1921

Source : numéro 86 de Quatrième Internationale, mai 1959, précédé de l'introduction suivante :
« Toukhatchevsky, une des plus éminentes victimes des épurations de Staline dans la période 1936-38, a été réhabilité et a retrouvé une place dans l'Encyclopédie soviétique. Nous ne reviendrons pas ici sur le caractère des « réhabilitations » actuelles, qui entrent dans le cadre de la politique d'autodéfense de la démocratie soviétique. Le jour viendra où les réhabilitations seront complètes et franches.
Nous avons pensé utile de publier un exposé de Toukhatchevsky, qui fut édité à l'époque dans une série de brochures de l'Internationale Communiste. Cet exposé fut présenté au cours d'une discussion qui eut lieu à la Société Militaire Scientifique, attachée à l'Académie Militaire de l'Armée Rouge. La discussion se tint sous la présidence de Léon Trotsky, à l'époque Commissaire du Peuple à l'Armée Rouge, qui l'ouvrit par quelques remarques exposant le but de la discussion : au lendemain de la guerre civile victorieuse et en prévision de nouvelles agressions auxquelles l'Union Soviétique aurait à faire face, établir un certain nombre de règles fondamentales de doctrine de la jeune armée. À la fin de la discussion, Trotsky, dans un exposé final, tira les enseignements de ce débat. Au sujet du discours de Toukhatchevsky, il en critiqua quelques « généralisations trop hâtives » : il ne pensait pas que l'on avait vu la fin de la guerre de positions ; et il ne pensait pas du tout qu'il fallait condamner absolument le système de la milice. Des conditions meilleures existeront dans la paysannerie et dans la classe ouvrière, disait-il, qui permettront une transition vers la milice.
Notre intention, en publiant la brochure de Toukhatchevsky, n'est pas de reprendre ces débats anciens. Nous avons voulu montrer dans quel esprit fut constituée, du temps de Lénine et de Trotsky, l'Armée Rouge. C'est l'ancien lieutenant de la garde du tsar, conquis par la vigueur de la révolution prolétarienne et devenu le plus éminent spécialiste militaire de la jeune République soviétique, qui le dit clairement : c'est une armée rouge, non une armée russe, c'est un instrument de la révolution mondiale. Même après que les travailleurs avaient pris le pouvoir et s'étaient ainsi conquis une patrie, il n'était nullement question de grandeur « nationale » et autres poisons chauvins dont les staliniens abreuvent actuellement les militants ouvriers. L'Etat soviétique et son armée se subordonnaient aux impératifs de la révolution prolétarienne internationale. Les travailleurs soviétiques, en reconquérant la démocratie soviétique, non seulement rendront justice à tous les révolutionnaires victimes de Staline, ils rétabliront les rapports du mouvement ouvrier international et de l'Etat soviétique tels qu'ils se trouvaient dans les premières années de la Révolution d'Octobre. »


L'Armée Rouge

Mikhaïl Toukhatchevsky

14 janvier 1921

 


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Autrefois il semblait parfaitement naturel et juste de conférer à l'Etat socialiste la capacité de défense requise à l'aide d'une milice. A présent, ce point de vue est considéré de façon de plus en plus critique, voire rejeté à la suite d'une analyse approfondie. Dans cette question, le passé est loin de jouer le moindre rôle, la croyance en l'infaillibilité de la connaissance acquise ne disparaît que lentement. Cette croyance a conduit beaucoup de gens à ne pas reprendre le problème évoqué dans ses fondements, mais de le considérer du point de vue de telle ou telle généralisation d'un système insensé au sein des données réelles d'un Etat socialiste. Mais il y a aussi des gens qui non seulement considèrent comme superflu de réexaminer ce problème, mais encore revendiquent — s'en tenant à l'idée une fois conçue clairement — l'application immédiate du système des milices en Russie soviétique.

Cet article a pour but d'examiner ce problème. Pour ce faire, il est nécessaire non seulement d'examiner dans quelle mesure le système des milices est utilisable pour la dictature du prolétariat, mais aussi la nature du système des milices et, enfin, également ce système d'armée socialiste qui répond aux exigences d'une force militaire véritablement socialiste et à ses tâches.

Défense et attaque

A l'époque de la 2e Internationale dominait dans la tête des socialistes l'idée de la « défense de la patrie ». Les agressions armées étaient condamnées sans distinction quant à leurs motifs, objectifs ou causes. En cela se revélait la forme spécifique de la lutte de la 2e Internationale contre l'impérialisme. C'est précisément pourquoi notre problème a subi un éclairage quelque peu unilatéral. Cette lutte, ou plus exactement, cette demi-lutte exclusivement passive avec l'impérialisme a systématiquement enlevé au prolétariat l'idée de l'activité, l'idée d'une offensive du prolétariat contre la bourgeoisie, et lui a rendu considérablement plus difficile la claire compréhension des conséquences possibles d'une telle offensive.

