1917 |
La «Pravda» n° 95 , 13 juillet (30 juin) 1917 |
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Lénine Comment s'y prendre ? |
La Rabotchaïa Gazéta est troublée par la signification politique de l'offensive. Un de ses collaborateurs reproche même à un autre de reconnaître en fin de compte, dans ses phrases évasives, qu'objectivement, le sang de l'armée révolutionnaire de la Russie coule en ce moment non pour une paix sans annexions, mais pour les projets de conquête de la bourgeoisie alliée (Rabotchaïa Gazéta n° 93, p. 2, feuilleton, 1re colonne).
Cette signification «objective» de l'offensive ne peut manquer de troubler les masses ouvrières, dont une partie suit encore les mencheviks. Et les pages de la Rabotchaïa Gazéta reflètent aussi ce trouble. Ne désirant pas une rupture ouverte avec les ouvriers, le journal s'efforce de rattacher tant bien que mal l'«offensive» à la lutte prolétarienne révolutionnaire pour la paix. Tout le malheur de l'astucieuse rédaction vient de ce qu'on ne peut établir entre l'une et l'autre aucune liaison, sinon qu'elles sont en contradiction.
On imaginerait difficilement de plus minables confusionnistes que ces honorables rédacteurs, effrayés par les esprits qu'ils ont eux-mêmes évoqués avec les socialistes-révolutionnaires.
La Rabotchaïa Gazéta nous informe d'une part que «l'offensive russe est maintenant l'objet en Occident d'un profond malentendu. Les journaux bourgeois anglais et français y voient l'abandon des plans « utopiques » du Soviet. Des résolutions chauvines sont votées sous forme de messages à Kérenski et à l'armée révolutionnaire engagée dans l'offensive. Et les tambours retentissent en l'honneur de l'offensive russe, tandis que redouble la persécution des coreligionnaires politiques de la démocratie russe, de ceux qui défendent la même plate-forme de paix».
Aveu des plus précieux ! Surtout quand il émane d'un journal ministériel qui considérait hier encore nos prédictions sur ces conséquences inévitables de l'offensive comme nées du mauvais esprit des bolcheviks. Il ne s'agit pas, on le voit à présent, de notre mauvais esprit, mais du fait que la politique adoptée par les chefs du Soviet a sa logique propre et que cette logique entraîne un regain d'activité des forces antirévolutionnaires à l'extérieur comme à l'intérieur de la Russie.
Ce fait déplaisant, la Rabotchaïa Gazéta voudrait bien l'effacer. Les moyens proposés par sa rédaction sont d'une grande simplicité : «Le Comité exécutif central du Congrès des Soviets des députés ouvriers et soldats doit, de concert avec le Soviet des députés paysans, déclarer d'urgence, en termes nets et catégoriques, que les buts de guerre de la démocratie russe demeurent inchangés », etc., etc. Vous voyez avec quelle énergie les mencheviks se dressent contre la guerre impérialiste : ils sont prêts à faire, d'urgence, une nouvelle déclaration catégorique. Combien n'en a-t-on pas fait déjà, de ces déclarations, aussi «urgentes», «catégoriques» et «passionnées» que possible ? Et combien de fois faudra-t-il encore répéter d'extrême urgence ces déclarations catégoriques pour atténuer par des paroles l'effet des actes du gouvernement que la Rabotchaïa Gazéta ministérielle soutient sans réserve ?
Non, Messieurs, les mots, les déclarations et les notes les plus «catégoriques» n'affaibliront pas la portée des faits que vous signalez vous-mêmes. On ne saurait opposer à ces faits que des actes, des actes qui signifieraient réellement une rupture avec la politique qui consiste à poursuivre la guerre impérialiste. Ces actes ne sont pas à la portée du gouvernement Lvov-Térechtehenko-Chitchenko-Chingarov-Kérenski-Tsérétéli. Celui-ci ne peut que confirmer, par sa politique timorée et dérisoire à l'égard de la Finlande et de l'Ukraine, son impuissance totale à appliquer les déclarations les plus «catégoriques» sur la paix «sans annexions» et sur le «droit» des peuples à disposer d'eux-mêmes. Dans ces conditions, toutes les déclarations promises ne seront que des gestes symboliques destinés à étourdir les masses. Étourdir les masses au moyen de déclarations retentissantes au lieu de participer à la «lutte prolétarienne pour la paix», c'est bien le programme de la Rabotchaïa Gazéta, c'est sa réponse véritable au développement des forces antirévolutionnaires qui est la conséquence de l'offensive.