1861-65 |
« Je viens de lire dans
la New York Tribune qu'un soulèvement d'esclaves s'est
produit au Missouri. Naturellement, il a été écrasé,
mais le signal est donné. Si les choses deviennent sérieuses
au fur et à mesure, qu'adviendra-t-il Manchester ? » Une publication effectuée en collaboration avec la bibliothèque de sciences sociales de l'Université de Québec. |
La guerre civile aux États-Unis
ÉCONOMIE DES FORCES EN PRÉSENCE
Londres, le 18 septembre 1861.
Quelles que puissent être ses qualités intrinsèques, la lettre de Mrs Beecher-Stowe à lord Shaftesbury [1] a eu le grand mérite de contraindre les organes anti-nordistes de la presse londonienne à exposer au grand public les prétendues raisons de leur hostilité au Nord et de leurs sympathies mal dissimulées pour le Sud. Notons, en passant, que c'est là une attitude étrange chez des gens qui affectent la plus grande horreur pour l'esclavage !
L'actuelle guerre américaine cause un bien gros tourment à cette presse, car « ce n'est pas un conflit pour l'abolition de l'esclavage », d'où il s'ensuit qu'on ne peut demander au citoyen britannique, âme noble, rompue à mener ses propres guerres et à ne s'intéresser à celle des autres peuples que sous l'angle des « grands principes humanitaires », d'éprouver la moindre sympathie pour ses cousins du Nord.
C'est ainsi que l'Economist affirme : « D'abord, il est tout aussi impudent que faux de prétendre que le conflit entre le Nord et le Sud soit une querelle pour la liberté des nègres d'une part, et pour l'esclavage des nègres de l'autre. » La Saturday Review déclare que le Nord « ne proclame pas l'abolition, et n'a jamais prétendu lutter contre l'esclavage. Le Nord n'a jamais inscrit sur ses drapeaux le symbole sacré de la justice envers les nègres. Son cri de guerre n'est pas l'abolition inconditionnelle de l'esclavage. » Enfin, l'Examiner écrit : « Si nous avons été trompés sur la signification réelle de ce sublime mouvement, qui en est responsable, sinon les fédéralistes eux-mêmes ? »
Il nous faut bien reconnaître que, dans le premier cas, le point de départ est juste. La guerre n'a donc pas été commencée pour abolir l'esclavage, et le gouvernement des États-Unis s'est donne lui-même le plus grand mal pour rejeter toute idée de ce genre. Mais alors, il faudrait se souvenir que ce n'est pas le Nord, mais le Sud, qui a commencé cette guerre, le premier ne faisant que se défendre. En effet le Nord, après de longues hésitations et après avoir fait preuve d'une patience sans égale dans les annales de l'histoire européenne, a fini par tirer l'épée, non pas pour briser l'esclavage, mais pour préserver l'Union. Le Sud, en revanche, a commencé la guerre en proclamant bien haut que l' « institution particulière » était le seul et principal but de la rébellion, mais, en même temps, il confessait qu'il luttait pour la liberté de réduire d'autres hommes en esclavage, liberté qu'en dépit des dénégations du Nord, il prétend menacée par la victoire du Parti républicain [2] et par l'élection de Lincoln à la présidence. Le Congrès des confédérés s'est vanté que la, nouvelle Constitution [3] - à la différence de celle de Washington, Jefferson et Adams - a reconnu pour la première fois l'esclavage comme une chose bonne en soi et pour soi, un rempart de la civilisation et une institution divine. Alors que le Nord professe qu'il combat simplement pour préserver l'Union, le Sud se glorifie d'être en rébellion pour faire triompher l'esclavage. Même si l'Angleterre anti-esclavagiste et idéaliste ne se sent pas attirée par la déclaration du Nord, comment se fait-il donc qu'elle n'ait pas éprouvé la plus vive répulsion pour les aveux cyniques du Sud ?
La Saturday Review se tire de ce cruel dilemme, en refusant purement et simplement de croire aux déclarations des États sudistes. Elle voit plus loin et découvre « que l'esclavage n'a pas grand-chose à voir avec la sécession »; quant aux déclarations contraires de Jefferson Davis et compagnie, ce ne sont là que des « poncifs » à peu près aussi dénués de sens que ceux qui sont de règle dans les proclamations, « quand il est question d'autels violés et de foyers déshonorés ».
L'arsenal des arguments des journaux anti-nordistes est extrêmement réduit, et on s'aperçoit qu'ils reprennent tous à peu de chose près les mêmes phrases, comme dans les formules d'une série mathématique, qui reviennent à intervalles réguliers avec de faibles variations ou combinaisons.