La situation militaire actuelle de la Russie soviétique en tant que propagatrice de la révolution dans le monde entier, n'est même pas du tout prise en considération. Cependant, cette situation ne peut jamais se présenter du point de vue militaire entre Etats impérialistes.

Mais les détails de la question ne trahissent pas seuls les défauts d'une telle tournure d'esprit passive. Tout le fondement de l'idée de l'offensive militaire de la classe prolétarienne contre la bourgeoisie est, du point de vue militaire, injustement limité. La 2e Internationale a inoculé à tout le monde l'idée qu'un tel combat offensif n'était admissible que dans le cadre étroit d'un Etat. Naturellement, dans leur riche diversité, la vie et la révolution socialistes ne se laissent enfermer dans aucun cadre. Irrésistiblement, elle s'étend par le monde entier, et sa force d'expansion durera tant que sur terre il y aura une bourgeoisie.

Par quelle voie pourra-t-elle bien atteindre son but ? Par la voie de soulèvements armés à l'intérieur de chaque Etat ou par la voie de soulèvements armés d'Etats socialistes contre des Etats bourgeois, ou bien aussi par les deux voies ensemble : cela ne peut être prédit, le déroulement de la révolution nous le montrera. Une chose est sûre : si quelque part une révolution socialiste est arrivée au pouvoir, elle a le droit indiscutable de s'étendre, elle tendra dès lors, par la puissance élémentaire, grâce à une influence immédiate sur tous les pays voisins, à embrasser le monde entier. Son principal instrument sera, naturellement, sa puissance militaire.

Nous voyons donc que la révolution socialiste requiert de la part de son armée la capacité de mener des opérations actives, offensives à l'intérieur des frontières propres et, si le cours des choses l'y oblige, également à l'extérieur de ces mêmes frontières.

Le système de recrutement

La structure d'une armée est conditionnée, d'une part, par les objectifs politiques qu'elle doit poursuivre ; d'autre part, par le système de recrutement en vigueur. Ce sont là deux données décisives pour le système d'édification d'une armée.

Dans la période d'avant la Révolution française, alors que les buts politiques, en particulier actifs, étaient fixés par les monarques et leurs cours sans aucune participation du peuple, et alors que l'armée se recrutait de mercenaires, toute la structure de l'armée — d'ailleurs relativement petite — avait une rare régularité. L'importance de l'armée dépendait des moyens dont disposait la cour, mais elle devait être régulière, parce que des armées de mercenaires exigent une longue et dure période d'entraînement et parce qu'une armée de mercenaires ne peut s'acquérir rapidement.

La grande Révolution française a apporté un tournant décisif dans le domaine militaire.

Les objectifs politiques, qui, d'après leur nature, étaient toujours actifs allaient désormais au cœur des masses populaires. Le système de recrutement subit la modification la plus fondamentale. Il se transforma en un système national et obligatoire. Il procura à la Révolution française des masses militaires énormes, inconnues jusqu'alors, et modifia aussi toute la stratégie en lui apportant des méthodes qui correspondaient aux nouvelles formes de l'armée.

Ce système constitua la base de toutes les armées européennes des 19e et 20e siècles :

Les Allemands furent les premiers à concevoir théoriquement ces nouvelles formes et à faire de ce principe le fondement de leur « peuple armé ».

Ce système s'est développé de façon ininterrompue. L'importance des armées sur pied en temps de paix se modifia peu, par contre, le temps du service diminua de plus en plus, ce qui avait pour conséquence que des couches de plus en plus larges de la population étaient rendues utilisables pour le militarisme. En cas de guerre, on appelait sous les drapeaux ces masses de réservistes exercés, et, de cette façon, une fraction énorme de la population, comptant plusieurs millions d'hommes, pouvait immédiatement partir en campagne.

Le développement de ce système de l'armée nationale s'accomplit parallèlement au développement de l'industrie, de la technique, des transports, etc. Le maniement de cette armée colossale impliquait un réseau ferroviaire largement déployé et des plans élaborés jusque dans les moindres détails.

Cependant, les noyaux proprement dits de l'armée n'étaient plus aussi capables de faire la guerre, ni aussi résistants qu'autrefois. Avec la diminution de la durée du service, la qualité de l'instruction de l'armée et sa valeur avaient baissé aussi. Tout cela amena un rapide perfectionnement des moyens militaires, techniques pour renforcer le moral de la troupe, ou, plus exactement, pour y suppléer. Ces derniers temps, la technique militaire a connu des succès inattendus.

Cet état de choses a également contraint d'utiliser des moyens techniques toujours plus grands pour les besoins de la mobilisation et de ne mettre, par contre, que des moyens insignifiants à la disposition du noyau de l'armée. De fait, si nous pensons un instant à l'importance qu'ont les automobiles, les avions, etc., il est bien évident que ces moyens techniques, qui sont de la plus haute importance pour l'Etat, ne peuvent être retirés à la vie de façon permanente et ne peuvent être attribués au domaine militaire qu'au début de la mobilisation.

