1937 |
Source: Fondation Andreu Nin. Traduit de l'espagnol par nos soins. |
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31 janvier 1937
Camarades : c'est pour moi un grand honneur de conclure ce meeting par quelques mots à la jeunesse communiste. Cet honneur me procure une sentiment de mélancolie et de joie. Mélancolie, parce que ça me rappelle que je ne suis déjà plus jeune, parce que je parle dans cet meeting, non comme jeune, mais comme représentant de la vieille génération prolétarienne. Et joie parce que les jeunes communistes entrent désormais en lutte dans un moment d'ascension formidable du socialisme.
Nous, déjà vieux de vingt-cinq années de luttes ouvrières, savons ce que c'est de travailler dans un environnement politique ingrat et défavorable, quand nous n'étions que quelques douzaines de compagnons à combattre pour la victoire du prolétariat.
Après vingt-cinq ans de luttes, d'efforts, de déceptions plus que de joies, nous assistons aujourd'hui au spectacle magnifique de ce meeting, et de ce que qu'il représente. Nos années d'efforts n'ont pas été vaines. Nous n'avons jamais perdu la foi dans le prolétariat révolutionnaire. Il nous est donc permis de proclamer avec fierté, avec une immense joie que la jeunesse ouvrière d'aujourd'hui doit éternellement être reconnaissante envers l'œuvre de notre génération.
La Jeunesse Communiste Ibérique vient vous apporter le caractère marxiste et révolutionnaire de la jeunesse travailleuse. On veut actuellement imposer une conception abstraite de la jeunesse, comme si la jeunesse était séparable de la réalité de la lutte de classes. Comme s'il n'existait pas ou ne pourrait pas exister une jeunesse prolétarienne, liée et identifiée aux intérêts de la classe ouvrière et de la révolution socialiste.
Il existe diverses manières de comprendre le rôle de la jeunesse. Il y en a qui affirment que la mission de la jeunesse est seulement de s'amuser. Oublions cette conception. Il y a ceux qui soutiennent que la jeunesse doit exclusivement se consacrer à son éducation culturelle, laissant aux générations adultes la passion et l'intervention dans les luttes politiques et révolutionnaires. C'est là une grave erreur. La jeunesse doit étudier, être formée, mais pour combattre jusqu'à la mort pour l'idéal.
La jeunesse a toujours été le principal support des partis révolutionnaires, a toujours été la base des partis révolutionnaires. C'est pourquoi nous, les déjà vétérans dans la lutte, ne craignons absolument pas la jeunesse. Nous n'avons pas été révolutionnaires à vingt ans par un élan insensé de l'adolescence. Nous sommes aujourd'hui tout autant révolutionnaires qu'il y a vingt-cinq ans. Nous sommes, en ce sens, aussi jeunes que vous. Aucune audace ne nous effraie...
Il faut que les jeunes, que la nouvelle génération communiste recueille et tienne bien compte de l'expérience et des leçons de ces vingt-cinq dernières années de lutte ouvrière internationale. L'histoire se répète. On disait hier, dans la séance plénière du Comité central étendu de la JCI, que la situation du mouvement ouvrier international était analogue à celle qui s'est produite dans les années 1914-1915. La social-démocratie, qui maintenait son hégémonie dans le mouvement ouvrier, a trahi les principes du marxisme, du socialisme, pour se mettre au service des agissements impérialistes des différentes bourgeoisies nationales. Les principes internationalistes du marxisme ont été abandonnés et ont été remplacés par la politique du social-patriotisme, du réformisme le plus dégénéré. Seuls de petits noyaux, de petits groupes prolétariens se sont levés pour clamer leur indignation devant pareil crime. Ils ont dit : la Seconde Internationale est morte. Il faut une nouvelle Internationale.
De ces petits noyaux, le bolchevique russe était le plus important. C'est pourquoi on l'a accusé et calomnié. La presse bourgeoise et social-démocrate les a accusé d'être des agents provocateurs.
L'histoire se répète, je vous l'ai déjà dit. Une nouvelle trahison du socialisme a lieu aujourd'hui, semblable à celle des années de la grande guerre. Et nous, avec les noyaux prolétariens qui dans les différents pays sont à nos côtés, jouons le même rôle historique que celui des bolcheviques russes de la révolution. Nous sommes, comme ils l'ont été, les continuateurs du marxisme révolutionnaire. Comme eux nous sauverons le prolétariat espagnol et international...