L'Economist s'exclame : « Hier encore, au moment où le mouvement de sécession commençait à prendre une forme sérieuse à l'annonce de l'élection de M. Lincoln, le Nord offrit au Sud, s'il voulait demeurer dans l'Union, toutes les assurances possibles pour que continuent de fonctionner dans l'inviolabilité ses haïssables institutions. Le Nord ne proclama-t-il pas solennellement qu'il renonçait à s'immiscer dans ses affaires, tandis que les dirigeants nordistes proposaient au Congrès compromis sur compromis, basés tous sur la concession qu'ils ne se mêleraient pas de la question de l'esclavage. »
« Comment se fait-il, dit l'Examiner, que le Nord fût prêt à réaliser un compromis, en faisant au Sud les plus larges concessions en matière d'esclavagisme ? Comment se fait-il qu'au Congrès certains aient proposé une zone géographique au sein de laquelle l'esclavage devait être reconnu comme une institution nécessaire ? Les États du Sud n'étaient pas satisfaits pour autant. »
Ce que l'Economist et l'Examiner eussent dû demander, c'est non pas tant pourquoi le compromis Crittenden [4] et d'autres avaient été proposés au Congrès, mais pourquoi ils n'avaient pas été votés. En fait ils font mine de croire que le Nord a accepté ces propositions de compromis et que le Sud les a rejetées, alors qu'en réalité elles ont été vouées à l'échec par le parti du Nord, qui avait assuré l'élection de Lincoln. Ces propositions n'étant jamais devenues des résolutions, du fait qu'elles restèrent à l'état de vux pieux, le Sud n'eut jamais l'occasion, et pour cause, de les rejeter ou les accepter. La remarque suivante de l'Examiner nous mène au cur de la question.
« Mrs Stowe prétend que le parti esclavagiste décida d'en finir avec l'Union lorsqu'il constata qu'il ne pouvait plus l'utiliser à ses fins. Elle admet donc que le parti esclavagiste avait utilisé jusque-là l'Union pour ses fins, mais il serait bon que Mrs Stowe montre clairement quand le Nord a commencé à se dresser contre l'esclavagisme. »
On aurait pu croire que l'Examiner et autres oracles de l'opinion publique en Angleterre s'étaient assez familiarisés avec l'histoire la plus récente pour ne pas recourir aux informations de Mrs Stowe sur un point d'aussi grande importance. L'usurpation croissante de l'Union par les puissances esclavagistes à la suite de leur alliance avec le Parti démocrate du Nord [5] est pour ainsi dire la formule générale de l'histoire des États-Unis depuis le début de ce siècle. Aux mesures successives de compromis correspond une mainmise progressive sur l'Union transformée de la sorte en esclave des propriétaires du Sud. Chacun de ces compromis marque une nouvelle prétention du Sud et une nouvelle concession du Nord.
De même, aucune des victoires successives du Sud ne fut remportée sans une chaude bataille préalable contre l'une des forces adverses du Nord, qui se présentent sous divers noms de parti, avec de multiples mots d'ordre et sous toutes sortes de couleurs. Si le résultat effectif et final de chacun de ces combats singuliers favorisait le Sud, un observateur attentif de l'histoire ne pouvait pas ne pas remarquer que chaque nouvelle avance de la puissance esclavagiste était un pas de plus vers sa défaite finale. Même au temps du compromis du Missouri [6], les forces en lutte se contrebalançaient si étroitement que Jefferson craignit - comme il ressort de ses Mémoires - que l'Union fût menacée d'éclatement à la suite de ce fatal antagonisme.
Les prétentions des puissances esclavagistes ne cessèrent d'augmenter, lorsque le Kansas-Nebraska bill [7] détruisit pour la première fois dans l'histoire des États-Unis - comme M. Douglas le reconnaît lui-même - toute barrière légale à l'extension de l'esclavagisme dans les territoires des États-Unis; lorsqu'un candidat du Nord [8] acheta sa nomination présidentielle en promettant que l'Union se soumettrait ou achèterait Cuba pour en faire un nouveau champ de domination des esclavagistes; lorsque ensuite la décision de Dred Scott [9] proclama que l'extension de l'esclavagisme par le pouvoir fédéral était la loi de la Constitution américaine [10], et qu'enfin le commerce d'esclaves africains était rouvert de facto à une échelle plus vaste qu'à l'époque de son existence légale.
Mais, concurremment à ces coupables faiblesses du Parti démocrate du Nord fade aux pires usurpations du Sud, on constata, à des signes indéniables, que le combat des forces opposées devenait si intense que le rapport de force devait bientôt se renverser. La guerre du Kansas [11], la formation du Parti républicain et les nombreuses voix en faveur de M. Frémont à l'élection présidentielle de 1856 [12] étaient autant de preuves tangibles que le Nord avait accumulé assez d'énergie pour corriger les aberrations que l'histoire des États-Unis connaissait depuis un demi-siècle par la faute des esclavagistes, et pour la ramener aux véritables principes de son développement.
En dehors de ces phénomènes politiques, il y a un fait manifeste, d'ordre statistique et économique, qui montre que l'usurpation de l'Union fédérale, au profit des esclavagistes avait atteint le point où ils devaient reculer de gré ou de force. Ce fait est le développement du Nord-Ouest, les immenses efforts réalisés par sa population de 1850 à 1860 [13], et l'influence nouvelle et revigorante qui en résultait pour les États-Unis.
