1937 |
Déclaration publiée le 19 juillet 1937 par la section bolchevik-léniniste d’Espagne, le groupe trotskyste espagnol dirigé par Grandizo Munis, reproduite dans "Fight", mensuel du Marxist Group (London), vol.1, no 10, septembre 1937, pp.4-5. Traduit de l'anglais. |
19 juillet 1937
Que veulent les trotskystes ?
1. Vaincre le fascisme avec la seule arme efficace, l’arme de la révolution prolétarienne. Détruire le fascisme et ses racines, qui ne fleurissent que dans le sol pourri de la démocratie capitaliste, par l’expropriation des exploiteurs et par la destruction totale de l’ancien appareil d’État. Pendant une période de transition, nous souhaitons mettre en place la dictature du prolétariat, dirigée uniquement contre les restes de la bourgeoisie qui, avec l’aide du capitalisme étranger, tentera de rétablir la propriété privée et le régime bourgeois. Le meilleur exemple de tentatives de cette sorte, ce sont, actuellement, les manœuvres malhonnêtes de la bourgeoisie, et surtout du PSUC. La dictature du prolétariat sera une véritable démocratie ouvrière, car les privilèges de l’argent auront disparu et les travailleurs, affranchis de l’exploitation capitaliste, décideront eux-mêmes de leur sort.
2. Tant que le prolétariat n’est pas en mesure de prendre le pouvoir, nous défendrons les droits démocratiques des travailleurs dans le cadre du régime capitaliste ou de tout régime transitoire. C’est pourquoi nous avons publiquement, et sans aucune manœuvre, réclamé le Front Uni de Lutte, CNT-POUM-FAI ; nous ne permettrons jamais à l’ennemi de classe de détruire les organisations des travailleurs, même lorsqu’il s’agit de nos adversaires politiques. Hier, nous avons demandé des mesures de protection pour le POUM ; nous protestons aujourd’hui contre ceux qui veulent exclure les FAI des tribunaux populaires ; et demain, les armes à la main, nous défendrons la CNT. Nous avons été et nous restons partisans de la démocratie prolétarienne.
3. Nous défendons la formation de conseils révolutionnaires, ouvriers, paysans et soldats. Ces conseils devraient être élus démocratiquement dans chaque usine, village et division. Il doit être possible de révoquer les délégués à tout moment si la majorité en décide ainsi. De tels Conseils ont été formés pendant les journées de juillet. En eux, les véritables aspirations des masses s'expriment le plus librement possible. Ces conseils auront pour tâche de défendre les conquêtes de la révolution, le maintien de l’ordre public et le contrôle de l’économie et de la distribution. Chaque parti proposera ses solutions : les masses décideront.
4. Nous sommes contre le soi-disant gouvernement du Front populaire, qui est en réalité un gouvernement dans lequel la grande majorité de la population n’est pas représentée. Nous sommes contre la collaboration de classe car c’est un piège pour les représentants de la classe ouvrière. Les compromis dans un tel gouvernement conduisent inévitablement à la trahison. La seule solution est de mettre en place partout des Conseils révolutionnaires, de convoquer un congrès de tous les délégués des Conseils, et d’élire un comité central parmi les délégués des Conseils ouvriers, soldats et paysans, qui prendra en main la gestion du pays. Dans un tel Conseil révolutionnaire, il n’y aura pas de trahison et il sera ainsi capable ainsi mener la guerre à une conclusion victorieuse.
5. Notre objectif est l’expropriation complète des capitalistes. Jusqu’à présent, les banques n’ont pas été touchées et les moyens d’échange sont sous le contrôle du gouvernement bourgeois. Nous rejetons catégoriquement la « municipalisation » fébrilement demandée par le PSUC, qui signifie en réalité retirer aux syndicats le contrôle des entreprises et les placer sous le contrôle du gouvernement réactionnaire. Notre slogan est la socialisation complète et la mise en place d’un monopole du commerce extérieur, sous la direction d’un comité économique du Conseil révolutionnaire.
