Brochure qui aurait dû paraître comme n°19 des Cahiers Spartacus en juin 1939 mais la Gestapo détruisit les matricules. Après guerre, Wilebaldo Solano remit copie d'un jeu d'épreuves (déposé à la Bibliothèque nationale de Paris) à René Lefeuvre qui l'édita dans la compilation Espagne: les fossoyeurs de la révolution sociale (Spartacus, série B, n°65, décembre 1975). |
L'assassinat d'A. Nin : ses causes, ses auteurs
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Détention et odyssée de Nin
Le 16 juin 1937, à midi, trois agents de police se présentèrent au local du Comité Exécutif du P.O.U.M., situé sur la Rambla de Los Etudios de Barcelone. Nin avait été préalablement averti que son arrestation avait été décidée ; mais n’ayant rien à cacher, il n’accorda pas d’importance à cette confidence. Il avait trop confiance que les méthodes de Moscou ne pourraient se répéter en Espagne. Les trois agents avaient ordre d’effectuer plusieurs arrestations. Ne trouvant que Nin, ils invitèrent celui-ci à les suivre à la Direction de la Police, où il fut conduit rapidement.
C’est vers une heure de l’après-midi, approximativement, qu’il dût entrer dans cet établissement. Les amis et camarades qui tentèrent de lui rendre visite à la Direction de la police se heurtèrent au refus le plus catégorique. On alla même jusqu’à nier absolument que Nin s’y trouvât détenu. Jusqu’à présent, on n’est pas parvenu à savoir s’il fut soumis à un interrogatoire ni de quel traitement il fut l’objet à Barcelone.
Quelques heures plus tard, on parvint à savoir qu’à 4 heures de l’après-midi il avait été emmené de la Direction de la police en automobile et conduit à Murcie, sans que personne s’expliquât pourquoi cette localité avait été choisie. Tel fut le bruit qui courut dans les premiers moments : dans la suite on sut avec plus de certitude qu’il avait été emmené en direction de Madrid. Le transfert de Nin se fit en automobile : il était accompagné d’agents staliniens du ressort de Madrid. Cette automobile était suivie d’une autre, qu’occupaient des agents étrangers de la Guépéou.
La caravane s’arrêta à Valence, sans qu’on ait pu non plus savoir où se trouva enfermé Nin pendant son séjour dans cette ville. Sa compagne qui, dès qu’elle eut connaissance des faits, se rendit à Valence, ne parvint pas à savoir où il se trouvait. Dans tous les organismes policiers où elle s’adressa, on lui répondit de façon évasive et hésitante, ce qui indique bien clairement que déjà des projets sinistres étaient formés concernant la vie de notre camarade.
L’arrêt à Valence ne dura sans doute que quelques heures, car dans le dossier de l’instruction contre le C.E. du P.O.U.M. figure, à la date du 17 juin, une déclaration faite par Nin devant la police de Madrid et en présence d’agents dont les noms, contrairement à toute coutume judiciaire, ne figurent ni au commencement ni à la fin de la déclaration. Pendant le temps qu’il resta à Madrid, il dut se trouver enfermé dans les cachots de la Brigade spéciale, située au Paseo de la Castellana : il y a en effet, sur ce point, des témoins dignes de foi.
Pour préparer un alibi pour l’assassinat qui était déjà décidé, il fut transféré, le 19 juin, dans un chalet particulier d’Alcala de Hénarès, station estivale de la province de Madrid. « La police de Madrid commit une véritable séquestration, a déclaré le ministre de la Justice d’alors, M. Irrujo, en enfermant Nin dans une maison particulière. » Cet acte fut tellement arbitraire et donnait une telle responsabilité à la police du Parti communiste que celle-ci, craignant qu’on ne voulut établir ses responsabilités, falsifia, lorsque l’affaire se découvrit, plusieurs documents, afin de tenter de démontrer que ç’avait été « par décision supérieure » que Nin avait été transféré à Alcala de Hénarès, « car, étant donné sa personnalité, il était nécessaire de l’entourer des plus grandes garanties de sécurité », lit-on dans un rapport de police postérieur.
Des renseignements et des déclarations rassemblés, les autorités judiciaires elles-mêmes sont parvenues à établir que les divers transferts d’Andrès Nin n’étaient mentionnés sur les registres d’aucun centre officiel et que, par conséquent, ils se firent d’une manière arbitraire sans absolument qu’aucune des formalités légales, stipulées pour de tels cas, eût été accomplie et sans que lui-même eût été détenu dans aucune prison officielle de l’Etat. La police stalinienne agit exclusivement pour son compte et de sa propre initiative, et complètement en marge des lois en vigueur.
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