De même il est devenu impossible à la longue d'occuper le nombre nécessaire pour la production d'équipements militaires. Il aurait fallu pour cela la moitié de toute l'industrie. Aussi n'employait-on, par exemple, l'industrie pour la production d'armes à feu individuelles à une échelle convenable qu'à partir de la mobilisation. Et de même pour tous les autres domaines de l'équipement militaire.

La nation investissait ses forces toujours davantage dans la vie économique du pays. Mais, dès le décret de mobilisation, elle s'organisait en fonction de la guerre. On a très justement qualifié ce système de système du « peuple armé ».

En général, à mesure de la croissance du chiffre de la population et de l'élévation du niveau de la technique et de l'industrie, se développait également l'armée. Celle-ci, insignifiante en temps de paix, se gonflait dans les quelques jours de la mobilisation, jusqu'à prendre des proportions gigantesques. La stratégie aussi dut s'adapter à ce système. Dans sa forte dépendance à l'égard des chemins de fer, elle devint beaucoup moins libre et de plus en plus liée par les dimensions de l'armée et de la technique. L'instruction de l'armée fut de plus en plus négligée, tandis que celle de l'Etat-major passait au premier plan ; la tactique dépendait presque entièrement de l'exactitude des calculs chiffrés et du degré de précision avec lequel les troupes pouvaient être déplacées au moyen des chemins de fer. Les énormes et lourdes armées de masse rendaient toujours plus difficile la conduite active de la guerre, quand on ne pouvait pas s'appuyer sur une technique de premier ordre et sur un réseau ferroviaire adéquatement et largement ramifié.

Ces conditions fixaient les limites de l'accroissement de l'armée, qui devait se régler sur le développement industriel du pays. Avec la croissance de l'industrie pouvait donc s'élever la forme numérique des forces armées. Par un développement extrême de la technique et de l'industrie, on devait donc aussi pouvoir amener l'armée à une grandeur maxima ; à la condition d'une technique militaire extrêmement perfectionnée, la qualité d'une armée pourrait presque entièrement être remplacée par sa quantité. Avec un réseau ferroviaire idéal, une armée aussi gigantesque, même si elle ne s'y entend pas à manœuvrer, pourrait, à l'aide d'une direction militaire bien instruite, exécuter les mouvements les plus compliqués. Une telle armée, comprenant en temps de guerre presque toute la population masculine, ne détournerait pas celle-ci du travail productif en temps de paix. Si une telle organisation devait bien mener à une faible instruction des troupes, elle devait néanmoins, grâce à des perfectionnements techniques, pouvoir convenablement résoudre des tâchés actives et réduire l'adversaire par son nombre et sa technique.

Quelle limite s'impose donc au développement de l'idée d'une armée bourgeoise basée sur la conscription générale, nationale ?

On avait reconnu inconsciemment cette limite qu'on appelait le « système des milices ».

Mais il se manifesta un malentendu. L'idée d'une armée de milices n'est pas apparue comme la suite logique de la pensée militaire antérieure, mais elle émergea tout à fait par hasard et de façon inattendue dans le camp socialiste, et c'est là qu'elle s'est implantée — dans ce même camp qui avait combattu les adeptes du « peuple armé ».

La revendication de la milice est déjà inscrite dans des programmes démocratiques de 1848. L'idéologie démocratique ignore les classes ; elle ne connaît que « le peuple » uni, indifférencié, dont les droits ont été usurpés par les « tyrans », l'« Etat », etc... La défense des « libertés populaires » requiert une « armée populaire ».

L'idée du « peuple armé » et l'idée de la milice — celle-ci n'étant à vrai dire que le développement logique de celle-là, mais n'ayant été reconnue comme telle par aucun des deux adversaires — ces idées passèrent longtemps pour extrêmement opposées.

Pourquoi le système de la milice a-t-il été combattu aussi violemment et aussi obstinément par les dirigeants de l'armée régulière ? Ceci n'eut pas lieu surtout parce qu'une armée géante, avec sa faible discipline, effrayait les spécialistes militaires. Une telle supposition ne peut être le fruit que d'un jugement primaire. Ce que l'on craignait était bien plutôt que l'armée de milice ne pourrait accomplir à pied des mouvements de quelque importance ; de fait, le niveau de la technique n'avait permis jusqu'ici dans aucun pays l'utilisation de l'énorme armée de milice comme une force mobile capable d'action, car pour cela les chemins de fer, automobiles et autres moyens de transport étaient encore insuffisamment développés. Mais le corps des officiers, éduqué dans son ensemble avec des conceptions impérialistes, ne pouvait accepter l'armée de milice, qui est, par nature, passive et destinée uniquement à des missions défensives. Les commandants n'avaient que faire d'une telle armée. Ils rêvaient de conquêtes et de campagnes victorieuses.