6. Nous exigeons la nationalisation des terres, c’est-à-dire l’abolition de la propriété foncière privée. Les usuriers ne pourront plus prendre la terre des paysans. Nous ne défendons la collectivisation des entreprises agricoles que lorsque les paysans y consentent sans contrainte. La répartition des terres doit être faite par les Conseils paysans selon le principe : « La terre pour ceux qui la travaillent ».
7. Nous sommes d’avis que seule une armée centralisée placée sous un commandement unique peut garantir la victoire militaire. Mais ce doit être une armée révolutionnaire dans laquelle chaque soldat jouit de droits politiques, dans laquelle les officiers sont élus et peuvent être révoqués par des assemblées de soldats. Même salaire pour tous ! Le commandement unique sous contrôle d’un Conseil de guerre du Conseil révolutionnaire ! Dans une telle armée, l’enthousiasme des soldats et leur vigilance révolutionnaire compenseront le manque de matériel et de technique. Ce sera une armée victorieuse.
8. Nous défendons le droit des minorités nationales de disposer d’elle-mêmes et la liberté absolue du peuple marocain, y compris le droit à la séparation, le Maroc aux Marocains : au moment où ce slogan sera proclamé publiquement, il favorisera l’insurrection parmi les masses opprimées du Maroc et provoquera la désintégration de l’armée fasciste mercenaire. Nous sommes pour une Fédération des Républiques socialistes, car cela correspond au mieux aux intérêts de la classe ouvrière. Cette Fédération doit être constituée sans contrainte par l’unification libre et fraternelle de tous les travailleurs.
9. Nous combattons la bureaucratie stalinienne qui prétend construire le « socialisme » en Russie tout en sabotant la révolution socialiste en Espagne et dans le monde entier. Notre objectif final est la révolution mondiale et l’instauration du socialisme dans le monde entier, la seule garantie contre l’usurpation des conquêtes prolétariennes par une couche bureaucratique comme celle de l’Union soviétique. Nous sommes contre la non-intervention telle que pratiquée par les Commissaires du Peuple de la Troisième Internationale et par les ministres bourgeois de la Deuxième Internationale. Nous exigeons l’intervention révolutionnaire du prolétariat et la transformation de la révolution espagnole en une révolution européenne.
10. Les anciennes organisations nous ont conduits dans une impasse. Profondément convaincus que la victoire contre les barbares fascistes et toute la classe capitaliste dépend entièrement d’une direction compétente, nous concentrerons nos efforts sur la création pendant la lutte d’un nouveau parti révolutionnaire, pour être à la hauteur de cette tâche. Sa base de granit sera le programme du socialisme scientifique, établi par Marx et Engels, et poursuivi par Lénine et Trotsky. Devant la trahison honteuse des Deuxième et Troisième Internationales, nous rassemblerons à nouveau tous les révolutionnaires déterminés dans la nouvelle Internationale, la Quatrième Internationale, qui sera le parti mondial de la révolution socialiste. Sous sa bannière sans tache, le socialisme triomphera !
Camarades ! Nous savons que notre première tâche est de mettre les troupes de Franco en déroute. Mais vous, comme nous, savez que la victoire militaire est indissociable de la révolution sociale. Nous luttons ouvertement et sans manœuvre contre une politique qui nous semble désastreuse. L’approfondissement de la révolution sociale, loin d’affaiblir le front uni dans les tranchées, renforcera l’esprit combatif de nos milices. Nous souhaitons raviver l’esprit de juillet 1936.
Avec l’enthousiasme de ces jours et les armes et l’expérience d’aujourd’hui, nous célébrerons juillet 1938 dans une Espagne socialiste libre du joug capitaliste.
À tous les révolutionnaires qui se sentent proches de nous, nous lançons l'appel :
Venez rejoindre nos rangs ! Dans une discussion amicale, nous clarifierons les points de désaccord et, unis dans la lutte, nous mettrons en déroute notre ennemi commun !
A bas le fascisme et le capitalisme !
Vive la révolution prolétarienne espagnole !
Vive la révolution mondiale !
Barcelone, 19 juillet 1937
Section bolchevique-léniniste d’Espagne
(IVe Internationale)