Tout cela représente-t-il un chapitre secret de l'histoire ? Fallait-il l' « aveu » de Mrs Beecher-Stowe pour faire découvrir à l'Examiner et autres lumières politiques de la presse londonienne la vérité cachée, à savoir que jusqu'ici, « le parti esclavagiste avait utilisé l'Union à ses fins » ? Est-ce la faute du Nord américain si les journalistes anglais ont été surpris par le heurt violent de forces antagoniques, dont la lutte était la force motrice de l'histoire depuis un demi-siècle ? [14] Est-ce la faute des Américains si la presse anglaise tient pour un caprice élucubré en un jour ce qui est le résultat venu à maturation après de longues années de lutte ? Le simple fait que la formation et le développement du Parti républicain en Amérique aient à peine été remarqués par la presse londonienne montre à l'évidence que ses tirades contre l'esclavage ne sont que du vent.
Prenons, par exemple, les deux antipodes de la presse londonienne, le Times de Londres et le Reynold's Weekly Newspaper, le plus grand organe des classes respectables, et le seul organe de la classe ouvrière qui subsiste actuellement. juste avant que M. Buchanan n'achève sa carrière, le premier publia une apologie détaillée de son administration et une polémique diffamatoire contre le mouvement républicain. Pour sa part, le Reynold's, pendant le séjour à Londres de Buchanan, en fit sa cible favorite et depuis lors n'a pas manqué une seule occasion de le mettre sur la sellette et de dénoncer en lui un adversaire [15].
Comment expliquer au Nord la victoire du Parti républicain, dont le programme se fonde sur l'opposition ouverte aux empiétements du système esclavagiste et à l'utilisation abusive que font de l'Union les tenants de l'esclavagisme ? En outre, comment se fait-il que la grande majorité du Parti démocrate du Nord se détourne de ses liens traditionnels avec les chefs de l'esclavagisme, passe sur des traditions vieilles d'un demi-siècle et sacrifie de grands intérêts commerciaux et des préjugés politiques plus grands encore pour voler au secours de l'actuelle administration républicaine et lui offrir hommes et argent avec générosité ?
Au lieu de répondre à ces questions, l'Economist s'exclame :
« Pouvons-nous oublier que les abolitionnistes sont d'habitude aussi férocement persécutés et maltraités au Nord et à l'Ouest qu'au Sud ? Peut-on nier que l'entêtement et l'indifférence - pour ne pas dire la mauvaise foi - du gouvernement de Washington ont été pendant des années le principal obstacle à nos efforts pour supprimer effectivement le commerce des esclaves sur la côte africaine; qu'une partie considérable des clippers actuellement engagés dans ce commerce est construite avec les capitaux du Nord, et exploitée par des marchands du Nord avec des équipages du Nord ? »
Voilà, en vérité, un chef-d'uvre de logique. L'Angleterre anti-esclavagiste ne peut sympathiser avec le Nord, qui s'attaque à l'influence néfaste des esclavagistes, parce qu'elle ne peut oublier que le Nord - tant qu'il était soumis à l'influence esclavagiste et que ses institutions démocratiques étaient souillées par les préjugés des bourreaux d'esclaves - soutenait le commerce des esclaves et décriait les abolitionnistes. L'Angleterre ne peut sympathiser avec l'administration de M. Lincoln, parce qu'elle a désapprouvé l'administration de M. Buchanan ! En toute « logique », elle doit flétrir l'actuel mouvement de renouveau du Nord et encourager ceux qui, au Nord, sympathisent avec le commerce des esclaves stigmatisé par la plate-forme républicaine [16], elle doit flirter avec la clique esclavagiste du Sud, qui édifia un empire séparé, parce que l'Angleterre ne pouvait oublier que le Nord d'hier n'était pas le Nord d'aujourd'hui ! S'il. lui faut justifier son attitude par des faux-fuyants à la Old Bailey [17], cela démontre avant tout que la fraction anti-nordiste de la presse anglaise est poussée par des motifs cachés, c'est-à-dire trop bas et trop infâmes pour être exprimés ouvertement.
L'une des manuvres favorites de la presse anglaise étant de reprocher à l'actuelle administration républicaine les agissements des précédentes qui furent pro-esclavagistes, elle s'efforce dans la mesure du possible de persuader le peuple anglais que le New York Herald est le seul organe qui expose authentiquement l'opinion du Nord. Après que le Times de Londres eut ouvert la voie dans cette direction, le noyau esclavagiste des autres organes anti-nordistes, qu'ils soient grands ou petits, lui emboîte le pas. Ainsi, l'Economist prétend : « Au plus fort de la guerre civile, il ne manque ni journaux ni politiciens à New York pour exhorter les combattants, maintenant qu'ils ont de grandes armées en campagne, à ne pas lutter les uns contre les autres, mais contre la Grande-Bretagne, à cesser toute querelle intérieure - y compris sur la question esclavagiste - pour envahir sans préavis le territoire britannique avec des forces d'une supériorité écrasante. »
L'Economist sait parfaitement que les efforts du New York Herald, qui sont vivement encouragés par le Times de Londres et visent à entraîner les États-Unis dans une guerre avec l'Angleterre, ont pour seul but d'assurer la victoire de la sécession et de ruiner le mouvement de renaissance du Nord.
