1867

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Le Capital - Livre premier

Le développement de la production capitaliste

Karl MARX

VI° section : Le salaire

Chapitre XX : Le salaire au temps


Le salaire revêt à son tour des formes très variées sur lesquelles les auteurs de traités d'économie, que le fait brutal seul intéresse, ne fournissent aucun éclaircissement. Une exposition de toutes ces formes ne peut évidemment trouver place dans cet ouvrage, c'est l'affaire des traités spéciaux sur le travail salarié. Mais il convient de développer ici les deux formes fondamentales.

La vente de la force de travail a toujours lieu, comme on s'en souvient pour une période de temps déterminée. La forme apparente sous laquelle se présente la valeur soit journalière, hebdomadaire ou annuelle, de la force de travail, est donc en premier lieu celle du salaire au temps, c'est à dire du salaire à la journée, à la semaine, etc.

La somme d'argent [1] que l'ouvrier reçoit pour son travail du jour, de la semaine, etc., forme le montant de son salaire nominal ou estimé en valeur. Mais il est clair que suivant la longueur sa journée ou suivant la quantité de travail livré par lui chaque jour, le même salaire quotidien, hebdomadaire, etc., peut représenter un prix du travail très différent, c'est à dire des sommes d'argent très différentes payées pour un même quantum de travail [2]. Quand il s'agit du salaire au temps, il faut donc distinguer de nouveau entre le montant total du salaire quotidien, hebdomadaire, etc., et le prix du travail. Comment trouver ce dernier ou la valeur monétaire d'un quantum de travail donné ? Le prix moyen du travail s'obtient en divisant la valeur journalière moyenne ne que possède la force de travail par le nombre d'heures que compte en moyenne la journée de travail.

La valeur journalière de la force de travail est elle par exemple de trois francs, valeur produite en six heures, et la journée de travail de douze heures, le prix d'une heure est alors égal à 3/12 = 25 centimes. Le prix ainsi trouvé de l'heure de travail sert d'unité de mesure pour le prix du travail.

Il suit de là que le salaire journalier, le salaire hebdomadaire, etc.., peuvent rester les mêmes, quoique le prix du travail tombe constamment. Si la journée de travail est de dix heures et la valeur journalière de la force de travail de trois francs, alors l'heure de travail est payée à trente centimes. Ce prix tombe à vingt-cinq centimes dès que la journée de travail s'élève à douze heures et à vingt centimes, dès qu'elle s'élève à quinze heures. Le salaire journalier ou hebdomadaire reste malgré cela invariable. Inversement ce salaire peut s'élever quoique le prix du travail reste constant ou même tombe.

Si la journée de travail est de dix heures et la valeur journalière de la force de travail de trois francs, le prix d'une heure de travail sera de trente centimes. L'ouvrier travaille t il douze heures par suite d'un surcroît d'occupation, le prix du travail restant le même, son salaire quotidien s'élève alors à trois francs soixante, sans que le prix du travail varie. Le même résultat pourrait se produire si, au lieu de la grandeur extensive, la grandeur intensive du travail augmentait [3].

Tandis que le salaire nominal à la journée ou à la semaine augmente, le prix du travail peut donc rester le même ou baisser. Il en est de même de la recette de la famille ouvrière dès que le quantum de travail fourni par son chef est augmenté de celui de ses autres membres. On voit que la diminution directe du salaire à la journée ou à la semaine n'est pas la seule méthode pour faire baisser le prix du travail [4]. En général on obtient cette loi : Donné la quantité du travail quotidien ou hebdomadaire, le salaire quotidien ou hebdomadaire dépend du prix du travail, lequel varie lui-même soit avec la valeur de la force ouvrière soit avec ses prix de marché.

Est ce au contraire le prix du travail qui est donné, alors le salaire à la journée ou à la semaine dépend de la quantité du travail quotidien ou hebdomadaire.

L'unité de mesure du salaire au temps, le prix d'une heure de travail, est le quotient qu'on obtient en divisant la valeur journalière de la force de travail par le nombre d'heures de la journée ordinaire. Si celle ci est de douze heures, et qu'il en faille six pour produire la valeur journalière de la force de travail, soit trois francs, l'heure de travail aura un prix de vingt cinq centimes tout en rendant une valeur de cinquante centimes. Si maintenant l'ouvrier est occupé moins de douze heures (ou moins de six jours par semaine), soit huit ou six heures il n'obtiendra avec ce prix du travail que deux francs ou un franc et demi pour salaire de sa journée. Puisqu'il doit travailler six heures par jour moyen simplement pour produire un salaire correspondant à la valeur de sa force de travail, ou, ce qui revient au même, à la valeur de ses subsistances nécessaires, et qu'il travaille dans chaque heure, une demi heure pour lui même et une demi heure pour le capitaliste, il est clair qu'il lui est impossible d'empocher son salaire normal dont il produit la valeur en six heures, quand son occupation dure moins de douze heures.

