1973 |
"L'erreur de la stratégie de l'entrisme « sui generis » a eu des conséquences tragiques en Bolivie en 52-55 et en Argentine en 55 ; la stratégie pour dix ans du contrôle ouvrier manifeste ses terribles dangers potentiels dans l'interprétation faite par le camarade Mandel de la grève générale de mai 68 et dans l'orientation que, selon lui, il aurait fallu appliquer." |
Un document scandaleux
II. Argentine : deux orientations à l'épreuve des faits
2. Notre prétendue capitulation face à la fraude électorale et au gouvernement militaire.
Selon le camarade Germain, nous avons publié :
« plusieurs plate-formes pour leur, propre campagne et avec leurs position pour le mouvement des masses ». « Dans aucune n'était mentionné le caractère frauduleux des élections... ». « Cela déboucha sur le triste spectacle "d'Avanzada socialista" rencontrant le dirigeant syndical Tosco, récemment libéré de prison, et l'interrogeant sur ce qu'il pensait de l'idée d'une liste électorale des travailleurs aux élections, recevant pour réponse de Tosco que, avant tout, il faudrait dire que ces élections sont frauduleuses. Les trotskistes reçurent cette leçon d'un sympathisant du Parti communiste. Quelle expérience humiliante pour le camarade Moreno ! » (Germain, "En défense...", BII- juin 1973, n°7, p.69).
D'où le camarade Germain a-t-il tiré cette leçon que nous aurait donnée Tosco ? Dans l'interview qu'il cite, il se passe tout le contraire de ce que dit le camarade Germain.
Première falsification : la « leçon » que Tosco donne à Moreno
Examinons les citations de notre journal "Avanzada socialista". La première question du reportage fut de savoir si Tosco était pour « le pouvoir pour la classe ouvrière » et la « construction d'un parti ouvrier », comme façon de résoudre le problème de la « libération nationale et sociale ». Tosco répondit évasivement par la négative, disant être pour « l'union des forces populaires avec un programme au contenu transformateur et révolutionnaire ». Nous citons textuellement et dan son intégralité la seconde question :
« A.S : La solution électorale que propose la dictature est un piège prépare pour dévier la montée des masses que connaît l'Argentine. Est-ce votre avis ? (Précisons en passant que « piège » est un terme plus fort et qui définit avec plus de précision que « fraude » la signification de la manœuvre électorale montée par la bourgeoisie argentine) ».
Tosco répondit en affirmant ce que nous disions dans notre question, que les élections étaient un piège de la dictature. Suivent d'autres questions sans lien avec le sujet en discussion, jusqu'à la 5ème que cite le camarade Germain, disant ceci :
« A.S. : Notre parti a proclamé dans son organe officiel AS qu'il mettait à la disposition de candidatures ouvrières sa représentativité politique gagnée au niveau national. Cela veut dire que nous croyons à la candidature des Tosco, Gregorio Flores, Mera et des meilleurs de l'avant-garde ouvrière qui s'est révélée dans le processus ouvert il y a trois ans. Nous l'avons appelé le Pôle ouvrier et socialiste, puisque le socialisme est la revendication historique des travailleurs. Considérez-vous cela possible et dans ce cas-là y seriez-vous disposés ? »
Germain dit que Tosco aurait répondu : « avant tout, il faudrait dire qu'il s'agit d'élections frauduleuses ». Dans le n° 31 d'AS, du 27-9-72 où fut publié ce reportage, Tosco dit :
« Je comprends que nous, travailleurs, avançons vers une Argentine socialiste. Mais comme je veux agir avec responsabilité, je ne peux donc pas répondre à ce type de questions. Logiquement nous nous battons pour la libération nationale et sociale argentine et notre marche va vers une patrie socialiste. »
Cela signifie que la réponse, à nouveau évasive, donnée par Tosco à notre question, n'a rien à voir avec les paroles que Germain met dans la bouche de ce dirigeant centriste.
Ce problème de citations falsifiées, pour faire apparaître Tosco nous donnant une « leçon », est important pour clarifier la méthode polémique employée par le camarade Germain. Mais pour concrétiser la politique de notre parti, il est beaucoup plus important de voir la campagne constante d'Avanzada socialista, dénonçant les élections comme frauduleuses, ou les campagnes réalisées en faveur d'une lutte pour la légalisation du PC et des autres partis de gauche.
Une autre falsification : notre « silence » contre la dictature
Mais les falsifications ne s'arrêtent pas là. Dans son document, Germain nous accuse de :
« garder le silence sur l'existence de la dictature, sous prétexte que, de cette façon, soit gagnée la possibilité de réaliser une propagande légale... » (Germain, doc. cité, p.68).