Aussi la deuxième Internationale a-t-elle naturellement défendu le système de la milice dans sa lutte contre l'impérialisme. Ce système est devenu une tradition pour les socialistes. Petit, à petit on en oublia complètement le but véritable d'une armée : on ne pensait pas à une guerre socialiste active et l'on considérait comme la tâche principale de l'armée d'être à la charge de l'économie du pays le moins possible.

De cette façon a résulté dans ces questions importantes un malentendu permanent. L'une des parties n'a pas voulu reconnaître que le système de la milice était le système militaire le plus conséquent, le plus puissant de l'Etat bourgeois à l'étape suprême de son développement capitaliste, tandis que la partie adverse, dans son combat contre les ambitions capitalistes, tentait de mettre en valeur le système de la milice, lequel, du fait du niveau de développement relativement faible de l'industrie, n'était utilisable qu'à des fins défensives. Dans ce combat se perdit la compréhension du véritable rôle de toute armée, et on succomba à la croyance fanatique de l'appartenance de l'armée de milice à l'ordre social socialiste.

Aujourd'hui, à l'époque de l'édification socialiste, il reste encore beaucoup de partisans de cette vieille idée, ou, mieux, de cette vieille superstition. Ces adorateurs de la milice ne font même pas l'effort d'examiner par une analyse la signification de ce problème pour le pays et pour la classe. Obstinément et sans réflexion ils exigent l'introduction immédiate du système de milice en Russie soviétique. Ils ne peuvent pas saisir que tout nouvel ordre social, et en particulier lorsqu'il succède à de puissantes convulsions révolutionnaires, rend aussi nécessaire un nouveau système militaire.

Essayons d'examiner de plus près le problème des forces armées d'un Etat fondé sur la dictature du prolétariat.

Il va de soi que le prolétariat sorti victorieux de la lutte de classe ne peut procéder au recrutement de son armée par le service militaire obligatoire général, national. Le recrutement ne peut être fondé que sur la conscription obligatoire des classes travailleuses. Un tel système se distinguerait du système bourgeois et national également d'un autre point de vue. Du fait que le système de recrutement d'une armée repose essentiellement sur la classe ouvrière, ce système lui-même aussi devient international. La paysannerie pauvre qui est admise dans l'Armée rouge, ne change rien à ce principe.

Nous voyons donc maintenant que la révolution socialiste a mis sur pied un nouveau système de recrutement — l'armée de classe internationale — par opposition au système bourgeois qui a produit l'armée nationale et démocratique.

Nous savons que le système de recrutement influe sur la composition des forces armées d'un Etat et même sur la science militaire. Et notre révolution a effectivement bouleversé l'ensemble de l'art militaire.

Cette donnée extrêmement caractéristique de nos guerres socialistes modifie toute la technique de la conduite de la guerre ; c'est avant tout cette donnée qui confère à l'armée socialiste et à son système de recrutement leur caractère international. Elle offre à l'Armée rouge la possibilité d'un recrutement presque illimité et autorise à la stratégie prolétarienne de poursuivre des tâches et des objectifs qui restent inaccessibles pour toute autre stratégie.

L'organisation des forces armées

Avant que nous puissions résoudre le problème de la structure d'une armée socialiste, il nous faut éclairer davantage quelques données des forces armées en général et les conditions de la guerre dans différentes circonstances.

Considérons d'abord les conditions d'utilisation du système de la milice. Le système de la milice exige, au même titre que le système de l'armée régulière permanente, un travail préparatoire compliqué et extrêmement précis pour pouvoir mettre sur pied en cas de guerre la force militaire requise. Cela suppose un appareil administratif militaire conçu à la perfection. Un plan de mobilisation élaboré jusque dans ses moindres détails est absolument indispensable, l'instruction doit être parfaite, et il en est de même pour bien d'autres choses. L'armée de milice, au même titre que l'armée moderne permanente, doit être organisée selon le principe territorial. Les différentes circonscriptions doivent former des unités fixes et autonomes. L'appareil technique administratif doit œuvrer avec une précision absolue, tout ce travail préparatoire exige un temps assez long, qui ne se mesure pas en mois, mais en années. Il faut, enfin, ajouter que, comme l'armée permanente, l'armée de milice suppose une population homogène — en tout cas, la population ne doit pas être morcelée par la lutte des classes.

Toutes ces conditions étant réunies, l'appareil d'une armée de milice peut, après un travail préparatoire systématique de plusieurs années, mettre sur pied immédiatement après la publication du décret de mobilisation, une armée de masse énorme prête au combat.

Voyons maintenant comment se constitue une armée révolutionnaire socialiste.

