1922

Source : Humbert-Droz - L’œil de Moscou à Paris (1964)

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Rapport sur la situation intérieure du Parti français

Internationale Communiste (J. Humbert-Droz)

30 mai 1922


Au Présidium de l’I.C.

Rapport sur la situation intérieure du Parti français

1

Départ de Frossard pour Moscou.

Dès que furent arrivés à Paris les télégrammes de Sellier et Leiciague, j'ai insisté très vivement auprès de Frossard personnellement et au Comité directeur pour qu'il parte immédiatement. Le principal argument contre son départ était la nouvelle, venue de Moscou, que l'Exécutif avait réglé lui-même le cas Fabre et envoyait une lettre détaillée au Parti français sur toutes les questions politiques. Frossard disait que son voyage était inutile Si l'Exécutif avait déjà tout envisagé et tout décidé. Je me suis efforcé de lui faire comprendre que son rôle à Moscou ne serait pas réduit à recevoir les ordres de l'Exécutif et qu'il pourrait prendre part largement aux discussions sur la situation française. Pour déterminer son voyage, et considérant que les faits politique, de ces dernières semaines méritent un examen attentif de l'Exécutif, j'ai pris l’engagement de vous télégraphier d'attendre l'arrivée de Frossard avant de donner une forme définitive à la lettre au Parti français, et de suspendre la publication de cette lettre, au cas où elle arriverait pendant le voyage de Frossard jusqu'à la réception de nouvelles instructions de Moscou concernant sa publication. Cela ne s'entend pas naturellement pour la résolution concernant Fabre.

J'espère que mon télégramme vous est arrivé avant l'expédition de la lettre; au cas où elle aurait été expédiée. Je vous prie de me télégraphier après l'arrivée de Frossard s'il faut la publier telle qu'elle est ou en différer la publication jusqu'au retour de Frossard. Je vous rend attentifs au fait que la présence de Frossard est absolument nécessaire au congrès de la C.G.T.U. à Saint Etienne le 25 juin. Son retour doit donc s'effectuer a temps.

Au moment où Frossard part pour Moscou, je tiens à vous communiquer franchement ma pensée sur la situation du parti. Il règne sur toutes les questions une extraordinaire confusion et la situation générale du parti est loin d'être optimiste.

2

Les dernières élections.

Si dans quelques élections partielles le parti avait remporté des succès incontestables, jamais depuis la scission il n'avait eu l'occasion de compter ses forces et de se mesurer avec les adversaires sur toute l'étendue du pays. Les élections aux conseils généraux qui viennent d'avoir lieu ont révélé quelles étaient nos forces réelles et quelles étaient les forces électorales du Parti socialiste. Les résultats que vous connaissez en détail par les journaux ont prouvé que dans un grand nombre de départements et de régions industrielles, en particulier dans le Sud de la France, notre mouvement n'est encore que superficiel et est loin d'avoir l'influence qu'on lui croyait sur les masses. Dans certains départements très ouvriers comme le Nord, le Pas-de-Calais, notre parti n'a pas I’influence prédominante sur la masse ouvrière. Les dissidents y ont encore des effectifs électoraux prolétariens plus forts que les nôtres. Il est peut-être vrai qu'à Paris les dissidents sont un état-major sans troupe - le récent défilé au Mur des Fédérés en a été une écrasante démonstration. Il est sans doute exact que les dissidents ont obtenu dans les dernières élections un grand nombre de voix bourgeoises; cela ne peut nous faire négliger que dans certaines régions, ils ont encore une influence certaine et prédominante sur les masses prolétariennes et que notre parti est loin de posséder dans certains départements l'influence que nous croyions.

Ces élections ont aussi révélé une autre grande faiblesse du parti: malgré son intransigeance doctrinale et verbale, il s'est laissé entraîner dans maints endroits à former le bloc des gauches avec les dissidents et les radicaux. Ce sont indifféremment des fédérations adversaires ou partisanes du front unique. Typique est l'exemple de Dijon où notre organisation a supprimé à son organe quotidien le titre de « communiste » pour l'appeler journal d'avant-garde. Son rédacteur dans un article se déclare d'accord avec Treint sur la tactique du front unique et en célèbre les bienfaits au point de vue électoral sous la forme du bloc des gauches.

