1865 |
Une publication effectuée en collaboration avec la bibliothèque de sciences sociales de l'Université de Québec.
|
Téléchargement fichier winzip (compressé) : cliquer sur le format de contenu désiré |
|
Nous supposons que le coût de production reste constant, c'est-à-dire que le prix du marché ne cesse d'être réglé par la productivité du capital avancé pour la plus mauvaise terre A. Les cas suivants peuvent se présenter :
1. L'avance additionnelle de capital faite pour les terres à rente, B,C,D, ne produit que ce que donne la même avance sur la terre A, c'est-à-dire ne rapporte que le profit moyen et ne fournit pas de surprofit. Dans ces conditions, l'avance n'a aucune influence sur la rente, et les choses se passent comme si à l'étendue déjà cultivée on ajoutait un nombre déterminé d'acres de la catégorie A.
2. Les avances additionnelles accroissent le rendement de chaque terre proportionnellement à leur importance, c'est-à-dire que pour chaque terre l'augmentation de la production est en raison de la fertilité du sol et de la grandeur de l'avance de capital.
Dans le chapitre XXXIX, nous sommes partis du tableau suivant :
Classes |
Acres |
Capital |
Profit |
Frais de production |
Produit |
Prix de vente |
Rapport |
Rente |
Taux de surprofit |
|
£ |
£ |
£ |
Quarter |
£ |
£ |
Quarter |
£ |
% |
||
A | 1 | 2 ½ | ½ | 3 | 1 | 3 | 3 | 0 | 0 | 0 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
B | 1 | 2 ½ | ½ | 3 | 2 | 3 | 6 | 1 | 3 | 120 |
C | 1 | 2 ½ | ½ | 3 | 3 | 3 | 9 | 2 | 6 | 240 |
D | 1 | 2 ½ | ½ | 3 | 4 | 3 | 12 | 3 | 9 | 360 |
Total | 4 | 10 | 12 | 10 | 30 | 6 | 18 |
Ce tableau se modifie maintenant comme suit :
Classes |
Acres |
Capital |
Profit |
Frais de production |
Produit |
Prix de vente |
Rapport |
Rente |
Taux de surprofit |
|
£ |
£ |
£ |
Quarter |
£ |
£ |
Quarter |
£ |
% |
||
A | 1 | 2 ½ + 2 ½ = 5 | 1 | 6 | 2 | 3 | 6 | 0 | 0 | 0 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
B | 1 | 2 ½ + 2 ½ = 5 | 1 | 6 | 4 | 3 | 12 | 2 | 6 | 120 |
C | 1 | 2 ½ + 2 ½ = 5 | 1 | 6 | 6 | 3 | 18 | 4 | 12 | 240 |
D | 1 | 2 ½ + 2 ½ = 5 | 1 | 6 | 8 | 3 | 24 | 6 | 18 | 360 |
Total | 4 | 20 | 24 | 20 | 60 | 12 | 36 |
Il n’est pas indispensable que l'avance de capital devienne deux fois plus grande, comme le tableau l'indique, pour toutes les catégories de terres. La loi se vérifie dès qu'une avance de capital, quelle qu'en soit la grandeur, est faite pour une ou plusieurs des terres à rente, à, condition toutefois que la production augmente chaque fois proportionnellement à l'avance. La rente ne devient plus grande que parce que l'avance de capital devient plus importante et elle s'accroît proportionnellement a l'augmentation de cette avance. Les choses se passent comme si de plus grandes étendues de terres à rente étaient mises en culture, avec des avances de capital égales à celles appliquées en premier lieu, c'est-à-dire que dans le tableau Il le résultat resterait le même si l'avance additionnelle de 2 ½ 2 £ se faisait pour un deuxième acre de chacune des terres B,C et D.
Notre hypothèse suppose donc, non pas une application plus productive du capital, mais l'application de plus de capital sur les mêmes surfaces, avec le même succès que précédemment.
Tous les rapports restent les mêmes. Si au lieu d'envisager les différences proportionnelles on partait des différences arithmétiques, on pourrait constater des variations de la rente différentielle pour les différentes catégories de terres. C'est ainsi, par exemple, que si une avance additionnelle de capital était faite seulement pour les terres B et D, la différence de D par rapport à A serait de 7 quarters au lieu de 3, celle de B par rapport à A, de 3 quarters au lieu de 1, celle de C par rapport à B, de 1 quarter au lieu de -1, etc. Ces différences arithmétiques, qui sont décisives pour la rente différentielle I, puisqu'elles représentent les inégalités des productivités pour des avances égales de capital, n'ont aucune importance dans ce cas, parce qu'elles résultent d'avances additionnelles de capital qui ont été faites pour certaines terres seulement, les différences restant les mêmes pour les mêmes avances.
