1870 |
Une lettre de Marx sur la Commune de Paris... et l'activité de Bakounine. |
Lettre au professeur E.S. Beesly
19 octobre 1870
Deak est contre les ouvriers. Il est, en fait, une édition hongroise d'un whig anglais.
En ce qui concerne Lyon, j'ai reçu des lettres qui ne sont pas destinées à la publication. Tout d'abord, tout a bien été. Sous la pression de la section de l'Internationale, la république a été proclamée avant que Paris ait pris cette mesure. Un gouvernement révolutionnaire a été immédiatement établi : la Commune, composée en partie d'ouvriers appartenant à l'Internationale, en partie de républicains radicaux bourgeois. Les octrois ont été immédiatement abolis, et à juste titre. Les intrigants bonapartistes et cléricaux furent intimidés. Des mesures énergiques furent prises pour armer toute la population. La bourgeoisie a commencé, sinon à sympathiser réellement avec le nouvel ordre de choses, du moins à le subir en silence. L'action de Lyon a eu immédiatement du retentissement à Marseille et Toulouse, où les sections de l'Internationale sont fortes.
Mais ces ânes de Bakounine et de Cluseret sont arrivés à Lyon et ont tout gâté. Appartenant tous les deux à l'Internationale, ils ont eu, malheureusement, assez d'influence pour fourvoyer nos amis. L'Hôtel de ville a été pris - pour de courts instants - et les décrets les plus fous ont été lancés touchant l'abolition de l'État et des stupidités analogues. Vous comprenez que le fait même qu'un Russe - représenté par les journaux de la bourgeoisie comme un agent de Bismarck - vînt prétendre à s'imposer comme le chef d'un comité du salut de la France était tout à fait suffisant pour faire tourner l'opinion publique. Quant à Cluseret, il s'est conduit à la fois comme un idiot et comme un lâche. Ces deux hommes ont quitté Lyon après leur échec.
A Rouen, comme dans la plupart des autres villes industrielles de France, les sections de l'Internationale, suivant l'exemple de Lyon, ont imposé l'admission officielle de l'élément ouvrier dans les « comités de défense ».
Toutefois, je dois vous dire que, d'après toutes les informations que j'ai reçues de France, la bourgeoisie dans son ensemble préfère la conquête prussienne à la victoire d'une république à tendances socialistes.
Fidèlement à vous,
KARL MARX.
Je vous envoie un exemplaire du New York Tribune que j'ai reçu hier. Vous m'obligerez en me le renvoyant après usage. Il contient un article sur l'Internationale, de la plume de je ne sais qui, mais à considérer le style et la manière, M. Dana peut en être l'auteur.
Je fais suivre aussi trois exemplaires de La Défense nationale, que Lafargue vous envoie avec ses compliments.