3

Front unique.

C'est sur cette question que règne la plus grande confusion. Certes le parti n'a pas fait grand-chose pour éclairer l'opinion du parti, mais de tous les documents publiés par le Bulletin Communiste et des articles favorables publiés par l'Humanité, on pouvait attendre une plus grande compréhension chez beaucoup de militants. Les dernières élections ont prouvé que la confusion et l'incompréhension sont plus grandes que jamais. Il ne faut pas oublier que si le front unique est défendu par le groupe de camarades qui s'efforce d'appliquer à la France les directives de l'Internationale, il est aussi accepté par toute la droite du parti qui l'interprète comme un acheminement vers l'unité rompue à Tours à leur grand regret et qui le réalise sous la forme électorale du bloc des gauches. II n'y a pas de doute que ce courant de droite favorable au front unique est plus fort dans le parti que le courant de gauche également favorable et c'est pourquoi il y a un grand danger à se compter sur la question du front unique.

Pour comprendre une telle déformation clé notre pensée, il faut tenir compte de la situation générale, politique et économique de la France actuelle : la question politique est au premier plan même (les préoccupations de la classe ouvrière, c'est la lutte contre la réaction de Poincaré et du Bloc national. Le bloc des gauches qui serait capable aux prochaines élections de balayer la Chambre du Bloc national répond donc à une situation politique actuelle tandis que le front unique économique des organisations prolétariennes ne répond pas à une situation aussi actuelle et aussi urgente. II n'y a pas de doute que si le parti ne met pas toute son énergie à combattre le bloc des gauches, les fédérations y seront entraînées aux prochaines élections générales. Il faut que le parti lance les mots d'ordre positifs qui rallieront le prolétariat pour la lutte de Classe s'il veut éviter la cuisine électorale de ses organisations avec celles de la bourgeoisie dite de gauche. II faut qu'il pare au danger réel du bloc en réveillant l'intérêt de classe et en fournissant l'élément à la lutte de classe du prolétariat. Il faut qu'il déplace le centre de gravité de l'intérêt et des préoccupations du prolétariat.

Si notre parti ne réussit pas par son action à opposer le prolétariat sur le terrain de classe à cette partie gauche de la bourgeoisie qui lutte contre la réaction du Bloc national, nos organisations courent le plus grand danger aux prochaines élections générales et l'intransigeance verbale du parti sera impuissante à résister à ce courant.

Chez les adversaires du front unique, qui ont raisonné leur attitude et qui ne s'inspirent pas uniquement de cette intransigeance verbale, il y a conscience du danger que le front unique ferait courir au parti par suite de sa faiblesse intérieure. Trop de membres du parti voient dans le front unique un acheminement vers l'unité rompue à Tours et l'interprètent comme la formation du bloc des gauches. Ces camarades craignent non sans quelque raison que le parti ne se désagrège et qu'après l'expérience du front unique, on retrouve un grand nombre de sections ayant réalisé l'unité d'organisation. Cette situation est grave et il est certain que l'application du front unique sur le terrain national ne pourrait se faire sans danger que lorsque le parti se serait stabilisé, aurait clairement expliqué ce qu'est notre tactique et aurait impitoyablement condamné les partisans du front unique qui l'interprètent à la manière des éléments de droite. Dans l'état de confusion où est le parti, l'application du front unique est un danger réel.

4

Travail syndical.

Bien qu'il offre encore de grosses lacunes et une insuffisance certaine il y a cependant un certain progrès. Les syndicalistes purs (Verdier, Quinton, etc.) sont maintenant hors du parti. La commission syndicale du parti fonctionne et s'est mise d'accord en vue du congrès de Saint-Étienne avec la fraction de Monmousseau pour mener la lutte contre les anarchistes et les syndicalistes purs coalisés. Le Comité directeur a ratifié le travail de la commission syndicale, mais a eu la faiblesse de ne pas faire une obligation à tous les membres du parti de défendre son point de vue dans toutes les assemblées syndicales. Ces directives restent ainsi purement platoniques. D'autre part, les organes du parti ne mènent pas une campagne suffisante en vue du congrès de Saint-Étienne J'ai réclamé du parti qu'il intensifie la campagne de presse à ce sujet, Le parti dans son désir de garder le contact avec la C.G.T.U. n'affirme pas assez son opinion propre. Des camarades du Comité directeur comme Renoult sont prêts à tout accepter de la C.G.T.U. Ils sont partisans de l'entente à tout prix, même au prix de la capitulation du parti. Il est nécessaire sur ce point que le parti s'affirme plus nettement. Il faut agir avec prudence certes, mais il faut agir.

