1920 |
Cette lettre ne parviendra pas à Trotsky mais tombera dans les mains de la police et sera utilisée contre Monatte, arrêté pour complot le 3 mai 1920. |
Téléchargement fichier winzip (compressé) : cliquer sur le format de contenu désiré |
|
13 mars 1920
Cher ami,
Je confie, à tout hasard, ce mot rapide à un camarade américain [1]. Vous parviendra-t-il ? Je le souhaite ardemment.
Quelles nouvelles, puis-je vous donner que vous ne connaissiez déjà ? Vous savez que la minorité socialiste – j’entends la fraction qui marche avec Loriot – a fait de grands progrès. Les nôtres, à la minorité syndicaliste, sont moins apparents, mais au moins aussi grands, sinon plus.
Au congrès de Lyon, nous avons eu avec nous 588 syndicats, et parmi eux, les plus puissants numériquement. Notre force s’appuie surtout sur les Cheminots, les Métaux et le Bâtiment. Nous espérons voir, en sanction de la grève dernière, nos amis prendre la tête de la Fédération des Cheminots au congrès prochain vers la fin avril. Dans les Métaux, notre minorité est forte des plus grands centres, mais l’influence persistante de Merrheim et l’éclosion de nombreux syndicats font encore pencher la balance de l’autre côté. Nous avons de grands espoirs néanmoins. Actuellement, nous avons de tous côtés des sympathies. Finie la période où nous n’étions qu’une poignée ; mais la cristallisation de toutes nos forces éparses n’est pas encore faite. Elle sera l’œuvre des événements qui ne sauraient plus tarder.
La crise économique, qui s’aggrave de mois en mois, et la bourgeoisie, de plus en plus agressive, rendent toutes tentatives réformistes impraticables, d’où l’embarras de Jouhaux et Merrheim.
La classe ouvrière française retrouvera bientôt son esprit révolutionnaire. Notre pensée, aujourd’hui comme hier, s’appuie sur la vôtre. Vous luttez pour vous et pour nous. Nous luttons pour vous et pour nous, honteux de n’avoir pas fait plus et d’être encore aussi faibles. Mais de meilleurs jours viendront. Ils viennent. Votre triomphe prépare et annonce le nôtre. La Révolution cessera bientôt d’être russe pour devenir européenne. Pensez un peu à nous qui pensons à vous chaque heure du jour et de la nuit.
Bonne embrassade, mon cher Trotsky, pour vous et votre petite famille.
P.-S. – La santé de R[osmer] n’est pas forte, il est actuellement dans le Midi, à Toulon. Il va un peu mieux. Je ne sais quand il pourra revenir travailler.
Notes
[1] Demotte, journaliste américain tué en Allemagne lors de son voyage vers la Russie en 1920.
|