acharné socialiste‑révolutionnaire [7] ‑ se figure toujours que déclarer notre révolution bourgeoise, c'est la ternir, la rabaisser, la rendre banale. Le prolétaire russe conscient, au contraire, voit dans ce jugement la seule façon vraie de définir la situation réelle du point de vue de classe. A ses yeux, la lutte pour la liberté politique et la république démocratique dans la société bourgeoise n'est qu'une des étapes indispensables de la lutte pour la révolution sociale appelée à renverser le régime bourgeois. Bien distinguer les étapes qui diffèrent par leur nature, étudier de sang‑froid les moyens de le traverser, cela ne signifie nullement remettre aux calendes grecques le but final ou ralentir la marche en avant. Tout au contraire, pour hâter cette marche, pour arriver plus rapidement et plus sûrement à ce but, il faut comprendre les rapports des classes dans la société moderne. Désillusions et oscillations d'un côté à l'autre, voilà tout ce qui attend ceux qui éludent, sous prétexte d'étroitesse d'esprit, les considérations de classe, ceux qui veulent être socialistes et craignent de donner franchement à la révolution prochaine et déjà commencée en Russie son vrai nom de révolution bourgeoise.
Fait caractéristique : en plein mouvement constitutionnel, la presse légale la plus démocratique a profité de la liberté inusitée pour attaquer non seulement la « bureaucratie », mais aussi « la théorie » soi‑disant « inconsistante sur le plan scientifique exclusiviste et, par suite, erronée de la lutte de classe » (Nacha Jizn [8] n° 28). Il paraît que le problème du rapprochement entre les intellectuels et les masses « a été posé, jusqu'ici, en insistant uniquement sur les antagonismes de classe qui séparent le peuple et les milieux où se recrute... la majeure partie des intellectuels ». Inutile de noter que cette façon de présenter les choses n'a absolument rien à voir avec la réalité. Au contraire. La grande masse des intellectuels légaux, adonnés aux œuvres culturelles, tous les vieux socialistes russes, tous les gens du type de l’Osvobojdénié ont méconnu et méconnaissent la profondeur des antagonismes de classe existant en Russie en général et dans les campagnes russes en particulier. Même l'extrême‑gauche du monde intellectuel radical, le parti socialiste‑révolutionnaire, pèche surtout par cette méconnaissance : rappelons‑nous ses habituelles considérations sur « la paysannerie laborieuse » ou sur la prochaine révolution « non pas bourgeoise, mais démocratique ».
Non ! Plus l'heure de la révolution approche, plus le mouvement constitutionnaliste devient combatif, et plus le parti du prolétariat doit conserver strictement son caractère de classe et ne pas laisser noyer ses revendications de classe dans le torrent des phrases démocratiques générales. Plus souvent, plus hautement, les représentants de la « société » font résonner leurs revendications prétendues nationales, et plus impitoyablement la social‑démocratie doit dénoncer le caractère de classe de cette « société ». Prenez la fameuse résolution du congrès « clandestin » des zemstvos tenu du 6 au 8 novembre [9]. Vous y verrez de timides vœux de Constitution, rejetés au second plan et intentionnellement obscurs. Vous y verrez des références au peuple et à la société, beaucoup plus souvent à la société qu'au peuple. Vous y verrez indiquer, avec force détails, et avec le plus de détails, les réformes concernant les zemstvos et les conseils municipaux, c'est‑à‑dire les institutions qui représentent les intérêts des propriétaires fonciers et les capitalistes. Vous y verrez mentionner la réforme du Statut des paysans, la suppression de la tutelle, le redressement de la justice. La chose est claire, vous avez affaire à des membres des classes possédantes, qui ne demandent à l'autocratie que des concessions et ne songent nullement à modifier les fondements du régime économique. Si ces gens désirent « un changement radical » (soi‑disant radical) « de la condition d'inégalité et d'asservissement qui est celle du paysan », c'est une preuve de plus en faveur de la social‑démocratie, qui a toujours souligné combien le régime et les conditions d'existence des paysans sont en retard sur l'état général de la société bourgeoise. La social‑démocratie a toujours invité le prolétariat conscient à bien distinguer, dans l'ensemble du mouvement paysan, les intérêts et les besoins impérieux de la bourgeoisie rurale, si couverts ou enveloppés de brouillard qu'ils puissent être, si déguisés qu'ils soient sous l'utopie « égalitaire » par l'idéologie paysanne (et par la phrase « socialiste‑révolutionnaire »). Prenez les résolutions du banquet des ingénieurs de Pétersbourg, le 5 décembre. Vous verrez que les 590 participants, et, après eux, les 6 000 qui ont signé la motion des ingénieurs se prononcent pour la Constitution, « sans laquelle ne peut être défendue l'industrie russe », et protestent, par la même occasion, contre la remise des commandes gouvernementales à des maisons étrangères.