Cependant, la presse anti-nordiste d'Angleterre fait une concession. Et la snob Saturday Review annonce : « Ce qui est contestable dans l'élection de Lincoln et a précipité la crise, c'est purement et simplement la limitation de l'esclavage aux États où il existait déjà. » Et l'Economist de remarquer : « En effet, il est vrai que le but du Parti républicain qui élut M. Lincoln, est d'empêcher l'extension de l'esclavage aux territoires non encore colonisés... Il est peut-être vrai qu'un succès complet et inconditionnel du Nord lui permettrait de limiter l'esclavage aux quinze États dans lesquels il existe déjà, ce qui pourrait éventuellement conduire à sa disparition - mais ceci est plus vraisemblable que certain. »
En 1859 - à l'occasion de l'expédition de John Brown à Harper's Ferry [18] - le même Economist publiait une série d'articles détaillés afin de prouver qu'en raison d'une loi économique, l'esclavage américain était voué à s'éteindre graduellement dès lors qu'il ne serait plus en mesure de croître. Cette loi économique fut parfaitement comprise par la clique esclavagiste. « Si d'ici quinze ans, nous ne bénéficions pas d'un immense accroissement de terres à esclaves, dit Toombs, nous devrons permettre aux esclaves de fuir de chez les Blancs, à moins que les Blancs ne fuient devant les esclaves. »
La limitation de l'esclavage à son territoire légal, telle qu'elle fut proclamée par les républicains, constitue le point de départ évident de la menace de sécession formulée pour la première fois à la Chambre des représentants le 19 décembre 1859. M. Singleton (Mississippi) demanda alors à M. Curtis (Iowa) « si le Parti républicain n'admettrait plus que le Sud obtienne un pouce de territoire esclavagiste nouveau, tant que l'Union subsisterait ». M. Curtis lui ayant répondu que si, M. Singleton lui répliqua que, dans ces conditions, l'Union serait dissoute. Il conseilla à l'administration du Mississippi de sortir au plus tôt de l'Union : « Ces messieurs devraient se souvenir que Jefferson Davis a conduit nos forces armées au Mexique; or, il vit toujours, et pourrait fort bien commander l'armée du Sud. »
Abstraction faite de la loi économique, selon laquelle l'extension de l'esclavage est une condition vitale pour son maintien dans son territoire légal, les leaders du Sud ne se sont jamais fait d'illusion sur la nécessité absolue de maintenir leur hégémonie politique aux États-Unis. Pour justifier ses propositions au Sénat le 19 février 1847, John Calhoun déclara sans ambages que « le Sénat était le seul moyen d'assurer l'équilibre de pouvoir, laissé au Sud dans le gouvernement » et que la formation d'États esclavagistes nouveaux était, devenue nécessaire « pour conserver l'équilibre des forces au Sénat » [19]. Au reste, l'oligarchie des trois cent mille propriétaires d'esclaves ne pourrait maintenir son pouvoir sur la plèbe blanche sans l'appât de futures conquêtes et l'élargissement de leurs territoires tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des États-Unis. Si désormais -.selon l'oracle de la presse anglaise - le Nord a pris la ferme décision de confiner l'esclavage dans ses limites actuelles et de le liquider ainsi par la voie légale, cela ne devrait-il pas suffire à lui assurer les sympathies de l'Angleterre « anti-esclavagiste » ?
Il semble que les puritains anglais ne puissent vraiment être contentés que par une guerre abolitionniste expresse. L'Economist affirme : « Comme il ne s'agit pas véritablement d'une guerre pour l'émancipation de la race nègre, sur quelle base veut-on que nous sympathisions si chaleureusement avec la cause des fédérés ? »
« Il fut un temps, dit l'Examiner, où nos sympathies allaient au Nord, parce que nous pensions qu'il s'opposait sérieusement aux empiétements des États esclavagistes et défendait l'émancipation comme une mesure de justice pour la race noire. »
Mais, dans les mêmes numéros où ces journaux racontent qu'ils ne peuvent sympathiser avec le Nord parce que sa guerre ne tend pas à une véritable abolition, nous lisons : « Le moyen radical de proclamer l'émancipation des nègres, c'est d'appeler les esclaves à une insurrection générale. » Or, c'est là quelque chose « dont la simple idée, est répugnante et affreuse »; c'est pourquoi « un compromis est bien préférable à un succès conquis à un tel prix et souillé d'un tel crime ».
Comme on le voit, les ardeurs anglaises pour une guerre abolitionniste sont purement hypocrites. Mais, on aperçoit le pied fourchu du diable dans les phrases suivantes : « Finalement, dit l'Economist, le tarif Morrill mérite notre gratitude et notre sympathie; mais la certitude qu'en cas de triomphe du Nord, le tarif sera étendu à toute la république est-elle une raison pour que nous aidions bruyamment à son succès ? »
« Les Américains du Nord, dit l'Examiner, ne prennent rien d'autre au sérieux que leur tarif douanier qui les protège égoïstement... Les États du Sud en ont assez d'être dépouillés des fruits du travail de leurs esclaves par les tarifs protectionnistes du Nord. »
L'Examiner et l'Economist se complètent lun l'autre. Ce dernier est assez honnête pour reconnaître finalement que, pour lui et les siens, la sympathie n'est déterminée que par une simple question de tarif douanier, tandis que le premier réduit la guerre entre le Sud et le Nord à un simple conflit tarifaire, une guerre entre système protectionniste et libre-échangiste. Peut-être l'Examiner ne sait-il pas que même ceux qui voulurent abroger l'acte de la Caroline du Sud en 1832 - comme le général Jackson en témoigne - n'usèrent du protectionnisme que comme d'un prétexte [20]. Quoi qu'il en soit, même l'Examiner devrait savoir que l'actuelle rébellion n'a pas attendu l'adoption du tarif Morrill [21] pour éclater. En fait, les sudistes ne pouvaient se plaindre de ce qu'ils étaient dépouillés des fruits du travail de leurs esclaves par le système protectionniste du Nord, puisque le système libre-échangiste était en vigueur de 1846 à 1861.
