1921 |
Les passages et les mots en italiques ont été
introduits dans la thèse par la Conférence féminine et par le
Congrès. Source : Le bulletin communiste, numéro spécial, 14 février 1922. |
Résolution sur l'action à mener auprès des femmes
Premier congrès national - Marseille – 25/30 décembre
1921
Prévue depuis plus d'un demi-siècle par les grands penseurs socialistes, la grande lutte entre les deux classes adverses : la bourgeoisie et le prolétariat, est commencée.
La Russie, la première, a fait triompher la cause des travailleurs ; dans le reste du monde, les secousses sociales de plus en plus rapprochées et de plus en plus profondes annoncent l'extension du bouleversement révolutionnaire.
Les femmes doivent prendre part au grand combat parce qu'elles sont doublement exploitées par la société bourgeoise.
Avide de profits, celle-ci en a réalisé sur tous les individus de la classe prolétarienne. Non contente de faire des bénéfices sur le travail de l'ouvrier, elle en a fait sur le travail de l'enfant, elle en a fait sur le travail de la femme.
La transformation de la technique du travail, la vie devenue de plus en plus difficile pour les travailleurs, ont obligé les femmes à quitter le foyer familial pour besogner au dehors. Leur condition inférieure dans la société et dans la famille a fait d'elles un matériel humain merveilleusement exploité par la classe bourgeoise.
Elles devraient sentir le joug qui pèse sur elles et rallier le Parti Communiste qui se dresse en adversaire résolu de la bourgeoisie.
Cependant, le Parti a jusqu'ici relativement peu recruté parmi les masses féminines.
Élevés sous le régime légal actuel, les citoyens considèrent trop souvent, selon les principes napoléoniens, que la politique « n'est pas l'affaire des femmes ».
Habitués à rejeter sur la femme tous les travaux qu'exige la vie familiale, ils ont craint, le plus souvent inconsciemment, que la femme émancipée ne soit plus une épouse aussi docile, disons le mot, aussi exploitable.
Les femmes accaparées par le labeur domestique, les soins aux enfants, aux malades, aux vieux parents, sont très souvent restées à l'écart du Parti.
L'éducation que leur impose la société bourgeoise, les préjugés millénaires, religieux ou sociaux, retiennent les femmes loin de l'action.
Bien plus, courbées sous le joug des lois et des mœurs, elles se résignent naturellement à leur sort et n'ont pas toujours conscience de leur assujettissement.
Pourtant, que de forces neuves le Parti Communiste et la Révolution peuvent trouver en elles !
Si la propagande du Parti parvenait à leur faire prendre conscience de leur sujétion, de l'exploitation à laquelle elles sont soumises, combien d'adhérentes ne trouverait-il pas dans ces masses de travailleuses qu'écrasent l'Etat, la Famille telle que l'a faite la société bourgeoise, le Patronat !
Même si le Parti ne devait recruter que peu de membres nouveaux par la propagande auprès des femmes, il devrait s'y livrer sans relâche, car la femme pourrait à l'occasion devenir une force contre-révolutionnaire dangereuse. Il importe de ne pas la laisser hostile aux idées communistes. Comme pour la classe paysanne, il faut, si l'on ne peut faire mieux, neutraliser l'influence néfaste qu'elle pourrait avoir.
Si la politique n'est pas encore actuellement l'affaire des femmes, nous pouvons dire que la Révolution sera leur affaire, car l'immensité des tâches révolutionnaires nécessitera la mise en œuvre d'un nombre d'énergies incalculable.
Le Parti Communiste affirme à nouveau le principe d'égalité totale entre les deux sexes.
Parlant de ce principe, il aidera de tout son pouvoir les femmes à conquérir, même dans le régime actuel, sur tous les terrains : civil, politique, économique, l'égalité avec les hommes.
Mais de même qu'il montre au prolétariat l'impossibilité absolue d'un affranchissement total sous le régime du capitalisme et de la propriété privée, de même il met énergiquement en garde la masse féminine contre le pseudo-affranchissement que peut lui donner ce même régime capitaliste.
Seul le communisme, par la transformation des services de la vie familiale qu'il prévoit, par la reconnaissance de la maternité comme fonction sociale, est capable d'assurer à la femme la véritable libération.