3. Les avances additionnelles augmentent la production et créent des surprofits, dont les taux vont décroissant mais pas proportionnellement à l'augmentation des surprofits.
Classes |
Acres |
Capital |
Profit |
Frais de production |
Produit |
Prix de vente |
Rapport |
Rente |
Taux de surprofit |
|
£ |
£ |
£ |
Quarter |
£ |
£ |
Quarter |
£ |
% |
||
A | 1 | 2 ½ | ½ | 3 | 1 | 3 | 3 | 0 | 0 | 0 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
B | 1 | 2 ½ + 2 ½ = 5 | 1 | 6 | 4 | 3 | 12 | 2 | 6 | 120 |
C | 1 | 2 ½ + 2 ½ = 5 | 1 | 6 | 6 | 3 | 18 | 4 | 12 | 240 |
D | 1 | 2 ½ + 2 ½ = 5 | 1 | 6 | 8 | 3 | 24 | 6 | 18 | 360 |
Total | 4 | 17 ½ | 3 ½ | 21 | 17 | 51 | 12 | 30 |
Dans ce cas encore il est sans importance que les avances additionnelles soient faites également ou inégalement pour les différentes terres, et que les diminutions du surprofit se fassent ou ne se fassent pas d'après une proportion invariable ; la seule condition indispensable est que les avances additionnelles donnent un surprofit pour n'importe quelle terre à Petite sur laquelle on les applique et que ce surprofit décroisse à mesure que l'avance augmente. Dans l'exemple figuré dans notre tableau la diminution du surprofit peut se faire de 4 quarters = 12 £ (Ia production qui, sur la meilleure terre D, est donnée par la première avance de capital), à 1 quarter = 3 £ (le produit obtenu sur la terre la plus mauvaise A par la même avance de capital). Les choses se passent comme si aux terres cultivées s'en ajoutaient d'autres moins fertiles que D et plus fertiles que A. Si les avances additionnelles étaient appliquées exclusivement à D, le surprofit pourrait être limité d'abord par la différence entre D et A, puis par la différence entre D et B, puis par celle entre D et C ; si les avances successives étaient reportées entièrement sur la terre C, les différences à considérer seraient celles entre C et A et C et B ; enfin si elles étaient appliquées à la terre B, la différence entre B et A serait la seule à envisager.
La loi est la suivante : la rente augmente d'une manière absolue pour toutes les catégories de terres, mais elle n'augmente pas en proportion des avances additionnelles de capital.
Le taux du surprofit, soit par rapport au capital additionnel, soit par rapport au capital total, diminue pendant que la grandeur absolue du surprofit augmente, de même que dans la plupart des cas le taux du profit diminue pour le capital en général à mesure que la grandeur absolue du profit s'accroît. C'est ainsi qu'après l'avance additionnelle le surprofit moyen représente 90 % du capital pour la terre B, alors qu'il était de 120 % après la première avance ; en valeur absolue, ce surprofit qui était de 1 quarter = 3 £ après l'avance primitive, est devenu 1 ½ quarter = 4 ½ £ après l'avance additionnelle. La rente totale a donc augmenté également en valeur absolue. Des variations peuvent intervenir dans les différences entre les rentes des différentes terres ; ces variations sont la conséquence et non la cause de l'accroissement d'une rente par rapport à une autre.