Dans son dernier numéro, le Spectator caractérise d'une manière frappante la pensée secrète d'un certain nombre d'organes anti-nordistes : « Que souhaitent donc véritablement ces organes anti-nordistes pour justifier la prétention qu'ils ont de ne s'appuyer que sur l'inexorable logique ? Ils affirment que la sécession est désirable, parce qu'elle est la seule façon possible de faire cesser ce « conflit fratricide qui n'a aucune raison d'être. » Mais voilà qu'ils découvrent ensuite d'autres raisons adaptées aux exigences morales du pays, maintenant que l'issue des événements est claire. Bien sûr, ces raisons ne sont mentionnées, réflexion faite, que comme humble apologie de la Providence et « justification des voies du Seigneur envers l'homme », dès lors que la nécessité inéluctable est devenue manifeste aux yeux de tous. On découvre ainsi qu'il serait d'un grand avantage pour les États d'être coupés en deux groupes rivaux. Chacun tiendrait en échec les ambitions de l'autre et neutraliserait sa force. Si l'Angleterre entrait en conflit avec l'un d'eux, la simple défiance de chaque groupe adverse lui serait d'un grand secours. Et de remarquer qu'il s'ensuivrait une situation très favorable, qui nous libérerait de la crainte et encouragerait la « concurrence » politique, cette grande sauvegarde de l'honnêteté et de la franchise entre États.
Telle est la situation expressément mise en évidence par la théorie de ceux qui commencent, chez nous, à sympathiser avec le Sud. Traduit en bon anglais - et nous déplorons qu'un argument anglais ait besoin d'une traduction dans un tel sujet - cela signifie que si nous regrettons que cette « guerre fratricide » ait pris une telle ampleur, c'est pour espérer qu'à l'avenir elle continuera de susciter de redoutables convulsions, une série de petites guerres chroniques, de passions et de rivalités entre les groupes d'États rivaux. La vérité effective - et précisément ce mode non anglais de ressentir cache cette vérité, bien qu'elle fût voilée de formules décentes - est cependant très nette : les groupes rivaux d'États américains ne pourront vivre ensemble en paix et en harmonie. La situation d'inimitié, due aux causes mêmes qui ont suscité le conflit actuel, deviendrait chronique. On a affirmé que les différents groupes d'États avaient des intérêts douaniers différents. Non seulement ces différents intérêts tarifaires seraient la source de petites guerres permanentes, dès lors, que les États seraient séparés les uns des autres, mais encore l'esclavage - racine de tout le conflit - aggraverait les innombrables inimitiés, discordes et manuvres. Bref, il ne serait plus possible de rétablir un équilibre stable entre les États rivaux. Et pourtant, on affirme que la perspective d'un conflit long et ininterrompu serait l'issue la plus favorable de la grande question qui est en train de se décider actuellement. Au fond, ce que l'on juge le plus favorable dans le vaste conflit actuel, qui pourrait rétablir une unité politique nouvelle et plus puissante c'est l'alternative d'un grand nombre de petits conflits et d'un continent divisé et affaibli que l'Angleterre n'aurait plus à craindre. Nous ne nions pas que les Américains aient semé eux-mêmes les germes de cette situation lamentable et regrettable par l'attitude inamicale et fanfaronne, qu'ils adoptent si souvent vis-à-vis de l'Angleterre; quoi qu'il en soit, nous devons bien avouer que nos propres sentiments sont vils et méprisables. Nous voyons bien qu'il n'existe aucun espoir d'une paix profonde et durable pour l'Amérique dans une solution boiteuse, puisqu'elle signifie involution et désagrégation de la nation américaine en peuples et pays hostiles, et cependant nous levons les bras au ciel comme si nous étions effrayés de l'actuelle guerre « fratricide », alors qu'elle renferme la perspective d'une solution stable. Nous, souhaitons aux Américains un avenir fait d'innombrables et incessants conflits, qui seraient tout aussi fratricides, mais certainement bien plus démoralisants : nous le souhaitons uniquement pour être libérés de l'aiguillon de la concurrence américaine.
Notes
[1] La femme de lettres américaine Beecher-Stowe participa activement au mouvement pour l'abolition de l'esclavage. En septembre 1861, elle adressa une lettre ouverte à lord Shaftesbury pour dénoncer les confédérés et exprimer son indignation devant l'attitude de l'Angleterre, qu'elle invitait à prendre fait et cause pour les unionistes.