De même qu'on a déjà constaté les suites funestes de l'excès de travail, de même on découvre ici la source des maux qui résultent pour l'ouvrier d'une occupation insuffisante [5].

Le salaire à l'heure est il ainsi réglé que le capitaliste ne s'engage à payer que les heures de la journée où il donnera de la besogne, il peut dès lors occuper ses gens moins que le temps qui orginairement sert de base au salaire à l'heure, l'unité de mesure pour le prix du travail. Comme cette mesure est déterminée par la proportion :

(Valeur journalière de la force de travail) / (Journée de travail d'un nombre d'heures donné)

elle perd naturellement tout sens, dès que la journée de travail cesse de compter un nombre d'heures déterminé. Il n'y a plus de rapport entre le temps de travail payé et celui qui ne l'est pas. Le capitaliste peut maintenant extorquer à l'ouvrier un certain quantum de surtravail, sans lui accorder le temps de travail nécessaire à son entretien. Il peut anéantir toute régularité d'occupation et faire alterner arbitrairement, suivant sa commodité et ses intérêts du moment, le plus énorme excès de travail avec un chômage partiel ou complet. Il peut sous le prétexte de payer le « prix normal du travail » prolonger démesurément la journée sans accorder au travailleur la moindre compensation. Telle fut en 1860 l'origine de la révolte parfaitement légitime des ouvriers en bâtiment de Londres contre la tentative des capitalistes pour imposer ce genre de salaire. La limitation légale de la journée de travail suffit pour mettre un terme à de semblables scandales; mais il n'en est pas de même naturellement du chômage causé par la concurrence des machines, par la substitution du travail inhabile au travail habile, des enfants et des femmes aux hommes, etc., enfin par des crises partielles ou générales.

Le prix du travail peut rester nominalement constant et néanmoins tomber au dessous de son niveau normal, bien que le salaire à la journée ou à la semaine s'élève. Ceci a lieu toutes les fois que la journée est prolongée au delà de sa durée ordinaire, en même temps que l'heure de travail ne change pas de prix. Si dans la fraction

(Valeur journalière de la force de travail) / (Journée de travail)

le dénominateur augmente, le numérateur augmente plus rapidement encore. La valeur de la force de travail, en raison de son usure, croit avec la durée de sa fonction et même en proportion plus rapide que l'incrément de cette durée.

Dans beaucoup de branches d'industrie où le salaire au temps prédomine sans limitation légale de la journée, il est passé peu à peu en habitude de compter comme normale (« normal working day », « the day's work », « the regular hours of work »), une part de de la journée qui ne dure qu'un certain nombre d'heures, par exemple, dix. Au delà, commence le temps de travail supplémentaire (overtime), lequel, en prenant l'heure pour unité de mesure, est mieux payé (extra pay), quoique souvent dans une proportion ridiculement petite [6]. La journée normale existe ici comme fragment de la journée réelle, et celle-ci reste souvent pendant toute l'année plus longue que celle là [7]. Dans différentes industries anglaises, l'accroissement du prix du travail à mesure que la journée se prolonge au delà d'une limite fixée amène ce résultat que l'ouvrier qui veut obtenir un salaire suffisant est contraint, par l'infériorité du prix du travail pendant le temps soi disant normal, de travailler pendant le temps supplémentaire et mieux payé [8]. La limitation légale de la journée met fin à cette jonglerie [9].

C'est un fait notoire que plus longue est la journée de travail dans une branche d'industrie, plus bas y est le salaire [10] L'inspecteur de fabrique A. Redgrave en donne une démonstration par une revue comparative de différentes industries pendant la période de 1839 à 1859. On y voit que le salaire a monté dans les fabriques soumises à la loi des dix heures, tandis qu'il a baissé dans celles où le travail quotidien dure de quatorze à quinze heures [11].

Nous avons établi plus haut que la somme du salaire quotidien ou hebdomadaire dépend de la quantité de travail fournie, le prix du travail étant donné. Il en résulte que plus bas est ce prix, plus grande doit être la quantité de travail ou la journée de travail, pour que l'ouvrier puisse s'assurer même un salaire moyen insuffisant. Si le prix de travail est de douze centimes, c'est à dire si l'heure est payée à ce taux, l'ouvrier doit travailler treize heures et un tiers par jour pour obtenir un salaire quotidien de un franc soixante. Si le prix de travail est de vingt-cinq centimes une journée de douze heures lui suffit pour se procurer un salaire quotidien de trois francs. Le bas prix du travail agit donc comme stimulant pour la prolongation du temps de travail [12].

