1844 |
Marx et Engels rompent avec l'hégélianisme.... |
La sainte famille
« La Critique critique » sous les traits du marchand de mystères
ou « la Critique critique » personnifiée par M. Szeliga [1]
« Ce monde de mystères est à présent le monde en général : l'action individuelle des Mystères de Paris s'y trouve transportée. »
Avant de « passer à la reproduction philosophique des événements épiques », M. Szeliga se voit « cependant » obligé de « récapituler, de faire un tableau d'ensemble des esquisses singulières qu'il vient de jeter sur le papier ».
Lorsque M. Szeliga annonce qu'il va passer à la « reproduction philosophique » des événements épiques, il faut prendre cette déclaration pour un véritable aveu, pour la révélation de son mystère critique. Jusque-là, il s'est borné à une « reproduction philosophique » de la situation du monde.
M. Szeliga poursuit ses aveux :
« Il résulterait de son exposé que les mystères singuliers dont il a été question n'ont pas de valeur par eux-mêmes, isolés les uns des autres, qu'ils ne sont pas de magnifiques faits divers, mais que leur valeur tient à ce qu'ils forment une série organiquement articulée, dont la totalité constitue le « mystère ». »
Une fois en veine de sincérité, M. Szeliga va plus loin encore. Il avoue que sa « série spéculative » n'est pas la série réelle des Mystères de Paris.
« Il est vrai que, dans notre épopée, les mystères ne surgissent pas en fonction de cette série qui se connaît elle-même [à prix coûtants ?]. C'est que nous avons à faire non pas à l'organisme de la Critique libre se présentant à découvert, logique, mais à une mystérieuse existence végétative. »
Nous passons sur la récapitulation de M. Szeliga, pour en arriver immédiatement au point qui lui sert de « transition ». Nous avons vu, en Pipelet, « l'auto-raillerie du mystère ».
« En se moquant de soi-même, le mystère se juge. Par là, les mystères, s'anéantissant eux-mêmes dans leur ultime logique, invitent tout caractère vigoureux à s'étudier en toute indépendance. »
C'est Rodolphe, prince de Gerolstein, l'homme de la « Critique pure », qui est appelé à procéder à cette étude et à « dévoiler les mystères ».
Nous ne parlerons de Rodolphe et de ses faits et gestes que plus loin, après avoir perdu de vue pour quelque temps M. Szeliga. Mais il est à prévoir, et le lecteur peut pressentir dans une certaine mesure, voire présumer, sans qu'on puisse rien affirmer pourtant, que nous ferons de lui — au lieu de la « mystérieuse existence végétative » attribuée à Rodolphe dans la Literatur-Zeitung critique — au contraire « un membre logique, se présentant à découvert, libre » de « l'organisme de la Critique critique. »
Notes
[1] SZELIGA est le pseudonyme littéraire du Jeune-hégélien Franz Zychlin von Zychlinski (1816-1900). Collaborateur de l'Allgemeine Literatur-Zeitung et des Norddeutsche Blätter (Feuilles de l'Allemagne du Nord) de Bruno Bauer, il sera très souvent pris à partie par Marx non seulement dans La Sainte Famille, mais aussi dans L'Idéologie allemande.