Avant toutes choses, il est à remarquer que la façon même dont elle se constitue est diamétralement opposée à celle d'une armée de milice. Celle-ci se constitue au terme d'un long travail de préparation de l'appareil administratif militaire, tandis que l'armée socialiste commence à se former immédiatement après la révolution de façon toute élémentaire ; en effet, il n'y a pas d'autorités administratives et l'on n'en organise pas. Petit à petit l'organisation se développe par elle-même. L'armée croît et s'affermit. Imprégnée d'une forte conscience de classe et par le désir révolutionnaire de vaincre, elle devient rapidement une armée régulière, capable de combattre. Les organes administratifs militaires sont loin de se développer avec le même succès. Comme ils se composent essentiellement de spécialistes qui appartiennent à la classe qui a été renversée, ils restent encore longtemps inviables et rattachés par le cordon ombilical à l'armée active.

On a déjà dit que l'organisation de l'Armée Rouge s'édifie sur le principe de la lutte des classes. L'application de ce système offre de grandes difficultés. Les premiers temps, l'Armée Rouge se constitue par des volontaires qui viennent des classes travailleuses. Ceux-ci forment précisément le noyau d'action de l'Armée Rouge, défendant consciemment des intérêts de classe, qui, par la suite, peuvent aussi englober, éduquer et amener à la conscience politique nécessaire des éléments qui en sont dépourvus.

Mais, à supposer même que de puissants noyaux prolétariens ayant une conscience de classe existent, le recrutement rencontre de grandes difficultés dans des régions à population rurale en majorité bourgeoise et ne va pas toujours sans dangers. Chacun sait l'importance énorme du travail d'éclaircissement politique parmi nos troupes et combien les masses de paysans fraîchement arrivées et indifférentes sont difficiles à assimiler. Ce n'est qu'à la condition de forts noyaux, politiquement bien éduqués, avec de nombreux communistes bien répartis, que des masses de paysans inconscients se laissent facilement et rapidement travailler.

On ne peut absolument pas comprendre comment une armée de milice, qui pratiquement se composerait d'une très grande majorité de paysans, pourrait être immédiatement après la mobilisation d'une haute qualification politique et se mettre en campagne, avec des drapeaux communistes, sûre de la victoire. Il est tout à fait clair qu'une telle supposition est carrément stupide.

Il suffit d'observer le chef de bande Makhno qui sévit en Ukraine et qui ne vit qu'aux frais de la paysannerie ukrainienne riche, qui lui fournit le matériel humain nécessaire, le pourvoit en chevaux, ravitaillement, etc., pour comprendre qu'avec l'introduction de la milice dans ces contrées, on créerait des verges pour se faire fouetter.

Les tâches et la durée d'une guerre

Les tâches d'une armée socialiste peuvent très diverses.

L'Armée Rouge peut combattre des formations contre-révolutionnaires intérieures avec l'objectif de les réduire complètement ; elle peut lutter contre la bourgeoisie des Etats voisins si leurs gouvernements veulent étouffer l'Etat socialiste ; dans ce cas aussi, le combat ne s'arrêtera guère avant que l'un des adversaires soit écrasé. D'une façon générale, la guerre, même avec des interruptions, durera jusqu'à ce que l'Etat socialiste soit complètement détruit et cesse d'exister en tant que tel, ou bien alors jusqu'à ce que la révolution ait embrasé tout le globe.

Impossible et indéfendable est le point de vue que ce monde, ébranlé jusque dans ses fondements, se partagerait subitement et en toute quiétude en deux moitiés : l'une socialiste et l'autre capitaliste, qui pourraient dorénavant vivre côte à côte, pacifiquement et en bons voisins. Il est d'une clarté aveuglante qu'une telle situation ne pourra jamais se présenter et que la guerre socialiste durera jusqu'à la victoire finale de l'un ou l'autre camp.

Nous voyons, par conséquent, que jusqu'à la décision finale de ce combat, le moment n'interviendra jamais où l'Etat prolétarien pourrait dissoudre l'Armée Rouge qu'il a à présent, pour s'attaquer à la longue organisation de l'armée de milice.

Il est vrai que l'on pourrait bien introduire le système de la milice après la victoire définitive de la révolution prolétarienne, après donc, l'introduction dans le monde entier d'un ordre social communiste unique. Mais qui, dès lors en aurait encore besoin ? De toutes façons, l'organisme étatique en voie de dépérissement rendrait ce système tout à fait impossible, nonobstant toutes les imprécations des partisans de l'armée de milice.

Il s'avère donc que le système de la milice ne s'accorde pas avec la révolution socialiste depuis sa naissance jusqu'à sa plus grande extension embrassant le monde entier.

Particularités stratégiques des armées et ressources auxiliaires du pays

Les traits et caractéristiques de l'armée de milice sont les dimensions énormes de cette armée, sa capacité militaire relativement faible et un excellent équipement avec le matériel le plus moderne de la technique militaire. Toutes ces caractéristiques se trouvent en rapport étroit l'une avec l'autre.