4. Sur les meilleures terres, la production correspondant aux avances additionnelles est plus grande que celle obtenue par la première avance. Ce cas ne demande pas à être analysé de près. Il va de soi que les rentes par acre doivent augmenter dans une proportion plus grande que l'avance de capital, quelle que soit la catégorie de terre pour laquelle cette avance est faite. Cette dernière comporte par conséquent une amélioration du sol, et il peut arriver qu'une avance additionnelle moindre que l'avance primitive ait le même effet ou plus d'effet que celle-ci. Cependant les deux cas, faire une avance additionnelle égale à l'avance primitive et faire une avance additionnelle moindre que l'avance primitive, la, productivité de l'avance additionnelle étant plus grande dans les deux cas que celle de l'avance primitive, ne sont pas identiques. Lorsque, par exemple, une avance de 100 donne un profit de 10 et une avance de 200, appliquée dans les mêmes conditions, un profit de 40, il y a augmentation du profit; celui-ci passe du taux de 10 % au taux de 20 %, et à ce point de vue les choses se déroulent de la même manière que lorsqu'un capital de 50 qui donnait 5, produit 10 quand il est appliqué d'une manière plus fructueuse. Seulement, dans l'un des cas, le capital doit être doublé tandis que, dans l'autre, c'est le résultat qui double pour le même capital. Les choses ne sont évidemment pas identiques suivant qu'on obtient le même produit que précédemment avec moitié moins de travail vivant ou matérialisé, ou que le même travail fournit un produit double, ou encore que d'un travail double on retire un produit quatre fois plus considérable. Dans le premier cas, du travail matérialisé et vivant devient disponible et peut être affecté à une autre production. Il y a donc augmentation de la richesse et l'effet est le même que si du capital avait été obtenu par accumulation, mais par accumulation réalisée sans dépense de travail.
Supposons qu'un capital de 100 produise 10 mètres, la somme de 100 comprenant le capital constant, le travail vivant et le profit. Le prix du mètre est donc de 10. Si avec le même capital on peut produire 20 mètres, le prix du mètre ne sera plus que de 5. Mais si avec un capital de 50 on petit fabriquer 10 mètres, le prix sera également diminué de moitié et un capital de 50 deviendra disponible. Enfin, le prix du mètre sera également de 5, si pour produire 40 mètres on doit appliquer un capital de 200. Ni le prix, ni la valeur, ni l'avance de capital par unité de produit ne permettent de différencier ces trois cas. Cependant, dans le premier, il faut moins de capital que dans la production primitive ; dans le second, on serait dispensé d'avoir recours à du capital additionnel s'il fallait produire deux fois plus ; dans le troisième, on a dû faire une avance de capital plus grande pour obtenir plus de produits, mais l'augmentation de l'avance n'a pas dû être faite dans la même proportion que si l’on avait continué à produire dans les conditions de la production initiale. (A rapprocher de l'hypothèse I.)
La mise en œuvre de capital constant est toujours moins coûteuse que celle de capital variable, si l'on se place au point de vue de la production capitaliste et que l'on considère, non l'augmentation de la plus-value, mais la diminution du prix de revient. (Une économie de travail - bien que le travail crée la plus-value - augmente le profit du capitaliste tant que le coût de production reste le même). Cette conclusion suppose nécessaire ment le développement du crédit et l'abondance du capital empruntable, c'est-à-dire les conditions inhérentes à la production capitaliste. Le produit du travail annuel de 5 ouvriers étant de 100 £, je ferai une avance additionnelle de 100 £, d'un côté sous forme de capital constant, de l’autre sous forme de capital variable. Le taux de la plus-value étant de 100 %, la valeur créée par les 5 ouvriers sera de 200 £ ; par contre la valeur de 100 £ de capital constant est de 100 £ et peut être de 105 £ comme capital, si le taux de l'intérêt est de 5 %. Les mêmes sommes d'argent, suivant qu’elles sont avancées dans la production comme capital constant ou comme capital variable, expriment des valeurs très différentes lorsqu'on les considère dans les produits qu'elles engendrent. En outre, en ce qui concerne les coûts des marchandises au point de vue du capitaliste, il y a encore cette différence qu'alors que les 100 £ dépensées en salaires sont reproduites entièrement par la valeur de la marchandise, n'est que l'usure des 100 de capital constant qui passe dans le produit, pour autant que tout le capital constant soit appliqué sous forme de capital fixe.
