1917 |
Rédigé le 18 (5) juillet 1917 |
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Lénine Une nouvelle affaire Dreyfus ? |
Certains « grands chefs » de notre état-major général voudraient-ils rééditer l'affaire Dreyfus [1] ?
Cette idée nous est suggérée par une calomnie saugrenue d'un cynisme révoltant, publiée dans le Jivoïé Slovo et que nous analysons en détail par ailleurs.
L'état-major général français s'est acquis dans le monde entier une triste et honteuse célébrité en recourant à des mesures iniques, malhonnêtes et tout simplement criminelles (ignobles), pour charger Dreyfus.
Notre état-major général est intervenu dans le «procès» contre les bolcheviks, publiquement pour la première fois, croyons-nous, par l'intermédiaire... - c'est étrange et significatif, c'est incroyable - par l'intermédiaire de la feuille des Cent-Noirs, Jivoïé Slovo, qui publie une calomnie notoire selon laquelle Lénine serait un espion. Cette information commence ainsi :
«En même temps que la lettre du 16 mai 1917, portant le n° 3719, le chef d'état-major du commandant en chef a transmis au ministre de la Guerre le procès-verbal de l'interrogatoire» (d'Ermolenko).
Est-il concevable, lorsqu'une affaire est menée d'une façon tant soit peu correcte, que des procès-verbaux d'interrogatoire appartenant à l'état-major soient publiés dans la presse des Cent-Noirs avant l'ouverture d'une enquête ou avant l'arrestation des suspects ?
Le service de renseignements dépend de l'état-major. Voilà qui est incontestable ; mais que penser de son activité quand un document, expédié le 16 mai et reçu depuis longtemps par Kérenski, est rendu public non par Kérenski, mais par une feuille des Cent-Noirs ? ?
En quoi cela diffère-t-il, au fond, des procédés employés dans l'affaire Dreyfus ?
Notes
Les notes rajoutées par l’éditeur sont signalées par [N.E.]
[1]. L'affaire Dreyfus, procès intenté en 1894 par les milieux monarchiques français à l'officier de l'état-major général français Adolphe Dreyfus, d'origine juive, faussement accusé d'espionnage et de haute trahison. La condamnation de Dreyfus à la prison à vie, dictée par la clique militariste fut utilisée par les milieux réactionnaires en vue d'attiser l'antisémitisme et de déclencher une campagne contre le régime républicain et les libertés démocratiques. En 1898, quand les socialistes et les représentants de la démocratie bourgeoise avancée (notamment Emile Zola, Jean Jaurès, Anatole France et d'autres) amorcèrent une campagne pour la révision de l'affaire Dreyfus, celle-ci prit un caractère politique accusée. La France se scinda en deux camps, les républicains et les démocrates, d'une part, et le bloc des monarchistes, des cléricaux, des antisémites et des nationalistes, de l'autre. En 1899, sous la pression de l'opinion publique, Dreyfus fut gracié et libéré ; en 1906, par décision du tribunal de cassation, il fut reconnu innocent et réintégré dans l'armée. [N.E.]