Source : numéro 15 du Bulletin communiste (deuxième
année), 14 avril 1921, précédé de l'introduction suivante : |
Les prophètes de malheur qui nous affirmaient que la guerre serait néfaste à la liberté des peuples et l'anéantirait, ou tout au moins retarderait son développement, ont eu raison.
A la vérité, on a promis récemment, dans la plupart des pays belligérants et dans quelques pays neutres souffrant de la guerre, une extension de liberté populaire. Des réformes ont été accomplies en Angleterre, et commencent ailleurs. Pourtant, l'état de siège est partout maintenu à des degrés différents, ainsi que la dictature militaire, ce qui prive les populations de tous les droits ; et les promesses, les réformes, dont nous venons de parler, ne sont pas la conséquence de la guerre, mais plutôt celles de la résistance à la guerre ou de la peur de cette résistance. Ce sont les fruits de la protestation contre la guerre. Ainsi s'explique l'influence démocratique du péril commun.
Bref, les tendances antidémocratiques de la guerre sont restées en force, mais en partie modifiées et en partie neutralisées par la tendance démocratique que suscite la réaction contre la guerre.
Celle-ci, d'ailleurs, n'a encore donné que des résultats purement formels. Elle a fait répandre de l'encre d'imprimerie. Car le papier est patient, surtout en temps de guerre. Que les masses soient sur leurs gardes. Si les classes dominantes et les impérialistes réussissent l'œuvre de duperie qu'ils ont en vue dans tous ces projets de démocratisation, si la manœuvre démocratique leur facilite la victoire, les masses, quels que soient leurs droits couchés sur le papier, seront matériellement débilitées par comparaison avec leur état d'avant-guerre, et ce en présence d'une classe dominante prodigieusement renforcée. Et, si même les nouveaux droits populaires acquis sur le papier demeuraient officiellement intacts, il faudrait les plus grandes luttes pour conquérir une démocratie réelle. Il y faudrait des efforts infiniment plus difficiles que nos efforts actuels. Pour donner à tout présent et à venir le bien-être matériel, pour augmenter les forces de la classe ouvrière, pour assurer la démocratie et libérer le prolétariat, les masses ont aujourd'hui, en temps de guerre, une puissance invincible. Pourvu qu'elles sortent enfin de leur torpeur et agissent à la russe !
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