1917 |
« Pravda » n° 30, 12 avril 1917. Œuvres t. 24, pp. 101-103, Paris-Moscou. Dans la première édition russe des œuvres de Lénine (Moscou,
1924) on trouve la phrase suivante avant le discours, supprimée par la
suite et absente de la quatrième édition en français, puis ajoutée à
nouveau dans la cinquième édition russe (Moscou, 1969) : |
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Lénine Discours aux soldats prononcé au meeting du régiment Izmailovski. Le 10 (23) avril 1917 |
Hier au meeting des soldats du régiment Ismaïlovsky, où sont intervenus le camarade Zinoviev et moi, après l'agitateur du Comité du Parti, j'ai dit les choses suivantes :
Camarades soldats,
La question de l'organisation de l'Etat est maintenant à l'ordre du jour. Les capitalistes, qui détiennent aujourd'hui le pouvoir, veulent une république parlementaire bourgeoise, c'est-à-dire un régime sans tsar, mais où le pouvoir reste aux mains des capitalistes qui gouvernent le pays au moyen des vieilles institutions : police, corps de fonctionnaires, armée permanente.
Nous voulons une autre république, plus démocratique, répondant mieux aux intérêts du peuple. Les ouvriers et les soldats révolutionnaires de Pétrograd ont renversé le tsarisme et complètement nettoyé la capitale de toute police. Les ouvriers du monde entier considèrent avec admiration et espoir les ouvriers et les soldats révolutionnaires de Russie comme l'avant-garde de l'armée libératrice mondiale de la classe ouvrière. La révolution une fois commencée, il faut la consolider et la continuer. Ne laissons donc pas rétablir la police ! Tout le pouvoir dans l'Etat, depuis la base jusqu'au sommet, aussi bien dans le village le plus reculé que dans chaque quartier de Pétrograd, doit appartenir aux Soviets de députés des ouvriers, soldats, salariés agricoles, paysans, etc. Le pouvoir central doit être l'Assemblée constituante représentant ces Soviets locaux, ou une Assemblée populaire, ou un Conseil des Soviets, le nom importe peu.
Ce ne sont ni la police, ni les fonctionnaires non responsables devant le peuple et placés au-dessus de lui, ni l'armée permanente coupée du peuple, qui doivent gouverner l'Etat, mais le peuple tout entier, le peuple en armes, groupé dans les Soviets. Voilà qui fera régner l'ordre indispensable, voilà le pouvoir qui sera obéi, mais aussi respecté par les ouvriers et les paysans.
Seul ce pouvoir, seuls les Soviets de députés soldats et paysans peuvent trancher la grande question de la terre autrement que dans l'intérêt des gros propriétaires fonciers et non bureaucratiquement. La terre ne doit pas appartenir aux grands propriétaires fonciers. Les comités paysans doivent la confisquer sans délai, tout en s'attachant soigneusement à préserver les biens, quels qu'ils soient, de toute détérioration, et à accroître la production du blé pour que les soldats, au front, soient mieux ravitaillés. Toute la terre doit appartenir à l'ensemble du peuple, et ce sont les Soviets locaux des députés paysans qui doivent en disposer. Pour que les paysans riches - qui sont eux aussi des capitalistes - ne puissent léser et tromper les salariés agricoles et les paysans pauvres, ceux-ci doivent se concerter, s'unir, se grouper à part, ou bien former leurs propres Soviets de députés des salariés agricoles.
Ne laissez pas rétablir la police ; n'abandonnez ni le pouvoir ni l'administration de l'Etat à des fonctionnaires non élus, non révocables, bourgeoisement rétribués. Unissez-vous, serrez vos rangs, organisez-vous vous-mêmes, sans vous fier à personne, en ne comptant que sur votre intelligence et sur votre expérience, et alors la Russie pourra se mettre en marche d'un pas ferme, régulier et sûr pour libérer notre pays et toute l'humanité, aussi bien des horreurs de la guerre que de l'oppression du Capital.
Notre gouvernement, qui est un gouvernement de capitalistes, poursuit la guerre dans l'intérêt des capitalistes. De même que les capitalistes allemands, avec à leur tête ce bandit couronné qu'est Guillaume II, les capitalistes de tous les autres pays font la guerre pour le partage des bénéfices capitalistes, pour la domination mondiale. Des centaines de millions d'hommes, presque tous les pays du globe, sont entraînés dans cette guerre criminelle ; des capitaux se chiffrant par centaines de milliards sont investis dans de « lucratives » entreprises qui apportent aux peuples la mort, la famine, la ruine, la barbarie, et aux capitalistes des bénéfices exorbitants, scandaleux. Il n'est qu'un moyen de sortir de cette guerre effroyable et de conclure une paix vraiment démocratique, une paix qui ne soit pas imposée par la violence : le passage de tout le pouvoir aux Soviets des députés ouvriers et soldats. Les ouvriers et les paysans pauvres, qui n'ont aucun intérêt à sauvegarder les bénéfices du Capital et à piller les peuples faibles, pourront vraiment réaliser ce que les capitalistes ne font que promettre, à savoir : mettre fin à la guerre par une paix durable qui garantira la liberté à tous les peuples sans exception.