Le parti ne doit pas, à mon avis, considérer la situation syndicale créée en France par la scission comme définitive et doit dire clairement que l'intérêt de la classe ouvrière est dans l'unité syndicale et que les communistes doivent y travailler. Il doit clairement faire comprendre et expliquer que les syndicats doivent être non un groupement d'affinités, de tendances, mais l'organisation de classe groupant tout le prolétariat sur le terrain de ses intérêts de classe. Le fait que Monatte ait été appelé à la rédaction de l'Humanité marque la volonté du parti de travailler à l'unité syndicale, mais cela est insuffisant et le parti doit en faire un point de son programme et un aliment de son agitation.

5

Cas Fabre.

Les faits que je vous ai signalés à propos des dernières élections montrent clairement que la tendance de Fabre est un réel danger pour le parti. Ce danger est accru depuis la séance de l'Exécutif élargi, du fait que Fabre se donnait des allures de martyr et devenait dans le parti le champion de la liberté de pensée. Il continuait avec plus de succès son oeuvre de confusion et de désagrégation du parti. La nouvelle télégraphique de son exécution par l'Exécutif provoqua dans une certaine partie des militants un mouvement de fort mauvaise humeur contre l'Exécutif. La commission des conflits qui allait statuer suspendit ses travaux jugeant inutile de prononcer une sanction si le cas était jugé d'en haut. Lorsque les textes concernant l'exclusion de Fabre furent parvenus au Comité directeur, je m'attendais à un violent débat. Ce ne fut cependant pas le cas. Je fis remarquer dès le début que l'Exécutif n'était pas en désaccord politique avec le Parti français puisque le Comité directeur avait déféré Fabre à la commission des conflits aux fins d'exclusion. J'ai fait remarquer la lenteur regrettable de la commission des conflits et le vice statutaire qui permet, dans des conflits politiques, à cette commission de se placer au-dessus du Comité directeur lui-même. Il fut décidé que les résolutions de l'Exécutif seraient publiées immédiatement avec une déclaration du Comité directeur affirmant son complet accord avec l'Exécutif et reproduisant l'acte d'accusation dressé par le Comité directeur contre Fabre. Renoult aurait aimé que la déclaration du Comité directeur élevât une protestation contre la procédure de l'Exécutif et mentionnât que Frossard a le mandat de réclamer à Moscou les garanties que cette procédure ne sera pas appliquée avec abus à l'égard d'autres camarades du parti. Je me suis opposé à une telle déclaration en affirmant qu'elle paraîtrait défendre Fabre contre l'Exécutif et nuirait aux bons rapports entre l'Internationale et le parti. Cette proposition de Renoult fut combattue et repoussée par tous les membres du Comité directeur qui prit séance tenante toutes les mesures pour l'exécution des résolutions de l'Exécutif.

6

Rapports du Parti français avec l'Exécutif.

Je ne vous cache pas que j'ai trouvé ici à mon arrivée au Comité directeur une atmosphère d'hostilité très nette à l'égard de l'Exécutif. Aux deux premières séances du Comité directeur auxquelles j'ai assisté, et où on a discuté du départ de Frossard et de son mandat, Cachin a fait de violents discours contre les interventions continuelles de l'Exécutif, contre le discrédit qu'elles jettent sur le parti, réclamant la confiance, etc. J'ai rappelé alors que l'Exécutif depuis plus d'un an intervient toujours au sujet des mêmes questions parce que le parti par l'intermédiaire de ses délégués ou de ses représentants autorisés prend des engagements et fait des promesses qu'il ne tient point. Des paroles symptomatiques de cet état d'esprit et malheureuses ont été prononcées par Auclair du Comité directeur au Congrès national des Jeunesses. Cependant j'ai l'impression que mon travail ici permettra d'atténuer cet état d'esprit. La séance du Comité directeur, où fut discuté le cas Fabre et que j'attendais très orageuse, s'est passée en somme très calmement et dans un bon esprit. Par mes interventions au Comité directeur et mon action personnelle auprès de quelques camarades, je cherche à dissiper les malentendus et à diminuer l'hostilité plus ou moins avouée contre l'Exécutif. J'espère d'autre part que le voyage de Frossard à Moscou permettra aussi d'assainir l'atmosphère.