Nos adversaires, qui veulent recouvrir leur marchandise avariée de la figure de Lénine, ont oublié les jugements implacables de Lénine contre le réformisme et l'opportunisme. Ils ont oublié que Lénine a aussi été accusé d'être un agent provocateur, parce que Lénine, fidèle au marxisme, a fait de la lutte à mort contre le réformisme une des bases de sa tactique politique.
Il y en a qui disent qu'au lieu d'attaquer le réformisme et les jeunesses réformistes, nous devrions essayer de resserrer nos liens avec ces éléments. Cet argument produit un certain effet sur les éléments politiquement les plus retardés du prolétariat. C'est pourquoi il faut clarifier la question.
Dans toutes les révolutions modernes, la bourgeoisie a cherché à influencer l'esprit du prolétariat, directement ou indirectement. Elle a cherché à s'infiltrer dans le camp ouvrier, pour corrompre politiquement le prolétariat révolutionnaire. C'est là le rôle du réformisme, contre lequel Marx, Engels et Lénine ont lancé leurs meilleures diatribes. Le réformisme est la représentation de la bourgeoisie à l'intérieur de la classe laborieuse.
L'unité de la classe ouvrière : Personne ne la souhaite autant que nous, personne n'a travaillé autant que nous pour l'atteindre. Mais pour triompher avec cette unité, est nécessaire que les traîtres, les renégats soient expulsés de son sein...
L'Internationale Communiste dit qu'elle lutte contre la guerre, en combattant pour la démocratie. Mais on oublie que la guerre n'est rien de plus qu'une conséquence des contradictions et de l'existence même du capitalisme. Selon l'Internationale Communiste dégénérée, les seuls pays qui peuvent déclencher la guerre sont les pays à régime fasciste. Nous ne méconnaissons pas les provocations du fascisme international pour déclencher la guerre. Mais il est faux, comme on veut nous le faire entendre, que la société européenne et internationale ait été une Arcadie heureuse avant l'apparition du fascisme. Parce que le germe de la guerre, les causes de la guerre existaient aussi avant l'apparition du fascisme, parce qu'existait le capitalisme. Et contre la guerre, pour l'éviter il n'y a qu'un seul remède : la révolution sociale.
Quand vous on dit que vous combattez pour la République démocratique, ce qu'on vous dit c'est que vous vous préparez à prendre part à la future guerre impérialiste qui désagrégera le capitalisme, si le prolétariat ne prend pas le pouvoir. Ce sera une guerre qu'on essayera de faire au nom de la démocratie contre le fascisme. Durant l'année 1914 on a aussi usé de tromperie. La guerre impérialiste était faite pour défendre la liberté, la démocratie, - contre le militarisme incarné par les Empires centraux.
Et on a formé aujourd'hui deux groupes impérialistes: l'Angleterre et la France, avec l'URSS stalinienne, contre le bloc de l'Allemagne, de l'Italie et du Japon. Face à cela, nous devons dire que cette guerre n'est pas la nôtre, que cette guerre, comme celle de l'année 1914, est la guerre entre deux groupes impérialistes... et face à cette situation notre devoir est de revenir aux consignes trahies par les néo-léninistes : Transformer la guerre impérialiste en guerre civile révolutionnaire.
C'est ce que signifie la campagne du socialisme et du communisme officiel en faveur du front national, au lieu du front ouvrier révolutionnaire. Quand on parle d'union nationale, de lutte pour l'indépendance de la patrie, on prépare le terrain pour une nouvelle union sacrée, instrument de la guerre impérialiste.
Il s'agit donc de deux politiques, de deux orientations irréconciliables : guerre de défense de la patrie ou lutte pour la révolution socialiste. Ce ne sont donc pas de petites différences qui nous séparent. Nous sommes des deux côtés différents de la barricade. Et quand viendront les heures décisives, nous, avec les camarades anarchistes, nous serons dans le front de la révolution, et de l'autre côté il y aura la bourgeoisie avec ses serviteurs à l'intérieur du mouvement ouvrier.
C'est le sens et la portée de la campagne déchaînée contre nous. Le camarade Solano vous a lu divers extraits de presse qui montrent jusqu'où on en est arrivé. Je regrette de ne pas avoir ici un exemplaire de la publication de la "Division Marx", dans laquelle apparaît une caricature où je suis au bras du général Franco, avec un article du même ton où on dit que je n'ai jamais dû travailler, parce que j'ai toujours été financé par Hitler. Mes amis peuvent donc se considérer escroqués et me réclamer leur part du butin.