Peut‑on ne pas voir aujourd'hui encore que les intérêts des propriétaires terriens, de la bourgeoisie commerçante et industrielle et de la bourgeoisie rurale, sont la doublure et la base des aspirations constitutionnalistes qui viennent de se manifester ? Pouvons‑nous nous laisser dérouter par le seul fait que ces intérêts sont présentés par les intellectuels démocrates qui toujours et partout, dans toutes les révolutions bourgeoises d'Europe, se sont chargés des rôles de publicistes, d'orateurs et de leaders politiques ?
Le prolétariat russe a une tâche extrêmement importante. L'autocratie est ébranlée. La guerre difficile et sans issue dans laquelle elle s'est jetée a sapé profondément les fondements de son pouvoir et de sa domination. Elle ne peut plus désormais se maintenir sans faire appel aux classes dirigeantes, sans l'appui des intellectuels, appel et soutien qui entraînent fatalement la revendication d'une Constitution. Les classes bourgeoises tâchent d'exploiter à leur profit les embarras du gouvernement. Le gouvernement joue un jeu désespéré pour se tirer d'affaire, avec de misérables concessions, des réformes sans effet politique, des promesses n'engageant à rien. Ce sont ces dernières qui remplissent le nouvel oukase impérial. Ce jeu aura‑t‑il un succès, temporaire et partiel tout au moins, cela dépend, en fin de compte, du prolétariat russe, de son degré d'organisation, de la vigueur de sa pression révolutionnaire. Le prolétariat doit profiter d'une situation politique extraordinairement avantageuse. Il doit soutenir le mouvement constitutionnaliste de la bourgeoisie, remuer les masses exploitées, les grouper autour de lui, le plus largement possible, concentrer toutes ses forces et déclencher l'insurrection au moment où le désarroi gouvernemental et l'effervescence populaire seront à leur comble.
Quelle forme doit prendre, dans l'immédiat, l'appui donné par le prolétariat aux constitutionnalistes ? Il visera surtout à utiliser l'effervescence générale pour agiter et organiser les couches les moins touchées, les plus retardataires de la classe ouvrière et de la paysannerie. Le prolétariat organisé, la social‑démocratie, doit naturellement pénétrer dans toutes les classes de la population ; mais plus ces classes manifestent d'indépendance, plus la lutte devient âpre, plus l'heure de la lutte finale approche, et plus le centre de gravité de notre action doit être déplacé vers les prolétaires et les semi‑prolétaires, afin de les préparer eux‑mêmes à la lutte ouverte pour la liberté. Dans un pareil moment, il faut être un opportuniste pour décorer du nom de lutte particulièrement active, de nouvelles méthodes de combat, ou de type supérieur de manifestations, l'intervention de quelques orateurs ouvriers au sein des zemstvos ou autres assemblées. De pareilles manifestations ne peuvent avoir qu'une signification très secondaire. Ce qui importe infiniment plus, aujourd'hui, c'est d'attirer l'attention du prolétariat sur des formes de lutte véritablement hautes et actives, comme la fameuse manifestation de Rostov et la série d'actions de masses dans le Midi [10]. Ce qui importe infiniment plus, aujourd'hui, c'est d'élargir nos cadres, d'organiser nos forces et de nous préparer à un combat encore plus direct et plus déclaré.
Il ne s'agit naturellement pas d'abandonner le travail habituel et quotidien des social‑démocrates. Ils n'y renoncent jamais, car c'est justement là qu'ils voient la véritable préparation du combat décisif ; ils comptent absolument et exclusivement sur l'activité, la conscience, l'organisation du prolétariat, sur son influence dans la masse des travailleurs et des exploités. Il s'agit seulement d'indiquer le bon chemin, de diriger l'attention sur la nécessité d'aller de l'avant, sur le danger des hésitations tactiques. L'action quotidienne, que ne doit jamais, ni en aucun cas, oublier le prolétariat conscient, comporte le travail d'organisation. Sans organisations ouvrières larges et diverses, sans le rapprochement entre ces organisations et la social‑démocratie révolutionnaire, pas de succès possible dans la lutte contre l'autocratie. Or, ce travail d'organisation est impossible sans une opposition catégorique aux tendances désorganisatrices qui se manifestent, chez nous comme partout, dans la fraction intellectuelle du parti, veule et changeant de mots d'ordre comme de gants. Il est concevable sans la lutte contre l'absurde « théorie » réactionnaire de l'organisation‑procès qui couvre toutes les débandades.
Aujourd'hui, le développement de la crise politique en Russie dépend par‑dessus tout du cours de la guerre avec le Japon. Rien, mieux que cette guerre, n'a dévoilé et ne dévoile la pourriture de l'autocratie, rien ne l'affaiblit autant financièrement et militairement, rien ne tourmente autant et ne pousse autant à l'insurrection les masses épuisées, dont cette guerre honteuse et criminelle exige des sacrifices sans fin. La Russie absolutiste est, d'ores et déjà, défaite par le Japon constitutionnel, et tout atermoiement ne servira qu'à accroître et à aggraver l'échec. La meilleure partie de la flotte est détruite, la situation de Port-Arthur est désespérée, l'escadre de secours n'a pas la moindre chance, je ne dirai pas de succès, mais même d'arriver à destination ; la principale armée, commandée par Kouropatkine, a perdu plus de 200 000 hommes, elle est sans force et sans espoir devant un ennemi qui l'écrasera fatalement après la prise de Port‑Arthur. Le fiasco militaire est inévitable et, avec lui, le redoublement du mécontentement, de l'effervescence et de l'indignation.