Cependant comme l'état d'esprit de beaucoup de membres du parti est très soupçonneux, il faut éviter tout ce qui est susceptible de créer inutilement des incidents capables d'entretenir la méfiance et la suspicion. Je vous signale à ce sujet que les résolutions sur le cas Fabre sont parvenues en même temps au Secrétariat du parti et chez un des camarades de l'opposition, Reynaud, qui immédiatement a accusé le parti d'avoir caché ces documents. Les membres de la direction du parti ont vu dans le fait que l'Exécutif envoyait les documents du parti à l'opposition un acte de méfiance de l'Exécutif à son égard. J'ai fait comprendre aux camarades qu'il y avait là des difficultés de liaison et que l'Exécutif n'avait nullement voulu marquer de la méfiance à l'égard du Comité directeur en ce qui concerne les documents qu'il lui envoie. Cependant, dans l'état où est le parti, de tels faits doivent être évités de la part de l'Exécutif. II crée inutilement des incidents fâcheux.

7

Les tendances dans le parti.

Il est difficile de parler de tendances dans le Parti français; si elles existaient vraiment, elles mettraient une certaine clarté dans l'extraordinaire confusion qui règne à l'heure actuelle. On peut cependant distinguer divers groupes qui sans être organisés ni homogènes représentent les grands courants du parti :

  1. la droite qui regrette la scission de Tours et désire le rapprochement avec les dissidents, de tendance pacifiste quelquefois, plutôt favorable au front unique comme acheminement vers l'unité rompue à Tours (Fabre, Toury, Verfeuil, Barabant, etc.). Ils ont gagné de l'influence dans le parti et sont au fond hostiles à l'internationale.
  2. le centre très peu homogène, oscillant de droite à gauche ou de gauche à droite suivant les influences; il forme le gros des forces du parti mais aussi son irrésolution et son manque de clarté. Ce sont les camarades qui suivent Frossard.
  3. la gauche qui seule est organisée en fraction et qui veut en tous points être en accord avec l'Internationale, favorable au iront unique. II ne faut point en exagérer la force et l'influence dans le parti. Elle compte sans doute des camarades de valeur et possède des postes importants dans le parti, mais les camarades qui la forment sont peu homogènes aussi; les uns comme Dunois, Vaillant sont prêts à collaborer avec Frossard et sont opposés à une politique de scission, tandis que Treint et ses amis parlent de la nécessité d'un Livorno français. Cette fraction a été affaiblie par l'abandon de Loriot retiré complètement de la scène politique et par sa politique à l'égard de Ker que Treint et ses amis ont éliminé sans explication préalable parce qu'il n'était pas partisan du front unique en France.
  4. l'extrême gauche de tendances très diverses, les uns comme Renoult, Meric, simplement partisans d'une intransigeance verbale et de l'entente à tout prix avec les syndicalistes. D'autres comme Heine, Métayer fortement influencés par les idées fédéralistes. En général hostiles d'une façon plus ou moins avouée à Moscou. Au lendemain du départ de Frossard, Renoult a convoqué des camarades de sa tendance pour discuter de la situation intérieure du parti. C'est probablement la formation d'une nouvelle fraction. Dès que je serai renseigné, je vous avertirai.

8

Que faire?

J'attends les directives de l'Exécutif pour mon travail ici. Cependant, comme la situation est grave, je tiens à vous communiquer ma pensée sur la solution de la crise.