Je suis déjà buriné dans les luttes politiques, c'est pourquoi je ne me mets pas en colère contre mes calomniateurs : quand on arrive à ces extrémités, on ressent de la peine pour les calomniateurs. Et la peine est plus grande encore si on prend en considération que le misérable qui a écrit cela est le premier à ne pas y croire.
Durant ma longue activité, j'aurai commis des erreurs. Mais ces canailles de calomniateurs, qu'ils viennent ici indiquer une seule désertion, une seule trahison, durant mes vingt-cinq années de services pour la cause de la révolution prolétarienne.
Où étaient-ils ces calomniateurs quand nous combattions dans des circonstances énormément difficiles, sous la menace constante des bandes du Libre, quand nous pourrissions dans les prisons et bagnes, quand nous persécutait la police de tous les pays, alors que les calomniateurs trahissaient, hier comme aujourd'hui, comme toujours, la cause ouvrière, ou qu'ils étaient embusqués dans les partis bourgeois ?...
Il faut lancer au visage de ces vils calomniateurs la légion des nôtres qui sont tombés, de nos héros de la guerre et de la révolution.
Quand on lancera des accusations comme celles-ci, il faut être responsables de ce qu'on dit. Il existe des Tribunaux populaires pour réprimer le fascisme. Des tribunaux que j'ai créés. Si les diffamateurs qui nous accusent d'être complices de Franco croient en ces accusations, qu'ils nous emmènent devant les Tribunaux populaires, et ils verront ce qui se passe.
Et s'ils ne veulent pas nous dénoncer devant les Tribunaux populaires, d'ici nous les invitons à une polémique publique, Plaza de Toros, entre un d'eux et un représentant de notre parti, pour que la classe ouvrière puisse tous nous juger...
Ils ont de la peur de la vérité révolutionnaire, parce que cette vérité ils la trahissent constamment.
Le mouvement ouvrier espagnol n'est pas un mouvement domestiqué, il a sa propre personnalité, son indépendance. I il n'acceptera aucune ingérence. De ce point de vue nous devons faire une déclaration : aux premiers temps de l'Internationale communiste, les réformistes de tous pays protestaient contre l'intervention de la Troisième Internationale dans les luttes révolutionnaires des différents pays. Il se passe aujourd'hui l'inverse. Aujourd'hui, les réformistes applaudissent cette ingérence contre laquelle nous protestons, nous les communistes. Que s'est-il passé ?... Il y a que l'intervention soviétique, contrairement à ce que faisaient les fondateurs de l'Internationale, s'est attaquée à la révolution ouvrière. Nous ne sommes pas dans l'absolu contre l'intervention de l'URSS. Si les dirigeants de l'Internationale Communiste s'inspiraient de la pensée de ses fondateurs, en promouvant la révolution internationale, nous acclamerions cette intervention !
On ne nous pardonne pas d'être communiste, fidèles à la mémoire de la révolution d'octobre, de l'Internationale communiste des premiers congrès. Nous sommes contre l'ex-Internationale ex-communiste d'aujourd'hui. Parce que nous conservons le souvenir de la tradition révolutionnaire du léninisme, on veut nous éliminer, comme on élimine à Moscou la vieille garde bolchevique.
Entre la campagne de calomnies d'ici et celle de Moscou, il y a un lien intime. On détruit physiquement la vieille garde bolchevique. On projette notre destruction physique parce que nous sommes fidèles à la révolution. Mais ceux qui pensent ainsi se trompent.
Le mouvement communiste espagnol a une personnalité propre. Ils peuvent supprimer physiquement les militants les plus renommés du parti. Mais le POUM poursuivra son œuvre jusqu'à la victoire, quoi qu'il lui en coûte.
La jeunesse combat en des moments exceptionnels. On lui offre une occasion magnifique de démontrer sa capacité de lutte, sa ténacité révolutionnaire. La JCI a tout le parti à ses côtés. La vieille génération communiste et la jeune garde communiste, unies dans un même élan et un même héroïsme, resteront fidèles au socialisme, en faisant triompher la révolution ouvrière espagnole et la révolution ouvrière internationale.
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