1920

Source : num�ro 21 du Bulletin communiste (premi�re ann�e), 29 juillet 1920. L'article a �galement paru en anglais sous le titre � England and the East ï¿½ le 1er juillet 1920 dans le journal The call, avec une premi�re partie qui ne figure pas ici.


La question d'Orient

Karl Radek


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Dans son livre sur les cons�quences �conomiques de la paix de Versailles Keynes �crit qu'au cours de la conf�rence de la Paix il avait l'impression que toutes tes d�cisions de Wilson, de Clemenceau, de Lloyd George n'�taient que des fant�mes, des figures de r�ve ; que tous ces ma�tres du destin de l'humanit� n'�taient que des pantins dont l'histoire maniait les ficelles. Les Alli�s vont bient�t avoir l'occasion de se convaincre par l'exp�rience turque combien l'histoire se moque d'eux et les ballotte � sa guise.

Les Alli�s ont condamn� � mort la Russie des Soviets, et la Russie des Soviets vit, elle se lib�re, elle brise ses cha�nes dans la lutte pour son existence, et elle d�truit les fondements de la r�action occidentale.

Les Alli�s n'ont pas condamn� � mort l'imp�rialisme allemand, qui est d�j� vaincu devant l'histoire, mais ils ont condamn� le peuple allemand aux travaux forc�s. Des cruaut�s de la guerre civile, un nouveau peuple allemand est n� un prol�tariat allemand devenu force r�volutionnaire, comme un Samson � qui jamais nulle Dalila ne coupera la chevelure, comme un Samson qui lorsqu'il se l�vera �branlera les piliers sur lesquels repose enti�rement la paix victorieuse des Alli�s.

Les Alli�s ont condamn� � mort, non pas le vieux nationalisme turc, mais le peuple turc lui-m�me. Ils voulaient en faire un peuple sans pays. Mais ce peuple, compos� de paysans que n'a pas touch�s la culture moderne, s'est soulev� et a pris les armes.

Les Alli�s ne voulaient pas soumettre seulement toute l'Europe. Ils voulaient aussi lancer les unes contre les autres les nations qu'ils assujettissaient. Ils voulaient �trangler la Russie sovi�tiste par les mains des soldais allemands. Ils voulaient nous cerner par la Turquie. Mais en voulant �tendre sa domination, l'Entente a uni l'Europe centrale � l'Europe orientale, et elle a jet� les ponts reliant les sources profondes de la r�volution aux pays d'Orient.

Si, il y a un an, l'Entente avait �pargn� les imp�rialistes allemands, si elle avait donn� �. la bourgeoisie allemande la possibilit� de reconstruire sa domination social-�conomique, elle aurait pu l'employer aujourd'hui contre la r�volution prol�tarienne de Russie. Mais, par avidit� et avec la conviction qu'en faisant peser toutes les charges de la guerre sur le peuple allemand, elle �viterait la r�volution chez elle, elle a si bien travaill� qu'apr�s un an elle a fait plus pour la r�volution allemande que n'aurait pu faire la plus puissante propagande communiste. Aujourd'hui, les Alli�s peuvent tenter d'amnistier les Ludendorff et C�, et de les lancer contre la Russie communiste. Le seul effet qu'ils en pourraient obtenir, serait de h�ter la victoire du prol�tariat allemand. En d�membrant la Turquie, en d�chirant le corps vivant de ce pays, ils jettent les Jeunes Turcs dans les bras des Soviets. Ils cr�ent une situation telle que les Turcs, qui voyaient toujours dans le Russe un ennemi h�r�ditaire, se tournent aujourd'hui vers Moscou comme vers le seul point d'o� puisse leur venir le salut.

Les Soviets veulent la paix par tous les moyens ; pour eux ne peut exister aucun d�sir de conqu�te, mais ils sont pr�ts � soutenir les peuples exploit�s qui se soul�vent. Cette Russie communiste, toute saignante des ruines de la guerre qui lui est impos�e, a devant elle une formidable t�che de construction int�rieure pour laquelle il lui faut une force cr�atrice extraordinaire. En signant avec elle une paix honorable, les Alli�s donneraient la possibilit� de vivre et de travailler au plus r�volutionnaire des gouvernements, � un gouvernement qui peut �tre consid�r� comme l'avant-garde du prol�tariat international. Et ils lui permettraient de concentrer ses forces pour la r�solution des probl�mes sociaux int�rieurs.

Mais les Alli�s ne veulent pas conclure cette paix. Ils commencent aujourd'hui des pourparlers commerciaux, et le lendemain ils permettent de d�clencher l'offensive polonaise, bien qu'un simple mot de leur part e�t suffit � l'emp�cher. L'imp�rialisme anglais, en particulier, ne peut se r�soudre envers les Soviets � aucune politique honn�te, parce qu'il craint trop leur influence r�volutionnaire en Orient. Mais il pousse lui-m�me la Russie vers l'Orient, car il va de soi que si les Soviets n'obtiennent pas la paix, et qu'ils soient oblig�s de lutter contre les Alli�s, ils les frapperont l� o� il est le plus facile de les atteindre.

Par l'offensive polonaise, les Soviets sont forc�s d'atteindre la France. Car la d�faite de la Pologne signifie la d�faire de l'unique alli�e de la France. Les Soviets disent � la France : � Tu l'as voulu, Georges Dandin ! ï¿½ La Pologne bourgeoise pouvait vivre en toute ind�pendance : il lui suffisait de voisiner en paix avec la Russie. Elle a pris les armes contre la Russie : les armes la terrasseront !

En soutenant la Pologne, l'imp�rialisme anglais nous oblige � chercher les points o� il est le plus vuln�rable. Ces points se trouvent en Asie mineure et moyenne. Si l'imp�rialisme. anglais nous y oblige, nous lui ferons plus de tort en Asie qu'il ne peut nous faire de tort en Occident. Les aventuriers du Quai d'Orsay sont vou�s � la mort dans un avenir rapproch�. L'imp�rialisme anglais vivra plus longtemps que le fran�ais. Mais bient�t il devra se raviser ou il sera vaincu, car l'histoire se d�veloppe aujourd'hui plus vite que ne se figurent l'honorable Lord Curzon et m�me son coll�gue plein de temp�rament Lloyd George. Des �v�nements historiques peuvent se produire m�me dans l'intervalle de deux s�ances du Conseil Supr�me des Alli�s. Le monde est un volcan, l'histoire mondiale est aujourd'hui une temp�te. Les Alli�s, qui ne sont m�me pas en �tat de maintenir sous leur domination compl�te la classe ouvri�re de leurs propres pays, ne seront certainement pas en �tat d'encha�ner les forces �l�mentaires de l'histoire. Le temps ne peut attendre : il exige des d�cisions et des d�cisions claires.

Pr�te � la paix, pr�te � des concessions, pr�te � vivre en paisible voisinage m�me avec les pays capitalistes aussi longtemps que la classe ouvri�re d'Occident subit le poids du syst�me capitaliste, la Russie des Soviets n'est pas un aigle � qui les vautours de l'imp�rialisme puissent impun�ment s'attaquer. C'est une force, une grande force, une force croissante. Elle obligera ses ennemis � compter avec elle et � la laisser vivre en paix.


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