Nous devons nous préparer à ce moment, avec toute notre énergie. A ce moment‑là, une des escarmouches qui éclatent de plus en plus souvent, ici ou là, déclenchera un immense mouvement populaire. A ce moment‑là, le prolétariat se lèvera et prendra la tête de l'insurrection, pour libérer le peuple tout entier, pour assurer à la classe ouvrière la possibilité de mener ouvertement, largement et en s'appuyant sur toute l'expérience de l'Europe, la lutte pour le socialisme.
Notes
[1] Les zemstvos étaient les organes de l'administration autonome locale, créés en 1864 dans les régions centrales de la Russie tsariste. Ils étaient dirigés par la noblesse. Leur compétence se limitait à des questions administratives purement locales (hôpitaux, routes, statistiques, assurances, etc.). Leurs activités étaient contrôlées par les gouverneurs et le ministre de l'Intérieur qui pouvaient suspendre tout arrêté indésirable pour le gouvernement.
[2] Conseillers municipaux, membres des Doumas municipales, élus à des réunions des industriels, des marchands et des propriétaires de biens immobiliers. La population laborieuse était écartée des élections.
[3] Il s'agit de l'oukase du tsar au Sénat du 12 (25) décembre 1904.
[4] Allusion aux complaisances temporaires du gouvernement tsariste envers les libéraux en 1904. Le ministre de l'Intérieur, Sviatopolk‑Mirski, avait autorisé la réunion des assemblées de zemstvos, très légèrement adouci la censure, fait rentrer d'exil administratif quelques personnalités libérales, etc.
[5] Le 15 (28) juillet 1904, le ministre de l'intérieur, von Plehve, fut tué par le socialiste‑révolutionnaire Sazonov après le verdict prononcé par l'organisation de combat dit parti des socialistes‑révolutionnaires (voir la note suivante). Ce meurtre s'explique par le mécontentement profond dû à la politique des répressions impitoyables qui atteignit son point culminant sous le ministère Plehve.
[6] « Partisans de l’Osvobojdénié », bourgeois libéraux ; ils se groupaient autour du journal l’Osvobojdénié , publié à l'étranger de 1902 à 1905, sous la direction de P. Strouvé. En janvier 1904, ils fondèrent l'Union de l'Osvobojdinié libérale-monarchiste. Plus tard, ils formèrent le noyau du principal parti bourgeois en Russie, le parti des cadets.
[7] Socialistes‑révolutionnaires (s.‑r.). Fondé à la fin de 1901 et au début de 1902, à la suite de la fusion de différents groupes et cercles populistes. Les s.‑r. ne faisaient pas de distinction de classe entre le prolétariat et les petits propriétaires, estompaient la différenciation de classe et les contradictions au sein de la paysannerie, récusaient le rôle dirigeant du prolétariat dans la révolution. Les conceptions des s.‑r. étaient un amalgame éclectique de populisme et de révisionnisme. Le Parti bolchevik mena une lutte opiniâtre contre eux pour l'influence sur la paysannerie, mettant à nu la nocivité pour le mouvement ouvrier de leur tactique de terreur individuelle.
L'hétérogénéité de classe de la paysannerie conditionnait l’ instabilité politique et idéologique ainsi que le manque d'unité sur le plan d'organisation dans le parti des s.‑r., ses flottements perpétuels entre la bourgeoisie libérale et le prolétariat. Dès la première révolution russe (1905‑1907), l'aile droite se détacha du parti s.‑‑r., forma un parti légal, le Parti populaire socialiste du travail, proche des cadets. L'aile gauche constitua l’union à deuil anarchiste des « maximiliens ».
[8] « Nacha Jizn » [Notre Vie], journal quotidien, proche de l'aile gauche des cadets. Parut avec des interruptions du 6 (19) novembre 1904 au 11 (24) juillet 1906, à Pétersbourg.
[9] Référence au congrès des zemstvos tenu le 6.11.1904 avec l’autorisation du pouvoir. Cinq jour avant le début du congrès, le gouvernement ordonna son report àà l’année suivante. Mais le ministre de l’intérieur, Sviatoplk-Mirski, autorisa les délégués à se réunir « autour d’une tasse de thé, en privé »….
[10] La fameuse grève de Rostov, commencée le 2 (15) novembre 1902, se transforma rapidement en manifestations politiques auxquelles participèrent 30 000 ouvriers environ. Elle se prolongea jusqu'au 25 novembre (8 décembre). La grève était dirigée par le Comité du Don du P.O.S.D.R. (tendance de l'iskra), (voir Œuvres, 4° éd. russe, t. 6, pp. 247‑252).