1973 |
"L'erreur de la stratégie de l'entrisme « sui generis » a eu des conséquences tragiques en Bolivie en 52-55 et en Argentine en 55 ; la stratégie pour dix ans du contrôle ouvrier manifeste ses terribles dangers potentiels dans l'interprétation faite par le camarade Mandel de la grève générale de mai 68 et dans l'orientation que, selon lui, il aurait fallu appliquer." |
Un document scandaleux
III. Le document européen et la section française
2. L'Europe occidentale a-t-elle cessé d'être impérialiste ?
Apparemment, la partie la plus faible du document est justement la première, celle qui traite de la crise économique et sociale du "néocapitalisme", mais qui ne consacre pas une seule ligne, ne parlons pas d'un chapitre, à la crise de l'impérialisme européen, des relations des métropoles avec leurs colonies et semi-colonies. Le capitalisme européen, si nous suivons l'analyse sociale et économique du document, n'exploite que les travailleurs de ses pays. Il faut reconnaître que le document est conséquent jusqu'au bout avec son caractère ouvriériste, mais la réalité est autre : l'impérialisme européen exploite la classe ouvrière de ses pays mais aussi de ses colonies et semi-colonies. Il y a une dialectique économique, politique et sociale entre l'Europe et les pays qu'elle exploite, dialectique que le document ne signale pas.
Les pays impérialistes européens, bien qu'impérialistes secondaires, n'ont pas cessé d'être impérialistes pour autant. Ils sont devenus des petits frères de l'impérialisme yankee, au sein de sa structure. A cause de la révolution coloniale, ils ont transformé leur mode de domination, imitant les américains, mais leur domination continue à exister. D'empires coloniaux ils sont devenus - en grande partie -semi-coloniaux, leur domination ne s'exerce plus sur des colonies mais sur des pays dépendants, des semi-colonies. Le cours de l'histoire a provoqué la transformation de la révolution coloniale, de lutte contre l'assujettissement politique direct, elle est devenue lutte pour la libération nationale économique et politique. Elle est devenue plus complexe, mais pas moins importante.
Des hypothèses non envisagées
Si les pays européens sont passés d'empires coloniaux à semi-coloniaux, nous devons, dans un document général d'hypothèses, tenter de préciser leur situation actuelle et leur dynamique probable. Les empires européens en viendront-ils à l'intervention armée dans leurs semi-colonies (comme l'impérialisme américain) si leur domination est menacée ? l'intervention en Irlande, au Tchad et dans les colonies portugaises sont-elles les dernières interventions ou indiquent-elles une tendance probable ?
Pour nous, cela ne fait aucun doute: l'intervention en Irlande et dans les colonies portugaises montre l'attitude future de l'impérialisme européen, si les travailleurs ne parviennent pas à lui lier les mains. Déjà l'impérialisme français passe son temps à provoquer des coups d'État et à intervenir dans les pays qu'il domine.
Mais il y a quelque chose d'aussi grave : le document prévoit l'inflation et le chômage pour les travailleurs occidentaux, et la possibilité de batailles décisives dans les quatre ou cinq ans entre la réaction capitaliste et les travailleurs. Cette misère et ce chômage croissants, tout comme la tendance à des gouvernements réactionnaires et des luttes décisives ne se traduiront-ils pas d'une manière encore beaucoup plus brutale dans les relations entre les empires européens et les masses coloniales et semi-coloniales ? Nous affirmons catégoriquement oui, car cela obéit à la logique de la domination impérialiste qui est de tenter de se décharger de ses crises sur les colonies et semi-colonies. Et il y aura également des réactions brutales de la part des masses coloniales et semi-coloniales, si nous nous référons aux mouvements de grève en Mauritanie, en Afrique du Sud et en Rhodésie ou aux mouvements de guérillas en Angola et au Tchad.
Le document de la majorité ne prévoit rien de tout cela et ne daigne même pas effleurer ce sujet, même au détour d'une phrase.
Une déviation dangereuse ?
Entre le document européen et certaines affirmations générales de "Rouge", nous trouvons des contradictions. "Rouge" n°200 dit :
« La IVème Internationale assume les responsabilités du soutien et de la participation active dans la dénonciation de la pénétration impérialiste sur le continent noir. »
Mais de cet engagement solennel, aucune nouvelle n'est donnée dans le document européen de la majorité. Nous avons lu et relu ce document, mais nous n'avons pas trouvé une seule phrase de ce genre. Nous n'avons pas trouvé non plus cette tâche parmi les dix centrales. En particulier, étant donné qu'il s'agit d'un document pour l'Europe, il manque le mot d'ordre fondamental : « Pour l'autodétermination de toutes les colonies et semi-colonies de l'impérialisme européen ! ».
L'absence de ces mots d'ordre, le fait que la lutte pour l'autodétermination des colonies et semi-colonies de l'impérialisme européen ne soit pas considérée comme une des tâches centrales des ouvriers et des masses européens, le fait que l'on considère que l'on peut « construire des partis révolutionnaires en Europe capitaliste » sans qu'ils avancent ces mots d'ordre parmi les plus importants, constituent apparemment une dangereuse déviation idéologique, dont nous pourrions craindre qu'elle se transforme en capitulation politique objective devant l'impérialisme européen, si nous ne savions pas que dans la pratique quotidienne, nos sections et nos militants européens mènent une lutte réelle contre l'impérialisme européen !
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