Puisque l'éducation, les préjugés, l'instruction souvent plus que rudimentaire des femmes rend la propagande malaisée, il faudra que pour elles, comme pour les Jeunesses, le Parti s'attache à vulgariser les premiers éléments du socialisme.
Les tracts, les brochures devront être courts, clairs, précis, rédigés en faisant appel à la raison, au bon sens. Ils devront surtout servir à rattacher les questions qui intéressent plus particulièrement les femmes, à l'économie générale, afin que les travailleuses, les ménagères, les mères, sentent que leur labeur pourrait être rendu moins pénible dans une structure sociale autre.
Les camarades qui voudront amener les femmes au Parti devront chercher à quelles heures elles sont le plus volontiers libres. Tantôt ce sera le soir, tantôt dans l'après-midi, quand les enfants sont à l'école : tantôt ce sera le dimanche.
Une des causes essentielles de l'éloignement des femmes de la vie politique est le soin des enfants.
Sachant que, seul, le prolétariat venu au pouvoir considérera comme le devoir le plus urgent pour lui de les prendre complètement à sa charge, les communistes doivent provisoirement créer des organismes qui aident la femme dans cette tâche, groupes d'enfants, garderies.
Les municipalités communistes peuvent beaucoup en cet ordre d'idées par la création de crèches, de jardins d'enfants, de blanchisseries municipales, de cuisines communes, etc.
L'Internationale demande à tous les Partis Communistes de créer, à côté de tous leurs organismes, des Comités pour le travail communiste parmi les femmes, qui s'adonneront à la tâche de la propagande dans les grandes masses féminines.
L'I. C. demande à tous les Partis de faire les sacrifices nécessaires pour créer un Secrétariat féminin et un organe, dans la presse communiste, spécialement réservé aux femmes.
Il est du devoir de notre Parti de réaliser aussi rapidement que possible les créations que l'I. C. nous demande.
Plus souvent qu'elle ne l'a été jusqu'ici, l'idée d'amener les femmes à jouer un rôle plus actif dans le Parti et au dehors du Parti devra préoccuper tous les militants.
Les camarades hommes doivent songer à introduire les femmes dans tous les organes du Parti, encourager les militantes, vaincre leurs hésitations.
Dans les manifestations publiques, une femme devra toujours avoir une place dans la constitution du bureau.
Toute délégation, soit de la section, soit de la Fédération, devra comprendre un certain nombre de citoyennes.
Dans leur famille, les militants feront tous leurs efforts pour entraîner la femme, la fille — comme le fils — à militer.
Le militant ne garde pas pour l'extérieur les questions politiques et économiques, mais il essaie d'en amener la discussion et la compréhension au foyer familial.
Les femmes adhérentes au Parti doivent militer avec activité.
Aux réunions, elles doivent prendre part aux discussions, oser donner leur avis tout haut.
Il leur faut réclamer une place au sein de toutes les commissions et prendre part au fonctionnement de tous les organismes du Parti.
Elles se feront un devoir de vaincre en elles la négligence, la frivolité ou la timidité. Elles auront le courage de défendre leur opinion auprès d'une voisine ou d'une camarade.
Dans la famille, elles accompagneront leur mari s'il milite ; elles essaieront de le convaincre s'il est indifférent ; elles réclameront et prendront le droit de militer seules si cela est nécessaire.
Aux heures où la lutte de classes devient plus aiguë ; manifestations, démonstrations, grèves, la femme encouragera les siens au combat et essaiera de détruire autour d'elle l'esprit contre-révolutionnaire.
Les camarades salariées se souviendront que la lutte de classes s'exerce sur le terrain du travail ; elles ne négligeront pas d'y prendre part et rallieront le syndicat de leur profession.
Elles se souviendront aussi au syndicat qu'elles sont des militantes communistes et elles apporteront leur part de travail pour amener leurs camarades à la compréhension de la doctrine et de l'action du Parti Communiste.
L'organisation coopérative appelle également luur concours. Elles devront y militer pour en améliorer le fonctionnement. En effet, une organisation coopérative mieux comprise rendrait la tâche ménagère de la femme moins absorbante et faciliterait l'émancipation féminine indispensable à l'avènement d'une société communiste.
Les militantes ne sacrifieront pas trop aux préjugés religieux ou sociaux des vieux parents, surtout en ce qui concerne l'éducation des enfants.