Pour les colonisateurs et en général pour les petits producteurs qui opèrent sans capital ou avec un capital grevé d'intérêts énormes, la partie du produit qui représente le salaire constitue leur revenu, alors que pour les capitalistes cette partie est une avance de capital. Pour les premiers, l'avance pour le travail est une condition indispensable pour recueillir le produit de celui-ci, produit qui les intéresse avant tout, le surtravail étant réalisé par eux sous forme de surproduits, lesquels, lorsqu'ils sont vendus ou réutilisés, sont considérés comme n'ayant rien coûté. Il en est tout autrement d'une avance pour du travail matérialisé, qui représente à leurs yeux une aliénation de richesse. Ces petits producteurs cherchent naturellement à vendre aussi cher que possible, bien que la vente au-dessous de la valeur et du coût de production capitaliste leur rapporte encore un profit, à moins que celui-ci ne soit mangé d'avance par les dettes, l'hypothèque, etc. Pour les capitalistes au contraire, la dépense sous forme de capital variable est une avance de capital au même titre que la dépense sous forme de capital constant, et plus cette dernière est grande relativement à l'autre, plus diminuent, toutes circonstances égales, le coût de production et la valeur de la marchandise. Bien que le profit soit engendré exclusivement par la plus-value et découle uniquement de l'application de capital variable, le capitaliste peut avoir cette impression que le travail vivant représente la partie la plus onéreuse de ses frais de production, l'élément dont il importe le plus de réduire l'importance. Il s'agit là d'une de ces illusions dont sont victimes ceux qui observent les choses par le prisme de la concurrence et qui ne voient pas que la prépondérance de l'application du travail matérialisé par rapport à celle du travail vivant est l'expression d'un accroissement de la productivité du travail social et d'une extension de la richesse.
Dans l'hypothèse que le coût de production reste constant, les avances additionnelles de capital, que la productivité augmente, diminue ou soit invariable, peuvent être faites pour toutes les terres meilleures que la plus mauvaise, par conséquent, pour toutes les terres à partir de B. Ces avances pourraient même être faites pour A, soit qu'il n'en résulte aucune augmentation de la productivité, cas dans lequel la terre continuerait à ne pas donner de rente, soit que la productivité devienne plus grande, ce qui aurait pour conséquence de faire rapporter une rente par une partie du capital avancé pour la terre A. Ces avances seraient impossibles s'il y avait diminution de la productivité de A, car, dans ce cas, le coût de production cesserait de rester constant et hausserait. Que le surproduit soit directement proportionnel ou non à l'avance additionnelle, c'est-à-dire que le taux du surprofit reste constant ou varie en plus ou en moins lorsque l'avance de capital augmente, on constate un accroissement du surproduit et du surprofit par acre et, par conséquent, la possibilité d'un accroissement de la rente en blé ou en argent. La hausse de la rente par acre a donc uniquement pour cause l'augmentation du capital avancé pour la terre, et cette hausse se produit alors que le coût de production reste constant, c'est-à-dire quelle que soit la productivité de l'avance additionnelle par rapport à l'avance primitive, qu'elle soit égale à cette dernière, plus grande ou plus petite. (L'importance de la hausse varie évidemment en raison de la productivité du capital additionnel.) Ce phénomène est caractéristique pour la rente différentielle Il et la distingue de la rente différentielle I. En effet, si, au lieu d'être faites dans le temps, successivement l'une après l'autre pour les mêmes terres, les avances additionnelles de capital étaient faites dans l'espace, pour de nouvelles terres de même qualité que celles en culture, on aurait, il est vrai, une augmentation de la rente totale et de la rente moyenne pour toute l'étendue cultivée, mais il n'en résulterait pas un accroissement de la rente par acre. Si le résultat est le même au point de vue de la masse et de la valeur de l'ensemble de la production et du surproduit, tant pour la concentration des avances sur des étendues étroites que pour leur éparpillement sur de grandes surfaces, le premier système a pour effet d'augmenter la rente par acre, ce qui n’est pas obtenu par le second. Or, le développement du système de la production capitaliste pousse a l'extension de la concentration du capital sur les mêmes étendues de terre en culture et par conséquent à la hausse de la rente par acre. De deux pays, ayant les mêmes coûts de production, présentant les mêmes différences entre les terres qui y sont cultivées, faisant pour ces dernières les mêmes avances de capitaux, mais dont l'un applique le capital par voie intensive et l'autre par voie extensive, le premier se distinguera, du second en ce que la rente par acre et par conséquent le prix de la terre y seront plus élevés, bien que la rente totale soit la même dans les deux. La différence aura pour cause, non des différences entre les fertilités naturelles des terres où les dépenses de travail, mais uniquement la différence entre les manières d'appliquer le capital.
Lorsque nous parlons ici de surproduit, nous entendons désigner la fraction du produit qui représente le surprofit et non pas, comme il nous arrive de le faire, la fraction du produit qui représente toute la plus-value ou même le profit moyen. La signification spéciale qui doit être attribuée à l'expression lorsqu'il s'agit du capital produisant de la rente peut donner lieu à des malentendus, ainsi que nous l'avons déjà dit.
|