1922

 

Suite des notes constituant le testament politique de Lénine.


 


Lénine

Attribution de fonctions législatives au Gosplan

IV

Suite des notes. 27 décembre 1922.

Cette idée a été lancée depuis longtemps, je crois, par le camarade Trotski. Je m'étais prononcé contre, parce que j'estimais qu'il se produirait alors une discordance fondamentale dans le système de nos institutions législatives. Mais après un examen attentif je constate que, dans le fond, il y a là une idée juste, à savoir : la Commission du Plan d'Etat se situe un peu à l'écart de nos institutions législatives, bien que, formant un ensemble de gens compétents, d'experts, de représentants de la science et de la technique, elle dispose en fait du maximum d'éléments pour bien juger les choses.

Toutefois, nous partions jusqu'ici du point de vue que le Gosplan doit fournir à l'Etat une documentation élaborée dans un esprit critique, tandis que les institutions d'Etat sont tenues de régler les affaires publiques. Je pense que dans la situation actuelle où les affaires publiques se sont notablement compliquées, où il faut sans casse régler pêle-mêle les questions qui ont besoin de la compétence des membres du Gosplan et d'autres qui n'en ont pas besoin, et même régler des affaires dont certains points requièrent l'expertise (le Gosplan et certains autres ne le requièrent point, je pense, qu'à l'heure présente il faut faire un pas vers l'extension de la compétence de la Commission du Plan d'Etat.

Voici comment je me représente la chose : les décisions du Gosplan ne pourront pas être flanquées par terre par la voie ordinaire des Soviets, mais leur révision requerra une procédure, spéciale, par exemple, le renvoi de de la question devant une session du Comité exécutif central de Russie, l'étude de la question en vue de la reconsidérer d'après une instruction spéciale comportant la rédaction, sur la base de règles établies d'avance, de mémoires qui permettraient de statuer si cette décision doit être rapportée ; enfin, la fixation d'un délai déterminé en vue de reconsidérer les projets (le Gosplan, etc.,

A cet égard, on peut et l'on doit, je pense, accéder au désir du camarade Trotski, sans confier pour autant la présidence de la Commission du Plan d'Etat à une personne choisie parmi nos chefs politiques ou au président du Conseil Supérieur de l'Economie Nationale, etc. Il me semble qu'ici, à l'heure actuelle, la question personnelle s'entremêle trop étroitement avec la question de principe. Je pense que les attaques qui se manifestent aujourd'hui contre le président du Gosplan, le camarade Krjijanovski, et son suppléant, le camarade Piatakov, attaques qui vont de l'un à l'autre de façon que, d'une part, nous entendions des accusations de douceur excessive, d'effacement et de manque de caractère et, d'autre part, des accusations d'impéritie, de caporalisme, de préparation scientifique insuffisante, etc., je pense que ces attaques traduisent deux aspects de la question, en les exagérant à l'extrême, et qu'en réalité il nous faut au sein du Gosplan la réunion judicieuse des deux types de caractère, dont l'un peut être illustré par Piatakov et l'autre par Krjijanovski.

Je crois qu'à la tête du Gosplan doit se trouver une personne ayant une formation scientifique, notamment dans le domaine technique on agronomique, et possédant une grande expérience acquise au cours de plusieurs dizaines d'années de travail pratique dans le domaine soit de la technique, soit de l'agronomie. Cette personne doit, je pense, posséder non pas tant les qualités d'administrateur qu'une expérience étendue et l'aptitude à s'entourer de collaborateurs.

Lénine

27.XII.1922. Consigné par M. V.

V

28.XII.1922.

J'ai remarqué chez quelques-uns de nos camarades capables d'influer grandement sur la marche des affaires publiques, une tendance à exagérer le côté administratif qui, bien sûr, est nécessaire en son lieu et en son temps, mais qu'il n'est pas permis de confondre avec le côté scientifique, avec l'aptitude à embrasser la réalité dans toute son ampleur, à s'entourer de collaborateurs, etc.

Dans toute institution d'Etat, et surtout au Gosplan, il importe d'associer ces deux qualités, et lorsque le camarade Krjijanovski me dit avoir fait appel à Piatakov et s'être entendu avec lui pour son travail au Gosplan, j'ai donné mon accord sans pouvoir toutefois me départir de certains doutes, mais en ayant parfois l'espoir de trouver là réunis les deux types d'hommes d'Etat. Pour savoir si cet espoir s'est. vérifié, il faut attendre et voir à l'expérience avec un peu plus de recul ; mais en principe, à mon avis, il ne fait aucun doute que cette conjonction de caractères et de types (d'hommes, de qualités) est absolument nécessaire pour le fonctionnement normal des institutions d'Etat. J'estime qu'en cette matière l'exagération « bureaucratique » est aussi préjudiciable que toute exagération en général. Le dirigeant d'une institution d'Etat doit avoir au plus haut degré le don de s'entourer de collaborateurs et posséder de solides connaissances scientifiques et techniques pour contrôler leur travail. C'est là un point essentiel. Sinon, le travail ne peut se faire normalement. D'autre part, il importe beaucoup qu'il sache administrer et se laisse seconder par une ou plusieurs personnes qualifiées. La réunion de ces deux qualités dans une seule personne est peu probable, et la nécessité ne s'en imposera guère.

Lénine

Consigné par L. F. 28.XII.1922.

VI

29 décembre 1922.

Le Gosplan se développe visiblement avec ampleur et devient une commission d'experts. A la tête d'une semblable institution ne peut être placée qu'une personne possédant une riche expérience et une formation scientifique approfondie sur le plan technique. La compétence administrative doit au fond jouer ici un rôle auxiliaire. Une certaine autonomie du Gosplan est obligatoire pour assurer l'autorité de cet organisme scientifique, et elle a pour seule garantie la bonne foi de son personnel et sa volonté stricte de mettre en application notre plan d'édification économique et sociale.

Cette dernière qualité ne peut évidemment se manifester maintenant que comme une exception, puisque l'immense majorité des savants, qui constituent tout naturellement le Gosplan, sont forcément contaminés par les conceptions bourgeoises et les préjugés bourgeois. Les contrôler sur ce oint doit être la tâche de plusieurs personnes, qui peuvent former le présidium du Gosplan, qui doivent être des communistes et suivre au jour le jour, à travers le travail, le degré de dévouement des savants bourgeois, ainsi que leur renoncement aux préjugés bourgeois et leur conversion graduelle au socialisme. Ce double travail de vérification scientifique et d'administration pure devrait être l'idéal des dirigeants du Gosplan de notre République.

Lénine

Consigné par M. V. 29 décembre 1922.

Est-il rationnel de distribuer les différentes activités du Gosplan, et ne faut-il pas au contraire s'appliquer à former un groupe de spécialistes permanents, soumis à un contrôle systématique exercé par le présidium et capables de résoudre tout l'ensemble des problèmes qui relèvent de sa compétence ? Je pense que ce dernier procédé serait plus rationnel, et qu'il faut s'attacher à diminuer le nombre des tâches particulières provisoires et urgentes.

Lénine

29 décembre 1922

Consigné par M. V.



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