1978
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"Le titre du livre synthétise ma position :
à la place de la démocratie socialiste et de la dictature du
prolétariat du SU, je suis revenu aux sources, ai tenté de faire
revivre la vieille formule marxiste, tant de fois reprise par
Trotsky, de dictature révolutionnaire. Dit d'une autre manière, une
dictature pour développer la révolution, et non pour produire de la
"démocratie socialiste" immédiatement."
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Nahuel Moreno
La dictature révolutionnaire du prolétariat
VII. Une supposée autocritique de
Trotsky.
2. Les menchéviks avaient-ils raison ?
Il est vraiment dommage que le camarade Mandel ne démarre pas de l'année 1919,
lorsque les menchéviks de gauche, emmenés par Martov, avancèrent leur programme pour la
Russie soviétique. C'est le même programme que défend aujourd'hui le SU, que
selon Mandel tous les bolchéviks auraient
du défendre, et que Trotsky en vint prétendument à avancer, avec son
autocritique.
Lors du Congrès des Soviets de toute la Russie de 1919, Martov attaqua "les violations commises
contre la Constitution du Soviet... et lut ensuite une déclaration demandant
une restauration du fonctionnement de la constitution... la liberté de
presse, d'association et d'assemblée... l'inviolabilité de la personne...
l'abolition des exécutions sans jugement préalable, des détentions
administratives et de la terreur officielle".
Lénine répondit violemment à Martov, l'accusant de soutenu une position
bourgeoise et faisant une défense inconditionnelle de la terreur rouge et de
la Tchéka, il dit : "... si vous en retirez l'enveloppe des
phrases démocratiques et des expressions parlementaires... et si vous
considérez le fond des choses, toute cette déclaration dit d'un bout à
l'autre : "rétrogradons vers la démocratie bourgeoise et rien de
plus". ...Nous disons : Non, la Terreur et la Tchéka sont
absolument indispensables !". Et il continue
plus loin : "Vous ne respectez pas la Constitution, mais nous la
respectons quand nous ne reconnaissons la liberté et l'égalité qu'à ceux qui
aident le prolétariat à vaincre la bourgeoisie" (Lénine, 1919) [2].
Au fond, cette polémique entre Martov
et Lénine est méthodologique : elle démarre avec la fameuse
discussion de Kautsky avec Lénine et
Trotsky. Kautsky fut le premier à
désirer, par tous les moyens, imposer au processus révolutionnaire, avant la
prise du pouvoir, certaines normes inviolables : le respect du
suffrage universel et de l'Assemblée Constituante. Martov fut en ce sens un kautskyste
conséquent, avec cette différence qu'il tenta d'imposer des normes
démocratiques absolues à la dictature ouvrière, alors que son maître Kautsky voulait imposer des normes
démocratiques-bourgeoises au mouvement de masses sous le régime capitaliste.
Mais cette méthode normative leur est commune. C'était également la
méthodologie des gauchistes, y compris Rosa Luxembourg, qui introduisit dans le
programme du Parti Communiste Allemand une clause contre la terreur rouge.
Cela a toujours été en débat entre l'aile révolutionnaire, qui défendit
constamment les besoins objectifs de la révolution et toutes les méthodes
permettant de les satisfaire, tant qu'elles étaient utiles, et l'aile
petite-bourgeoise, normative, et ses schémas juridiques, organisationnels ou
politiques, caractéristiques des gauchistes et des centristes. Les
intellectuels petits-bourgeois tentent de s'abstraire de la réalité de la
lutte de classes la plus implacable en ayant recours à des termes médians, à
des normes impératives qui la codifient et la réglementent. Vaine tentative
intellectuelle de codifier l'incodifiable ! Par malheur, les
membres actuels du Secrétariat Unifié qui ont écrit la résolution passeront à
la postérité en tant que représentants des plus hauts sommets atteints par la
pensée normative petite-bourgeoise.
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