[2] Le Parti républicain fut fondé en réaction aux empiétements de l'oligarchie esclavagiste. Il représentait les intérêts de la bourgeoisie industrielle du Nord et jouit de l'appui des populations laborieuses. Pour éliminer la puissance politique et sociale des esclavagistes, il limita l'esclavage à ce qu'il était, ce qui signifiait l'éliminer progressivement. Quant aux terres non encore colonisées de l'Ouest, il en décida l'attribution gratuite aux fermiers libres. Le Parti whig disparaissant peu à peu à la suite des élections de 1852, le champ était dangereusement ouvert à l'extension du Parti démocrate pro-esclavagiste. L'abrogation du compromis du Missouri en 1854, rendit ce danger plus évident. D'énormes meetings de protestation contre l'action du Congrès se tinrent d'un bout à l'autre du Nord. Il en sortit le Parti républicain, qui tint sa première convention à Jackson, dans le Michigan, le 6 juillet 1854. Il se développa rapidement à l'échelle nationale par suite des événements du Kansas (1854-1856), aggravés par l'indignation suscitée dans le Nord par le manifeste d'Ostende (1854). En 1856, le nouveau parti entreprit sa première campagne présidentielle avec Frémont en tête de liste. Quatre ans plus tard, il remportait l'élection de Lincoln, avec le mot d'ordre « Liberté d'expression; liberté d'accès à la terre; liberté du travail; liberté humaine. »
[3] La Constitution provisoire fut adoptée au Congrès de Montgomery (Alabama) du 4 février 1861 par six États esclavagistes du Sud - Caroline du Sud, Géorgie, Floride, Alabama, Mississippi et Louisiane - qui étaient sortis de l'Union américaine. Ce congrès proclama la création de la Confédération du Sud et choisit Jefferson Davis comme président provisoire. Le Texas rejoignit la Confédération le 2 mars, les quatre États frontières esclavagistes, Virginie, Arkansas, Caroline du Nord et Tennessee, y adhérèrent le 4 mai.
[4] À la veille de la guerre de Sécession, certains membres du Congrès tentèrent de prévenir le conflit, en se livrant à une série de manuvres parlementaires. En décembre 1860, Crittenden, du Kentucky, proposa : 1) le vote d'un amendement constitutionnel qui remettrait en vigueur « la ligne de compromis du Missouri », et 2) la promulgation d'une loi qui garantirait la protection de l'esclavage dans la région de « Columbia ». En ouvrant largement le vaste Sud-Ouest à l'implantation de l'esclavage et en le protégeant au sein de la capitale fédérale, ce plan donnait satisfaction - en grande partie du moins - aux esclavagistes. Ce sont surtout les partisans de là distribution générale de la terre libre aux colons, qui s'opposèrent au projet de Crittenden. Finalement, privé du soutien nécessaire de ce groupement décisif du Nord, le projet échoua. Les projets de compromis proposés par Corwin, Weed et MeKean connurent le même sort.
[5] Le Parti démocrate, fondé en 1828, rassemblait les planteurs, certains groupes de la bourgeoisie ainsi qu'une partie importante de fermiers et de petits-bourgeois des villes. Dans les années 1830 et 1840, il représenta de plus en plus les intérêts des planteurs et de la grande bourgeoisie financière du Nord, qui défendait l'esclavage. Lorsque, après l'adoption du Kansas-Nebraska bill en 1854, l'esclavage menaça de submerger toute l'Union, il y eut une scission au sein du Parti démocrate, qui permit la victoire de Lincoln en 1860.
[6]
Le Compromis du Missouri marqua le début d'une série
de luttes politiques qui culminèrent dans la guerre de
Sécession. En 1820, le Sud esclavagiste se trouva dans une
situation insolite. Le Nord libre avait définitivement pris
en main le contrôle de la Chambre des représentants.
Par conséquent, le Sud ne pouvait plus s'opposer à
l'élaboration de lois favorables au Nord, ou de mesures
dirigées contre le Sud, à moins de dominer le Sénat.
Or, la majorité dans cette assemblée dépendait
de l'entrée du Missouri en tant qu'État esclavagiste.
Pour empêcher le Sud d'avoir la majorité dans la
Chambre Haute, le Nord demanda l'admission du Maine. A la suite de
longs et violents débats, les deux États furent admis,
maintenant ainsi l'équilibre des forces au Sénat. De
plus, le compromis du Missouri prévit l'abolition de
l'esclavage dans le territoire de la Louisiane situé au-delà
de la ligne du 360° 30 de latitude nord. Ce compromis fut
pratiquement annulé en 1854 par l'adoption du Kansas-Nebraska
bill.
La gravité de cette lutte au niveau
parlementaire fut pleinement comprise à l'époque. Le 7
février 1820, Jefferson écrivait à Hugh Nelson
au sujet de la question du Missouri : « C'est la plus
importante qui ait jamais menacé notre Union. Même aux
plus noirs moments de la guerre révolutionnaire, je n'ai
jamais éprouvé de craintes semblables à celles
que me cause cet incident. » (Cf. T. Jefferson, Writings, ed.