Les énormes armées qui se voient appelées par la mobilisation, qui n'ont pas de noyaux permanents et, par là, n'ont pas pu recevoir en temps de paix de formation approfondie dans les formations militaires régulières, ces armées n'auront évidemment qu'une discipline et qu'une valeur militaire médiocres. Leur faiblesse s'avérera particulièrement nette dans le domaine des manœuvres et de la tactique. Ces insuffisances doivent absolument être compensées d'une façon ou d'une autre par un moyen quelconque, et la technique de la guerre est précisément le moyen qui y convient. On tendra à la déployer dans toute sa puissance pour démoraliser l'adversaire et pour couvrir ses propres troupes. Etant donné ces circonstances, l'armée de milice convient mieux à la défense qu'à l'attaque.

Néanmoins, cette propriété de la milice, sa puissance numérique énorme, peut rendre sur le théâtre des opérations de bons services. A cette fin, il faut seulement avoir un réseau de transports excellent pour l'acheminement des hommes par chemins de fer, par voitures et par voies d'eau. Dans ces conditions, même des troupes lourdes et de capacité militaire réduite peuvent défaire l'adversaire avec leurs masses bien concentrées. Mais cet avantage de la milice ne joue qu'avec d'excellents moyens de transport et un équipement technique parfait. En outre si nous avons à l'esprit les quantités inévitables d'équipement, d'approvisionnement, de matériel équestre, etc. que cela implique, il faut reconnaître qu'une telle armée de milice ne peut remplir sa tâche que dans un pays à l'industrie hautement développée. Il serait insensé de penser qu'en temps de paix, une armée de milice n'exige que des dépenses restreintes. On ne doit pas oublier que les fusils, les canons et en général tout l'armement doit exister déjà avant la guerre et être maintenu en parfait état.

Ainsi le système de la milice serait une force énorme, mais seulement à la condition que l'Etat soit extrêmement cultivé et dispose d'une industrie hautement développée et de grandes richesses. Ces grands moyens sont particulièrement nécessaires au cours de la guerre. Il n'est que de penser aux millions de fusils, aux centaines de milliers de mitrailleuses, aux dizaines de milliers de canons, aux centaines de millions d'obus, aux milliards de balles, etc., sans même compter du tout les pertes humaines. Souvenons-nous simplement des dimensions de la récente guerre des « peuples armés » qui ne peut être considérée que comme une étape préparatoire par rapport aux dimensions d'un combat des armées de milice. Un Etat socialiste quelconque peut-il, dans sa période transitoire, faire face à de telles dépenses ? Sans ces masses humaines énormes et sans cette technique militaire poussée jusqu'à la perfection, une armée de milice ne vaut pas le moindre sou.

Si nous examinons maintenant de plus près où le système de la milice conduirait notre République, nous constaterons ceci : avant tout, nous ne réussirons pas à construire l'appareil militaire administratif avant le commencement de la prochaine guerre. Deuxièmement, par là, dans toute une série de régions de notre pays, nous ne ferions rien d'autre qu'armer nos propres ennemis contre-révolutionnaires. Troisièmement, nous ne pourrions ni vêtir, ni équiper les millions de mobilisés. Quatrièmement, nous ne pourrions pas amener en temps voulu cette masse militaire énorme à la frontière menacée, et par exemple, les Polonais auraient déjà occupé Moscou, encore avant que notre armée de milice aurait eu le temps de se concentrer dans la région de la Volga. Cinquièmement, nos moyens de transport ne suffiraient pas pour déplacer l'armée de milice à volonté sur le terrain des opérations, et un adversaire sensiblement plus faible mais par contre, bien équipé en moyens techniques, pourrait battre aisément des détachements de troupes isolés. Enfin nous condamnerions nous-mêmes notre immense armée à la mort car nous ne pourrons la pourvoir ni avec des approvisionnements suffisants ni avec tous les autres équipements.

J'ai entendu à l'occasion, de la part d'adorateurs du système de la milice, des déclarations dont il ressort qu'ils se considèrent eux-mêmes comme des représentants conséquents de l'idée d'une République soviétique militairement puissante. Personnellement, je n'aurais rien à redire au système de la milice s'il menait effectivement au but. Mais malheureusement ce système n'aurait pour conséquence que des défaites communistes. Chez nous, l'introduction du système de la milice signifierait une crucifixion de la République des Soviets.

Il y aussi certains généraux trop zélés qui, c'est facile à comprendre, voient dans l'introduction du système de la milice leur dernier espoir et qui, pour cette raison, interviennent avec enthousiasme en faveur de ce système.

Ces derniers temps, alors qu'il y a déjà beaucoup de camarades du Parti qui repoussent avec force le système de la milice, on entend les partisans de ce dernier déclarer qu'ils pensent à une milice différente de celle de la IIe Internationale, que la milice doit être organisée de toute autre façon, etc.

De tels arguments prouvent seulement que ces camarades n'ont pas du tout réfléchi sérieusement au problème. Sans examiner de plus près la question des forces armées de l'Etat prolétarien, ils se sont rabattus sur cette chose connue depuis longtemps, la milice. Mais lorsqu'ils se sont aperçus qu'un tel système est irréalisable, ils ont imaginé des formes nouvelles, qu'avec obstination ils appellent du vieux nom. La notion du « système de la milice » est nettement définie ; on ne peut la transposer à volonté sur d'autres systèmes.