Mais si la prolongation de la journée est ainsi l'effet naturel du bas prix du travail, elle peut, de son côté, devenir la cause d'une baisse dans le prix du travail et par là dans le salaire quotidien ou hebdomadaire.

La détermination du prix du travail par la fraction

(Valeur journalière de la force de travail) / (Journée de travail d'un nombre d'heures donné)

démontre qu'une simple prolongation de la journée fait réellement baisser le prix du travail, même si son taux nominal n'est pas rabaissé. Mais les mêmes circonstances qui permettent au capitaliste de prolonger la journée lui permettent d'abord et le forcent ensuite de réduire même le prix nominal du travail jusqu'à ce que baisse le prix total du nombre d'heures augmenté et, par conséquent, le salaire à la journée ou à la semaine. Si, grâce à la prolongation de la journée, un homme exécute l'ouvrage de deux, l'offre du travail augmente, quoique l'offre de forces de travail, c'est à dire le nombre des ouvriers qui se trouvent sur le marché, reste constante. La concurrence ainsi créée entre les ouvriers permet au capitaliste de réduire le prix du travail, dont la baisse, à son tour, lui permet de reculer encore plus loin la limite de la journée [13]. Il profite donc doublement, et des retenues sur le prix ordinaire du travail et de sa durée extraordinaire. Cependant, dans les industries particulières où la plus-value s'élève ainsi au dessus du taux moyen, ce pouvoir de disposer d'une quantité anormale de travail non payé, devient bientôt un moyen de concurrence entre les capitalistes eux mêmes. Le prix des marchandises renferme le prix du travail. La partie non payée de celui-ci peut donc être éliminée par le capitaliste du prix de vente de ses marchandises; il peut en faire cadeau à l'acheteur. Tel est le premier pas auquel la concurrence l'entraîne. Le second pas qu'elle le contraint de faire consiste à éliminer également du prix de vente des marchandises au moins une partie de la plus-value anormale due à l'excès de travail. C'est de cette manière que pour les produits des industries où ce mouvement a lieu, s'établit peu à peu et se fixe enfin un prix de vente d'une vileté anormale, lequel devient à partir de ce moment la base constante d'un salaire misérable, dont la grandeur est en raison inverse à celle du travail. Cette simple indication suffit ici où il ne s'agit pas de faire l'analyse de la concurrence. Il convient cependant de donner un instant la parole au capitaliste lui-même.

« A Birmingham, la concurrence entre les patrons est telle que plus d'un parmi nous est forcé de faire comme entrepreneur ce qu'il rougirait de faire autrement; et néanmoins on n'en gagne pas plus d'argent (and yet no more money is made), c'est le public seul qui en recueille tout l'avantage [14]. » On se souvient qu'il y a à Londres deux sortes de boulangers, les uns qui vendent le pain à son prix entier (the « fullpriced » bakers), les autres qui le vendent au dessous de son prix normal (the «underpriced », the undersellers). Les premiers dénoncent leurs concurrents devant la commission parlementaire d'enquête :

« Ils ne peuvent exister, disent ils, premièrement, qu'en trompant le public (en falsifiant le pain), et, secondement, qu'en arrachant aux pauvres diables qu'ils emploient dix-huit heures de travail pour un salaire de douze... Le travail non payé (the unpaid labour) des ouvriers, tel est le moyen qui leur permet d'entretenir la lutte... Cette concurrence entre les maitres boulangers est la cause des difficultés que rencontre la suppression du travail de nuit. Un sous vendeur vend le pain au-dessous du prix réel, qui varie avec celui de la farine, et se dédommage en extorquant de ses gens plus de travail. Si je ne tire de mes gens que douze heures de travail, tandis que mon voisin en tire dix-huit ou vingt des siens, je serai battu par lui sur le prix de la marchandise. Si la ouvriers pouvaient se faire payer le temps supplémentaire, on verrait bien vite la fin de cette manœuvre... Une grande part de des gens employés par les sous vendeurs se compose d'étrangers, de jeunes garçons et autres individus qui sont forcés de se contenter de n'importe quel salaire [15]. »