Des bruits très alarmants circulent d'après lesquels l'Exécutif serait décidé à provoquer une nouvelle scission du Parti français appuyé sur la fraction de gauche. On parle dans la fraction Treint d'un Livorno français et de la nécessité d'une nouvelle scission. Ces bruits se répandent dans le parti et ne sont pas faits pour y amener de la clarté. Je ne sais ce qui a pu donner naissance à ces bruits et j'espère qu'ils ne sont pas l'expression de la réalité. Cependant mon devoir est de vous dire ma pensée à ce sujet. Je considère que dans l'état actuel du parti, une tactique pareille serait une grosse faute. La fraction sur laquelle nous pourrions nous appuyer n'a pas une grande influence sur le parti. Elle peut la conquérir par son travail, si les camarades veulent bien travailler. Mais si elle préparait une nouvelle scission, son influence diminuerait aussitôt. Nous serions loin d'avoir en France les forces que nous avions en Italie pour organiser le Parti communiste après Livorno. Cette tactique en tout cas ne devrait s'appliquer qu'après avoir tenté l'impossible pour parvenir à la solution de la crise par d'autres moyens. Et ma conviction est que ces possibilités existent.

Il faut partir de celte idée que la cure du parti nécessitera un certain temps parce que c'est toute l'éducation communiste du parti qui est à faire et c'est graduellement que le Comité directeur et le parti lui-même pourront affermir leur politique et stabiliser leur organisation. Pour permettre ce travail, il me paraît nécessaire de grouper à l'intérieur du parti le centre et la gauche en un noyau décidé à faire du parti un véritable Parti communiste, à préciser sa ligne de conduite, à orienter sa tactique dans le sens des décisions de l'Internationale. Frossard qui dirige le centre du parti est une forte intelligence politique et un habile tacticien, mais il lui manque une direction. II manœuvre pour manœuvrer, s'appuyant tantôt sur la droite ou sur la gauche ou l'extrême gauche sans but clairement défini et compréhensible pour le parti; il énerve ainsi le parti et y entretient la confusion. Il faut arriver à le « fixer », et lui donner une direction politique claire et ferme qui ne peut être que celle de l'Internationale. Si le centre et la gauche formaient un bloc, un noyau, décidé à conduire le parti, et à ruiner l'influence de l'extrême gauche et de la droite, je crois que le parti serait susceptible assez rapidement de se stabiliser. Frossard avec lequel j'ai parlé de ces choses avant son départ me paraissait désireux d'obtenir ce noyau stabilisateur au sein du parti. Le gros obstacle à un tel rapprochement et à une telle collaboration est la question du front unique et de son application en France. Il faudrait sur ce point arriver à un minimum d'entente avec la direction du Parti français pour éviter le ton parfois scandaleux des polémiques et le sabotage de la tactique internationale du front unique par la section française. J'espère que le voyage de Frossard à Moscou permettra ce rapprochement nécessaire.

De Moscou, on peut contribuer largement au travail d'éducation du parti. Je me suis rendu compte ici que les interventions sous forme d'articles de presse, discutant avec les camarades des questions où nous sommes en désaccord exerçait une réelle et bonne influence sur les militants.

Il faut aussi réclamer du parti l'élaboration d'un programme minimum de revendications immédiates qui donne un aliment à la lutte de classe quotidienne et qui renforce dans le parti la conscience de classe. C'est le seul moyen d'immuniser le parti contre le danger du bloc des gauches.

9

Chez les dissidents.

Frossard vous mettra au courant de la situation intérieure du parti de Renaudel. Longuet y est de plus en plus mis à l'écart et son opposition s'affirme. II n'est pas impossible que la crise intérieure aboutisse à une rupture. Si nous avions ici un Parti communiste solide et fort, il y aurait une opération intéressante à faire pour détacher Longuet et les importants groupes ouvriers qui le suivent, de son parti. Il ne faut pas oublier que l'influence gardée par les dissidents dans certains milieux prolétariens provient en grande partie de la personnalité de Longuet. L'état dans lequel se trouve notre parti est cependant tel que cette opération offre de grands dangers. Il faudrait que le parti ait acquis une politique claire pour que cette opération puisse se faire sans danger.


Je vous tiendrai au courant d'une façon permanente de ce qui se passe ici. Je vous prie de m'envoyer les directives nécessaires et de me faire connaître les intentions de l'Exécutif sur le développement de sa politique à l'égard du Parti français.

Fraternellement à vous, J. H.-D.


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