1919

Imprimé en 1919 dans Le VIIIe Congrès du Parti communiste (bolchevique) de Russie, Compte rendu sténographique.
18-23 mars 1919

Œuvres t. 29, pp. 139-196, 198-216 et 222-226 Paris-Moscou,


Lénine

VIII CONGRES DU P.C. (b)R.

(18-23 MARS 1919)


DISCOURS D'OUVERTURE

LE 18 MARS

Camarades, les premiers mots prononcés à notre Congrès doivent être consacrés au camarade Iakov Mikhaïlovitch Sverdlov. Camarades, si pour l'ensemble de notre parti et pour toute la République des Soviets, Iakov Mikhaïlovitch Sverdlov fut le plus grand organisateur, ainsi que maints camarades l'ont dit aujourd'hui à ses funérailles, il fut pour le congrès du parti un homme beaucoup plus précieux, et plus près de lui. Nous avons perdu un camarade qui avait consacré à ce congrès les derniers jours de sa vie. Sa disparition retentira sur tout le cours de nos travaux, et le congrès s'en ressentira tout particulièrement. Camarades, je propose une minute de silence pour honorer sa mémoire. (L'assistance se lève.)

Camarades, nous inaugurons les travaux du congrès de notre parti dans un moment singulièrement difficile, complexe et très particulier de la révolution prolétarienne russe et mondiale. Si, au lendemain d'Octobre, les forces du parti et celles du pouvoir des Soviets furent presque entièrement absorbées par les besoins de la défense immédiate, de la riposte immédiate à infliger à l'ennemi, à la bourgeoisie du dedans et du dehors, qui n'admettait pas l'idée d'une existence quelque peu prolongée de la république socialiste, nous avons cependant peu à peu pris des forces, et les problèmes d'édification et d'organisation ont commencé à venir au premier plan. Il me semble que notre congrès doit se dérouler tout entier sous le signe de ce travail d'édification et d'organisation. Les questions de programme, qui présentent sur le plan théorique d'immenses difficultés et se ramènent principalement aux problèmes d'édification, la question de l'organisation, celle de l'Armée Rouge et surtout celle du travail à la campagne, spécialement inscrites à l'ordre du jour, tout cela exige que nous portions une attention concentrée et suivie sur la question capitale qui présente les plus grandes difficultés, mais qui est aussi la tâche la plus féconde pour les socialistes : la question d'organisation. En particulier, il faut souligner ici que l'un des problèmes les plus difficiles de la construction du communisme dans un pays de petits paysans, doit aujourd'hui se poser à nous : le problème de l'attitude à l'égard du paysan moyen.

Camarades, il est naturel que dans les premiers temps, alors que nous avions à défendre le droit à la vie de la République soviétique, cette question n'ait pu être mise largement au premier plan. La guerre implacable contre la bourgeoisie rurale et les koulaks faisait passer avant tout les tâches d'organisation du prolétariat et du semi-prolétairesriat des campagnes. Mais le pas suivant que doit franchir un parti désireux de créer les bases solides de la société communiste, c'est de résoudre correctement le problème de notre attitude envers le paysan moyen. Cette tâche est d'un ordre plus élevé. Nous ne pouvions la poser dans toute son ampleur tant que les fondements mêmes de l'existence de la République des Soviets n'étaient pas assurés. Cette tâche est plus difficile. Elle exige que nous définissions notre attitude à l'égard d'une couche nombreuse et forte de la population. Cette attitude ne peut être définie par cette simple réponse : lutte ou appui. Si à l'égard de la bourgeoisie notre objectif se traduit par les mots « lutte », « répression », si à l'égard des prolétaires et des semi-prolétaires des campagnes il se traduit par le mot « notre » appui, le problème assurément devient sur ce point plus grave. Des socialistes, les meilleurs représentants du socialisme d'autrefois, - lorsqu'ils croyaient encore à la révolution et la servaient sur le plan théorique et idéologique, - parlaient de neutraliser les paysans, c'est-à-dire de faire de la paysannerie moyenne une couche sociale qui, si elle n'apporte pas une aide active à la révolution prolétarienne, du moins ne l'entrave pas, reste neutre et ne se range pas aux côtés de nos ennemis. Ce côté abstrait, théorique, de la question est pour nous parfaitement clair. Mais il est insuffisant. Nous sommes entrés dans une phase de la construction socialiste où il s'agit d'élaborer de façon concrète, en détail, en nous inspirant de l'expérience du travail à la campagne, les règles et les directives fondamentales que nous devons suivre pour conclure avec le paysan moyen une alliance solide, pour exclure la possibilité des déviations et des erreurs fréquentes qui l'ont écarté de nous, alors qu'en réalité, comme Parti communiste dirigeant qui le premier a aidé le paysan russe à secouer définitivement le joug des propriétaires fonciers et à fonder pour lui une véritable démocratie, nous pouvions parfaitement compter sur sa pleine confiance. Cette tâche n'est pas de celles qui exigent une offensive et une répression rapides et impitoyables. Elle est assurément plus grave. Mais je me permettrai d'exprimer l'assurance qu'après un an de travail préliminaire, nous nous en tirerons.

Quelques mots encore au sujet de notre situation internationale. Camarades, vous savez tous, bien sûr, que la fondation de la IIIe Internationale, l'Internationale Communiste, à Moscou constitue, pour la détermination de notre situation dans le monde, un acte d'une immense portée. En face de nous se dresse encore, armée de toutes pièces, une formidable concentration militaire : toutes les plus fortes puissances du monde. Nous affirmions pourtant avec conviction que cette force gigantesque en apparence et infiniment plus puissante que nous au point de vue physique, a fléchi. Ce n'est plus une force. Elle n'a plus la solidité d'autrefois. Aussi notre tâche et notre objectif - sortir vainqueurs du duel engagé avec ce géant - n'ont-ils rien d'utopique. Au contraire, bien que nous soyons artificiellement coupés du monde entier, il ne se passe pas de jour sans que les journaux nous annoncent un progrès du mouvement révolutionnaire dans tous les pays. Bien plus, nous savons, nous voyons qu'il revêt la forme soviétique. Et c'est là la preuve qu'en instaurant le pouvoir des Soviets nous avons pressenti la forme internationale, universelle de la dictature du prolétariat. Et nous avons la ferme conviction que le prolétariat du monde entier s'est engagé dans la voie de cette lutte, dans la voie de la création de ces formes du pouvoir prolétarien - pouvoir des ouvriers et des travailleurs, - et que nulle force au monde ne retardera la marche de la révolution communiste mondiale vers la République universelle des Soviets. (Applaudissements prolongés.)

Camarades, permettez-moi maintenant, au nom du Comité central du Parti communiste de Russie, de déclarer ouvert le VIIIe Congrès et de passer à l'élection du bureau.


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