Passons maintenant à la question des conditions que les ressources de notre République ainsi que de toute autre République des conseils offrent aux armées qui leur sont nécessaires pendant la période transitoire.

Il n'y a pas grand chose à dire à ce sujet. Chacun comprendra sans difficulté qu'un pays appauvri a besoin avant tout d'une petite armée, dont la quantité insuffisante doit être obligatoirement compensée par la qualité, car c'est sa première tâche de garantir efficacement l'existence de la République des Soviets.

Le système de l'armée socialiste

La qualité d'une armée réside avant tout dans ses aptitudes au combat développées au possible et dans une mobilité correcte et aisée. Il n'est pas facile de répondre à ces exigences, et c'est pourquoi elles impliquent une longue et dure période préparatoire. Seule une armée régulière peut recevoir une telle formation. Nous constatons donc qu'à présent une Armée Rouge ne peut être qu'une armée régulière.

Voyons maintenant comment le système de recrutement socialiste influe sur l'armée et sur tout l'appareil militaire. Nous sommes déjà arrivés précédemment à la conclusion que ce système repose sur un principe de classe et est un système international. Cela montre que pour la mobilisation de l'Etat, on doit procéder au recensement de la population selon l'appartenance de classe. De même toute la formation militaire de la jeunesse avant l'appel sous les drapeaux doit tenir compte de ce principe. Il va de soi que ce principe s'étend à tous les domaines de la réalité militaire, y compris à la formation des dirigeants.

La structure même de l'armée ne présenterait en définitive rien de fondamentalement nouveau. Toutes les unités doivent constamment montrer leur puissance mobile, des écarts à cette règle ne pouvant être tolérées qu'à l'intérieur du pays.

Mais l'arrière-pays lointain qui exige le plus de matériel humain permet en des temps calmes, la réduction des effectifs à leur minimum. Les unités actives pourront généralement être entretenues par les autorités civiles.

Une telle armée, sans dépendre du processus complexe de la mobilisation, peut être immédiatement jetée sur un front donné : pendant ce temps, on parachève la mobilisation, on organise les concentrations nécessaires et on complète les réserves de l'armée.

De plus, pour le cas de danger extérieur, on peut organiser des unités de réserve. Cela dépend des stocks disponibles d'armes, d'équipements, etc.

Le fait que l'Armée Rouge édifiée de la sorte est très loin de requérir l'ensemble du matériel humain de l'Etat montre que, dans les régions industrielles les plus importantes, on peut se passer complètement des mobilisations militaires. Par contre une militarisation du travail y sera très utile pour accroître ses résultats.

Les partisans de la milice attaqueront furieusement un tel système : ils diront qu'il est économiquement intenable, qu'il rend impossible l'édification de l'économie socialiste, etc.

Mais ces objections sont sans fondement. Premièrement, il n a jamais encore été prétendu qu'un système militaire, de quelque nature qu'il fût — par conséquent aussi le système de la milice — peut être utile à la vie économique de l'Etat. Que cela plaise ou non, l'Etat doit pour sa défense entretenir une force armée telle quelle corresponde à sa situation militaire.

La garantie de l'existence de l'Etat Soviétique est la tâche principale ; tout le reste — même les exigences économiques — s'efface devant elle. Deuxièmement, s'il est vrai que l'armée de milice entraîne moins de frais d'entretien en temps de paix, elle exige cependant des quantités de vêtements et d'équipements bien plus importantes, sans parler des stocks d'armements monstres qui doivent être à sa disposition. On serait forcé de créer spécialement pour la milice une industrie de guerre colossale. Troisièmement on ne doit pas oublier que ce n'est pas l'armée du temps de paix mais l'armée du temps de guerre qui ruine le pays. Pendant la guerre, tous les avantages économiques sont du côté de l'armée permanente, car quelques milliers de canons dont on pourrait autrement se passer, coûtent déjà des sommes énormes. Ces frais croissent progressivement avec l'agrandissement de l'armée.

Nous en avons un exemple frappant dans la grande paupérisation que la guerre des « peuples armés » a value au monde entier. L'histoire fournit des exemples qui prouvent que même des peuples plus pauvres ont pu, avec des armées petites mais bien instruites, mener de longues guerres contre des adversaires beaucoup plus puissants, dont les armées étaient beaucoup plus nombreuses. Il est clair que, pour s'armer en vue de nouvelles guerres qu'on ne manquera pas de lui imposer, la Russie Soviétique ne peut pas introduire un système militaire qui, en cas de guerre, ruinerait complètement le pays.

Nous avons donc étudié le type d'armée qui correspond à tout Etat basé sur la dictature du prolétariat, donc, également à la Russie soviétique. Il ne nous reste plus maintenant qu'à étudier ce système dans son utilisation par rapport à la politique internationale que doit réaliser la révolution socialiste.