P. L. Ford, New York, 1899, vol. X, p. 156.)
[7] Le Kansas-Nebraska bill fut adopté en mai 1854 par le Congrès américain. Il stipulait la création de deux territoires, en supposant que le Nebraska entrerait comme État libre dans l'Union, contrairement au Kansas. Ainsi les forces du Nord et du Sud seraient également représentées au Sénat. En outre, cette loi, prévoyait l'annulation de la ligne séparant les États libres des États esclavagistes (compromis du Missouri). Les esclavagistes obtinrent ainsi ce qu'ils désiraient le plus ardemment : la reconnaissance que la zone de l'esclavagisme était illimitée aux États-Unis. Pour obtenir la sanction des démocrates de l'Ouest, cette loi instaura la doctrine de la souveraineté populaire dans chaque État sur la question de l'introduction ou non de l'esclavage. Cette loi mena tout droit à la guerre du Kansas, conflit qui servit lui-même de prologue à la guerre civile de 1861-1865.
[8] A titre d'ambassadeur des USA à Londres, Buchanan publia le manifeste d'Ostende conjointement aux représentants diplomatiques de la France et de l'Espagne. Ce manifeste conseillait au gouvernement des USA d'acquérir d'une manière ou d'une autre l'île de Cuba qui appartenait à l'Espagne. En 1856, Buchanan devint président des USA, sous l'étiquette du Parti démocrate.
[9]
L'esclave Dred Scott suivit son maître le Dr Emerson, dans le
territoire de Louisiane situé au-dessus de la ligne du 360°
30' où, légalement, l'esclavage était interdit.
Dred y vécut un certain nombre d'années, s'y maria et
eut des enfants. Par la suite, les Scott furent ramenés dans
l'État esclavagiste du Missouri. A la mort de leur maître,
ils furent vendus à un New-Yorkais, Samford, à qui ils
firent un procès pour obtenir leur liberté.
L'affaire fut portée devant la Cour
suprême qui était non seulement en majeure partie
composée de sudistes, mais encore présidée par
un sudiste, le juge Taney. En rédigeant l'arrêt pris
par la majorité, ce dernier soutint que la Cour du Missouri
n'avait pas pouvoir de juridiction dans cette affaire, puisque les
Scott n'étaient pas et ne pouvaient être des citoyens
au sens où l'entendait la Constitution. Qui plus est, le juge
sauta sur l'occasion pour donner un arrêt qui accordait aux
esclavagistes ce qu'ils souhaitaient le plus : le droit de
transférer leurs biens meubles - esclaves y compris - dans
n'importe quel territoire des États-Unis, et d'y garder les
esclaves même si la législation de l'État local
ou du Congrès s'y opposait.
[10] Malgré l'interdiction légale du trafic d'esclaves africains, les planteurs sudistes n'en continuaient pas moins à importer ces « biens meubles » après 1808. En dépit de l'absence de statistiques précises, des sources de l'époque montrent que la traite des Noirs était plus importante que jamais. En 1840, on n'envoya pas moins de cent cinquante mille esclaves vers le Nouveau-Monde, contre quarante-cinq mille vers la fin du XVIII° siècle. Évidemment, la plupart étaient destinées aux États-Unis. Au cours des années cinquante, on arma ouvertement des vaisseaux négriers à New York et dans, le Maine; selon le témoignage de Du Bois, quatre-vingt-cinq navires se livraient à ce « trafic illicite ». Pendant ce temps, la Grande-Bretagne et les États-Unis se livraient à des tentatives hypocrites pour faire cesser le trafic d'esclaves en postant quelques navires au large de la côte d'Afrique.
[11]
Quand la loi Kansas-Nebraska fut votée, un groupement
anti-esclavagiste du Nord, dirigé par Thayer, du
Massachusetts, fonda une Société d'Aide aux émigrés.
Celle-ci se proposait d'envoyer au Kansas des sympathisants de la
théorie de la terre libre, pour veiller à ce que ce
territoire entrât dans l'Union, en tant qu'État libre.
Pendant ce temps, les esclavagistes organisèrent des bandes
d'hommes de main recrutés dans la pègre du Missouri
occidental.
Ces bandes envahirent le Kansas en octobre
1854, mais elles furent repoussées. Cependant, elles
revinrent et imposèrent par la terreur l'« élection
» d'un délégué pro-esclavagiste au
Congrès. Dans les mêmes conditions, on élit, en
mars 1855, des magistrats favorables aux esclavagistes, mais les
partisans de la terre libre refusèrent de les reconnaître.
Ils créèrent donc leur propre assemblée,
rédigèrent une constitution et demandèrent à
être admis dans l'Union. Entre-temps, Shannon, valet des
intérêts esclavagistes, fut nommé gouverneur du
territoire. La guerre civile éclata en 1856 : les partisans
de la terre libre (free soilers), conduits par le militant
abolitionniste John Brown, organisèrent des sections
militaires et se mirent à désagréger les forces
esclavagistes. Le gouverneur Shannon fut remplacé par un
partisan plus fougueux de l'esclavagisme, un certain Woodson, qui en
appela à tous les « bons citoyens » pour écraser
l' « insurrection ». De toute évidence, cet appel
s'adressait à la pègre qui, saisissant l'allusion,
envahit de nouveau le Kansas et, cette fois, pilla le pays jusqu'à
Ossawattomie. Les partisans de la terre, libre se dirigèrent
alors sur Lecompton et ne furent empêchés de prendre la
ville que par l'arrivée des troupes fédérales.