Les parents devront avec soin surveiller les leçons faites à leurs enfants à l'école et ne craindront pas de protester avec énergie devant les rnesures administratives telles que cérémonies chauvines, conférences, souscriptions, dans lesquelles la neutralité la plus stricte ne serait pas respectée.
Le Parti doit créer immédiatement le journal et le secrétariat féminin réclamés par l'Internationale.
Dans tous ses rouages, statutaires ou non, le Parti devra introduire l'élément féminin.
Les secrétaires de sections et de fédérations feront leur possible pour susciter l'activité des militants qui formeront le Comité pour le Travail communiste auprès des femmes, sectionnel ou fédéral. Ils leur fourniront l'aide pécuniaire indispensable.
Les Comités de Section pour le Travail communiste auprès des femmes s'attacheront à rechercher les centres de travail féminins (usines, magasins, exploitations agricoles, etc.), pour y distribuer régulièrement des tracts et des brochures.
Si possible, ils organiseront la distribution de ces tracts dans les marchés et à domicile.
Ils appelleront les femmes à des réunions ou conférences de tout genre, séances de couture, veillées, etc.
D'ailleurs, le travail des Comités se précisera au fur et à mesure de leur fonctionnement, par l'apport de toutes les bonnes volontés et de toutes les initiatives.
Les Comités pour le Travail auprès des femmes doivent avoir l'appui moral et l'aide pécuniaire de chacun des organismes du Parti auxquels ils sont respectivement rattachés.
Cette aide se manifestera par des subventions régulières.
Outre les subventions, les Comités se procureront des ressources par des fêtes, des dons volontaires, etc...
Mais ce n'est pas seulement dans le Parti même que doit être éveillée l'action des militantes.
Le rôle des Municipalités socialistes peut être considérable.
D'une manière générale, celles-ci doivent préparer l'opinion à l'émancipation des femmes. Pour cela elles étudieront le moyen de réunir des assemblées de femmes dans la commune. Ces assemblées pourraient élire des représentantes qui assisteraient aux séances du Conseil municipal et desquelles on solliciterait l'avis.
Ainsi, chaque fois que cela sera possible, il faudra essayer d'introduire les militantes du Parti Communiste dans les organismes de la société bourgeoise pour qu'elles en comprennent le fonctionnement et, qu'au jour de la Révolution, elles soient prêtes à y substituer, en ce qui les concerne, les organismes prolétariens qui libéreront tous les opprimés : les travailleurs et les femmes.
Le Groupe parlementaire devrait admettre à toutes ses séances une militante, désignée soit par le Congrès, soit par le Comité Directeur.
Ainsi serait affirmée devant l'opinion publique et en face de la société bourgeoise la volonté du Parti Communiste de réaliser l'égalité des sexes.
Enfin, et pour résumer, le Parti ne perdra pas de vue que la tâche d'éveiller les femmes à la conscience de classe et à la vie politique, de susciter leur activité, est une nécessité urgente pour assurer le succès de la Révolution.
En conclusion, le Congrès décide :
Le Comité Directeur comprendra obligatoirement au moins trois femmes de la Seine ; la secrétaire de la C. T . C. F. en fait partie de droit.
Une commission de 9 membres, composée en majorité de femmes, sera créée auprès du Comité Directeur et prendra toutes initiatives propres à éduquer et à recruter les femmes ; il reste bien entendu que la réalisation des projets de la commission est subordonnée à l'approbation du Comité Directeur.
La même organisation existera dans les Fédérations et Sections ;
Pour la propagande et la documentation des militantes, un organe hebdomadaire, dont la création par l'Humanité a été votée au Comité Directeur du 1er octobre, paraîtra le 1er janvier et portera le titre : L'Ouvrière, organe communiste des travailleuses manuelles et intellectuelles.
En outre, dans tous les organes du Parti, quotidiens ou hebdomadaires, une tribune sera réservée aux Commissions pour le Travail communiste parmi les femmes.
De plus, le Parti prendra à sa charge l'édition de tracts de propagande qui seront distribués gratuitement et de brochures à bon marché ;
Pour intensifier la propagande et l'agitation parmi les femmes, des candidates seront toujours adjointes sur les listes électorales ;
La Commission pour le Travail communiste parmi les femmes aura sa délégation ou groupe parlementaire, aux conseils généraux et près des municipalités communistes.
On attirera les femmes au Parti en les intéressant dans la plus large mesure à la propagande antimilitariste.