Cette jérémiade est surtout intéressante en ce qu'elle fait voir que l'apparence seule des rapports de production se reflète dans le cerveau du capitaliste. Il ne sait pas que le soi disant prix normal du travail contient aussi un certain quantum de travail non payé, et que c'est précisément ce travail non payé qui est la source de son gain normal. Le temps de surtravail n'existe pas pour lui, car il est compris dans la journée normale qu'il croit payer avec le salaire quotidien. Il admet cependant un temps supplémentaire qu'il calcule d'après la prolongation de la journée au delà de la limite correspondant au prix ordinaire du travail. Vis-à-vis du sous vendeur, son concurrent, il insiste même pour que ce temps soit payé plus cher (extra pay). Mais ici encore, il ignore que ce surplus de prix renferme tout aussi bien du travail non payé que le prix ordinaire de l'heure de travail. Mettons, par exemple, que pour la journée ordinaire de douze heures, l'heure soit payée à vingt-cinq centimes, valeur produite en une demi heure de travail, et que pour chaque heure au delà de la journée ordinaire, la paye s'élève à trente-trois centimes un tiers. Dans le premier cas, le capitaliste s'approprie, sans payement, une moitié, et dans le second, un tiers de l'heure de travail.


Notes

[1] La valeur de l'argent est ici toujours supposée constante.

[2] « Le prix du travail est la somme payée pour une quantité donnée de travail. » (Sir Edward West: « Price of Corn and Wages of Labour ». Lond., 1826, p. 67.) Ce West est l'auteur d'un écrit anonyme, qui a fait époque dans l'histoire l'économie politique : «  Essay on the Application of Capital to Land. By a fellow of Univ. College of Oxford. Lond., 1815. »

[3] « Le salaire du travail dépend du prix du travail et de la quantité du travail accompli… Une élévation des salaires n'implique pas nécessairement une augmentation des prix du travail. Les salaires peuvent considérablement croître par suite d'une plus grande abondance de besogne, sans que le prix du travail change. » (West, l. c., p.67, 68 et 112.) Quant à la question principale : Comment détermine t on le prix du travail ? West s'en tire avec des banalités.

[4] Ceci n'échappe point au représentant le plus fanatique de la bourgeoisie industrielle du XVIII° siècle, l'auteur souvent cité de l'Essay on Trade and Commerce. Il est vrai qu'il expose la chose d'une manière confuse. « C'est la quantité du travail, dit il, et non son prix (le salaire nominal du jour ou de la semaine), qui est déterminée par le prix des provisions et autres nécessités; réduisez le prix des choses nécessaires, et naturellement vous réduisez la quantité du travail en proportion... Les maîtres manufacturiers savent qu'il est diverses manières d'élever et d'abaisser le prix du travail, sans s'attaquer à son montant nominal. » (L.c., p. 48 et 61.) N. W. Senior dit entre autres dans ses «  Three Lectures on the Rate of Wages », où il met à profit l'écrit de West sans le citer : « Le travailleur est surtout intéressé au montant de son salaire » (p. 14). Ainsi, ce qui intéresse principalement le travailleur c'est ce qu'il reçoit, le montant nominal du salaire, et non ce qu'il donne, la quantité du travail !

[5] L'effet de cette insuffisance anormale de besogne est complètement différent de celui qui résulte d'une réduction générale de la journée de travail. Le premier n'a rien à faire avec la longueur absolue de la journée de travail, et peut tout aussi bien se produire avec une journée de quinze heures qu'avec une journée de six. Dans le premier cas, le prix normal du travail est calculé sur cette donnée que l'ouvrier travaille quinze heures, dans le second sur cette autre qu'il en travaille six chaque jour en moyenne. L'effet reste donc le même, si dans un cas il ne travaille que sept heures et demie et dans l'autre que trois heures.

[6] Le surplus de la paye pour le temps supplémentaire (dans la manufacture de dentelles) est tellement petit, un demi penny, etc., par heure, qu'il forme le plus pénible contraste avec le préjudice énorme qu'il cause à la santé et à la force vitale des travailleurs... Le petit supplément gagné en outre de cette manière doit être fort souvent dépensé en rafraîchissements extra. » (Child. Empl. Rep., p. XVI, n. 117.)