Entre-temps, fut nommé un nouveau gouverneur : Geary, de
Pennsylvanie; grâce à une manuvre rapide, il put
repousser les bandits hors du territoire.
[12] En 1856, Frémont, le candidat républicain, recueillit 1341264 voix, et Buchanan, le candidat démocrate, 1 838 169 voix.
[13] En 1850, l'Illinois, l'Indiana, l'Iowa, l'Ohio, le Michigan et le territoire du Minnesota groupaient une population de 4 721 551 âmes. Dix ans plus tard, il y avait 7 773 820 habitants dans cette région.
[14] Dans la Misère de la Philosophie, Marx s'en prend à Proudhon qui, dans toute catégorie économique, s'efforce de séparer le bon côté du mauvais, afin de ne retenir que le bon. Or, dit Marx, « ce qui constitue le mouvement dialectique, c'est précisément la coexistence de deux côtés contradictoires, leur lutte et leur fusion en une catégorie nouvelle : rien qu'à poser le problème d'éliminer le mauvais côté, on coupe court au mouvement dialectique ». C'est ainsi que, dès 1847, Marx montre que la lutte féconde entre l'esclavage et le travail libre donne naissance à une catégorie nouvelle : le travail salarié (libre et forcé), qui permet l'industrialisation à une échelle immense et la lutte pour le socialisme, Cf. Misère de la Philosophie, chap. II, §2, 4° observation.
[15]
Dans le texte publié par la New York Daily Tribune,
nous lisons cette phrase qui contredit directement l'opposition
qu'établit Marx entre l'attitude du Times et du
Reynold's en ce qui concerne Buchanan; « Pour sa part,
Reynold's, durant le séjour de Buchanan à Londres,
était l'un de ses favoris, et depuis lors n'a pas manqué
une. seule occasion pour le mettre sur la sellette et dénoncer
ses adversaires. »
On sait que la New York Tribune ne se
gênait pas pour modifier des passages entiers ou les
supprimer, etc., si bien que Marx dut interrompre sa collaboration à
ce journal progressiste en mars 1862. (N. d. T.)
[16] En ce qui concerne la condamnation du trafic d'esclaves par le Parti républicain, cf. le programme républicain de 1860, neuvième résolution, in : E. Stanwood, A History of President Elections, Boston 1888, p. 230.
[17] Old Bailey, nom donné à la citadelle de la prison de Newgate à Londres, où siégeait le tribunal criminel central.
[18]
Le 16 octobre 1859, John Brown, à la tête d'une
troupe de vingt-deux hommes, dont cinq Noirs, tenta de s'emparer de
l'arsenal fédéral et de l'armurerie de Harper's Ferry
en Virginie, afin de provoquer un soulèvement des esclaves
dont les États esclavagistes.
Le colonel E. Lee, futur chef militaire des
forces sudistes, fit prisonnier John Brown ainsi qu'un certain
nombre de ses hommes. Au milieu de l'agitation populaire, ils furent
jugés pour trahison et déclarés coupables. En
décembre 1859, Brown fut pendu. Le Nord protesta avec
véhémence contre son exécution. Brown
encouragea les Noirs dans leur lutte contre l'esclavage et favorisa
le rassemblement des forces abolitionnistes du Nord.
[19] Cf. J. C. Calhoun, Works, ed. R. K. Crallé (New York 1854), vol. IV, pp. 340, 341, 343.
[20] En juillet 1832, Jackson signa « un tarif systématiquement protectionniste », qui provoqua un large mécontentement en Caroline du Sud. John C. Calhoun cristallisa dans son État le sentiment qu'il fallait annuler le tarif protectionniste et faire sécession. Une session spéciale des magistrats de la Caroline du Sud se réunit et ordonna la convocation d'une assemblée. Celle-ci adopta le 24 novembre 1832 une ordonnance annulant le tarif, appelant les citoyens de l'État à défendre l'indépendance vis-à-vis du pouvoir fédéral et menaçant de faire sécession. Cette ordonnance devait prendre effet à dater de février 1833. Entre-temps, le président Jackson agit en toute hâte. Après avoir annoncé son intention de faire appliquer par la force toutes les lois fédérales en Caroline du Sud, il envoya des troupes et des navires à Charleston. Comme aucun des autres États sudistes ne réagit, la Caroline du Sud plia bientôt. Pour la déclaration de Jackson sur le tarif considéré comme un prétexte pour faire sécession, cf. sa lettre au révérend Andrew J. Crawford, datée du 1er mai 1833, in : A. Jackson, Correspondance, ed. J. S. Bassett and J. F. Jameson, Washington 1931, vol. V, p. 72.
[21] Le tarif Morrill est un droit douanier de caractère protectionniste, présenté au Congrès par le républicain Morrill et adopté en mai 1860. Les taxes douanières augmentèrent sensiblement à la suite de ce tarif. Dès le 4 février, les délégués des six États se concertèrent à Montgomery pour former la Confédération sudiste.