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Janvier/Février 1913
Quel étrange rapprochement, se dira le lecteur, comment peut-on placer côte à côte une race et une nation ?
Le rapprochement est pourtant possible. Les Nègres ont été les derniers à s’affranchir de l’esclavage et plus que les autres ils en portent encore les lourdes séquelles, ceci même dans les pays avancés, car le capitalisme ne peut « comporter » d’autre libération que celle accordée par la loi, laquelle est d’ailleurs restreinte autant qu’il se peut.
L’histoire dit des Russes qu’ils se sont « presque » libérés du joug du servage en 1861. C’est à peu près à la même époque, après la guerre civile contre les propriétaires d’esclaves américains, que les Nègres d’Amérique du Nord se sont affranchis de l’esclavage.
L’affranchissement des esclaves américains s’est effectué d’une manière moins « réformiste » que celui des esclaves russes.
C’est pourquoi à présent, un demi-siècle plus tard, les séquelles de l’esclavage sont beaucoup plus marquées sur les Russes que sur les Nègres. Et il serait sûrement plus juste de parler non seulement des séquelles mais aussi des institutions… Dans le présent article, nous nous bornerons toutefois à une petite illustration de ce que nous venons de dire : le problème de l’instruction. On sait que l’analphabétisme est une des séquelles de l’esclavage. Dans un pays opprimé par les pachas, les Pourichkévitch, etc., la majorité de la population ne peut être instruite.
En Russie, il y a 73 % d’analphabètes, sans compter les enfants âgés de moins de neuf ans.
Parmi les Nègres des Etats-Unis d’Amérique, il y avait, en 1900, 44,5 % d’analphabètes.
Ce pourcentage scandaleusement élevé d’analphabètes est une honte pour un pays civilisé, avancé comme la république d’Amérique du Nord. Et chacun sait de plus que, dans l’ensemble, la situation des Nègres d’Amérique est indigne d’un pays civilisé : le capitalisme ne peut donner une libération complète, ni même une égalité complète.
Il est instructif de savoir que parmi les blancs d’Amérique le pourcentage des analphabètes n’est que de 6 %. Mais si nous divisons l’Amérique en zones anciennement esclavagistes (la « Russie » américaine) et en zones non esclavagistes (la non-Russie américaine) nous obtenons pour la population blanche un pourcentage d’analphabètes égal à 11-12 % pour les premières zones et 4 à 6 % pour les secondes !
Il y a donc deux fois plus d’analphabètes parmi les blancs dans les ex-zones d’esclavage. Il n’y a pas que les Nègres qui portent les séquelles de l’esclavage !
Honte à l’Amérique pour la situation qu’elle fait aux Nègres !...
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