[7] Il en était ainsi dans la fabrique de teintures avant l'introduction du Factory Act. « Nous travaillons sans pause pour les repas, si bien que la besogne de la journée de dix heures et demie est terminée vers 4 h 30 de l'après-midi. Tout le reste est temps supplémentaire qui cesse rarement avant 8 heures du soir, de sorte qu'en réalité nous travaillons l'année entière sans perdre une miette du temps extra. » (Mr. Smith's Evidence dans Child. Empl. Comm. I, Rep., p. 125)

[8] Dans les blanchisseries écossaises par exemple. « Dans quelques parties de l'Écosse, cette industrie était exploitée (avant l'introduction de l'acte de fabrique en 1862) d'après le système du temps supplémentaire, c'est à dire que dix heures comptaient pour une journée de travail normale dont l'heure était payée deux pence. Chaque journée avait un supplément de trois ou quatre heures, payé à raison de trois pence l'heure. Conséquence de ce système : un homme qui ne travaillait que le temps normal, ne pouvait gagner par semaine que huit shillings, salaire insuffisant. » (Reports of Insp. of Fact. 30 th. april 1863, p. 10.) « La paye extra pour le temps extraordinaire est une tentation à laquelle les ouvriers ne peuvent résister. » (Rep. of Insp. of Fact. 30 th. april 1848, p. 5.) Les ateliers de reliure de livres dans la cité de Londres emploient un grand nombre de jeunes filles de quatorze à quinze ans et, à vrai dire, sous la garantie du contrat d’apprentissage, qui prescrit des heures de travail déterminées. Elles n'en travaillent pas moins dans la dernière semaine de chaque mois jusqu'à 10, 11 heures, même jusqu'à minuit et 1 heure du matin, avec les ouvriers plus âgés, en compagnie très mêlée. Les maîtres les tentent (tempt) par l'appât d'un salaire extra et de quelque argent pour un bon repas de nuit, qu'elles prennent dans les tavernes du voisinage. La débauche et le libertinage ainsi produits parmi ces « young immortals » (Child Empl. Comm. V. Rep., p. 44, n. 191), sont sans doute compensés par ce fait qu'elles relient un grand nombre de bibles et de livres de piété.

[9] Voy. Reports of Insp. of Fact. 30 th. april 1863, l.c. Les ouvriers de Londres employés au bâtiment appréciaient fort bien l'état des choses, quand ils déclarèrent dans la grande grève et Iockout de 1861, qu'ils n'accepteraient le salaire à l'heure qu'aux deux conditions suivantes : 1° qu'on établît en même temps que le prix de l'heure de travail, une journée de travail normale de neuf ou de dix heures, le prix de l'heure de cette dernière journée, devant être supérieur à celui de la première; 2° chaque heure en plus de la journée normale serait proportionnellement payée davantage.

[10] « C'est une chose remarquable que là où les longues heures sont de règle, les petits salaires le sont aussi. » (Rep. of Insp. of Fact. 31 st. oct. 1863, p. 9.) « Le travail qui ne gagne qu'une maigre pitance est presque toujours excessivement prolongé. » (Public Health, Sixth Report, 1864, p. 15.)

[11] Rep. of Insp. of Fact. 30 th. april 1860, p. 31, 32.

[12] Les cloutiers anglais à la main sont obligés, par exemple, à cause du bas prix de leur travail, de travailler quinze heures par jour, pour obtenir au bout de la semaine le plus misérable salaire. « Il y a beaucoup, beaucoup d'heures dans la journée, et pendant tout ce temps, il leur faut trimer dur pour attraper onze pence ou un shilling, et de plus il faut en déduire de deux et demi à trois pence pour l'usure des outils, le combustible, le déchet du fer. » (Child Empl. Comm. III, Rep., p. 136, n. 671.) Les femmes, pour le même temps de travail ne gagnent que cinq shillings par semaine. (L. c., p. 137, n. 674.)

[13] « Si, par exemple, un ouvrier de fabrique se refusait à travailler le nombre d'heures passé en usage, il serait bientôt remplacé par un autre qui travaillerait n'importe quel temps, et mis ainsi hors d'emploi. » (Rep. of insp. of Fact. 31 oct. 1848.   Evidence, p. 39, n. 58.) « Si un homme fait le travail de deux… le taux du profit s'élèvera généralement... l'offre additionnelle de travail en ayant fait diminuer le prix. » (Senior, l. c., p. 14.)

[14] Child. Empl. Comm. III, Rep. Evidence, p. 66, n. 22.

[15] Reports, etc., relative to the Grievances complained of by the journeymen bakers. Lond., 1862, p. LII et Evidence, p. 479, 359, 27. Comme il en a été fait mention plus haut et comme l'avoue lui-même leur porte parole Bennett, les boulangers full priced font aussi commencer le travail de leurs gens à 11 heures du soir ou plus tôt, et le prolongent souvent jusqu'à 7 heures du soir du lendemain. (L. c., p. 27.)


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