Il est normal que, après avoir "prouvé" que nous avions commis ce méfait, il nous déclare coupable « d'une concession inacceptable à l'électoralisme ». Mais, est-ce que le camarade Germain nous lit ou, ce qui est plus probable, le fait-il d'une manière sélective ? Nous ne pouvons citer l'une après l'autre toutes les fois où nous avons dénoncé l'existence de la dictature dans A.S., dans nos tracts ou dans les interventions publiques de nos camarades. Ce serait une longue tâche ennuyeuse. Les camarades qui lisent l'espagnol peuvent le vérifier facilement. Malheureusement la majeure partie des camarades de l'Internationale ne peuvent pas le faire. Nous attirerons donc l'attention sur la première et la seconde question faites à Tosco dans AS, après sa sortie de prison par exemple. Et nous indiquerons que la défense des prisonniers politiques, l'appel à lutter pour leur liberté et la dénonciation de la répression furent des thèmes permanents de notre presse et de notre campagne électorale.
Pour terminer, nous rappellerons qu'en pleine campagne pour obtenir la légalité, dans deux numéros pris au hasard de cette époque, nous disions ce qui suit, avec ce titre sur toute la page du journal : « Contre le candidat de Lanusse, des candidats ouvriers et socialistes », dans un encadré de cet article ayant pour titre: « Le jeu des interdictions » :
« Le discours de San Nicolas, qui ne nous surprend pas puisque nous avons dénoncé et dénoncé dans ces colonnes le sens de cet "accord", ne peut pas nous faire oublier les tromperies contenues dans le discours antérieur de Lanusse, quand il soutenait que dans le processus d'institutionnalisation ne seront interdits que ceux qui veulent s'interdire volontairement. Maintenant nous savons que resteront sur la touche ceux qui n'acceptent pas les règles du jeu proposées. Mais même si les règles du jeu étaient acceptées, se sont-ils volontairement interdits ceux qui, tombant sous le coup de la Loi 17-401 qui institue le délit d'opinion, sous le contrôle de la Constitution elle même, ne peuvent avoir la légalité et doivent renoncer à l'action publique manifeste ? Se sont-ils interdits volontairement les fonctionnaires, professeurs et instituteurs qui, en application de cette loi, ont dû abandonner leurs moyens d'existence et aller chercher un air plus respirable sous d'autres latitudes ? Se sont-ils interdits volontairement les centaines de fils exemplaires de la classe ouvrière et du peuple qui restent dans les prisons de la République par la seule volonté du pouvoir exécutif ? Et ceux qui ont été condamnés en vertu des lois qui limitent la liberté de pensée, appliquées généreusement par la "Chambre de la Terreur" ? Et les groupements politiques qui n'ont pas encore pu surmonter les obstacles que la loi policière qui réglemente l'activité des partis politiques oppose à leur action ? Se sont-ils interdits volontairement les partis qui n'acceptent pas l'accord de capitulation que leur offre la dictature ? » (AS, 7 juin 1972).
« Les travailleurs ont démontré mille et une fois leur combativité. Particulièrement à partir de 1969, le mouvement ouvrier et populaire n'a pratiquement pas laissé de répit à la dictature militaire, et sa lutte a imposé des changements de gouvernements et de plans politiques. Les soulèvements urbains, les grèves et les mobilisations ont été permanents pendant ces quatre dernières années. Si les victoires n'ont pas encore été majeures, ce n'est pas seulement dû à la brutale répression avec laquelle la dictature défend les institutions du régime, ni aux manœuvres qu'elle effectue au moyen de ses miettes de concessions. C'est grâce à un élément qui agit en faveur de la dictature, qui a plus de force que l'appareil répressif, c'est le contrôle policier et le rôle de frein qu'appliquent : les directions syndicales reconnues par l'autorité de Peron. » (As, 20 septembre 1972).
Il n'est pas nécessaire de donner plus de citations puisque cette campagne s'est intensifiée de plus en plus pour dénoncer en permanence la dictature. Toute notre campagne est contre elle, contre les partis bourgeois, contre le péronisme et particulièrement contre le général Peron.
Camarade Germain, nous ne pensons pas que travestir les faits soit le meilleur moyen d'éduquer les militants de toutes les sections de l'Internationale sur la méthode du mouvement révolutionnaire trotskiste. Laissons de côté les procédés qui ne contribuent pas à débattre sérieusement des positions politiques en jeu.
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