Nous avons déjà signalé précédemment que cette révolution avait produit un bouleversement total de la stratégie. Et de fait notre Armée Rouge n'a jamais lutté seule contre ses ennemis. Elle trouve toujours l'appui escompté de la part de la classe ouvrière du pays, contre la bourgeoisie duquel elle mène la guerre. Ce soutien ne se limite pas aux explosions révolutionnaires dans le dos de la bourgeoisie, elle consiste surtout en la possibilité de remplir l'Armée Rouge avec la classe ouvrière des territoires occupés. Cet afflux ne se produit pas seulement aux frais de la population locale, mais aussi aux frais des armées capitalistes que les ouvriers et les paysans abandonnent volontiers pour entrer dans l'Armée Rouge.

Cet afflux de forces combattantes internationales est précisément le signe caractéristique de l'Armée Rouge.

Sur tous les fronts des différents nationalités, nous observons le même phénomène. Il est particulièrement notable lorsque l'armée bourgeoise a subi une défaite. A l'époque de notre pénétration dans le territoire polonais commencèrent à passer de notre côté des soldats polonais, bien que l'armée de la Pologne capitaliste eut encore sa capacité de combat intacte. Ce fut particulièrement le cas à Bialostok où les ouvriers accueillirent notre armée avec enthousiasme et voulaient s'enrôler dans nos rangs. Seule notre retraite rapide empêcha la réalisation de leur intention.

Ainsi nos Armées Rouges peuvent être considérées au-delà des frontières de la République des Soviets comme une formation de cadres internationale.

On doit avoir nettement conscience de ce système d'armée rouge mondiale.

Est-il possible que nous ne voyons nos tâches militaires qu'au sein des frontières de la République ? Naturellement non, car dans la République ne nous attendent pas de tâches militaires sérieuses, tandis que les tâches extérieures ne dépendent pas tant de nous que du monde extérieur, c'est-à-dire en premier lieu du développement de la Révolution mondiale.

Eu égard à cela, chacune des tâches de notre République doit être intimement rattachée à la tâche de la révolution mondiale. Naturellement cela est particulièrement valable pour la question de l'organisation de notre Armée rouge, premier noyau de l'Armée rouge mondiale.

Si nous sommes conscients de cette tâche, la question du système de l'Armée rouge apparaît plus sérieuse. Cette armée doit être exemplaire à tous égards, y compris dans le sens politique. Cette armée doit avoir oublié de quelle nationalité elle se compose en majorité. Elle doit savoir qu'elle est l'armée du prolétariat international, un point c'est tout. Où qu'elle puisse arriver, il faut que la population sente immédiatement qu'elle est une Armée Rouge et non une armée russe. Seule une telle armée, formée de révolutionnaires conscients, peut être l'instrument de la propagation de la révolution mondiale et de la destruction du capitalisme.

Conclusion

Après avoir éclairé sur toutes ses faces le problème de l'utilisation du système de la milice pour un Etat de dictature prolétarienne, nous devons reconnaître qu'il est complètement inutilisable.

Nous avons vu que le système de la milice pouvait être une arme dangereuse aux mains d'un Etat capitaliste extrêmement développé. Nous avons vu qu'une société socialiste s'étendant à tout le globe pourrait introduire ce système. Mais nous avons vu aussi que, dans la période de transition, ce système serait fatal à l'Etat Socialiste car il n'est même pas utilisable pour des buts défensifs. Nous avons vu que l'Armée Rouge était construite d'une façon diamétralement opposée à celle de la milice. Mais comme l'Etat socialiste doit compter avec une lutte ininterrompue contre le monde capitaliste, la possibilité technique de l'organisation d'une armée de milice disparaît également et automatiquement pour toujours. Nous avons vu que, dans toute une série de régions, le système de la milice ne pouvait être introduit, étant donné leur composition de classe inadéquate. Telles sont les raisons qui excluent par principe l'introduction du système de la milice dans l'Etat soviétique.

Par ailleurs, nous avons vu aussi les traits généraux que doit avoir l'Armée Rouge d'un Etat soviétique. Nous avons reconnu que cette armée doit être permanente et qu'elle doit reposer sur le principe de la lutte de classe et du recrutement international.

Nous avons vu que cette armée est destinée à prendre part à la révolution mondiale et que reviendra à notre armée rouge le rôle d'une troupe de cadres de l'armée rouge mondiale.

Que doivent être ses actions, cette question n'entre pas dans le cadre de nos considérations.

Il me semble que l'introduction chez nous de la milice contredirait tellement aux données de la situation et qu'elle est rejetée par tant de communistes, qu'il n'aurait pas valu au fond la peine de discuter ce problème, celui-ci n'ayant de toute façon pas pu être résolu autrement. Cela est vrai, mais il était souhaitable d'étudier une fois la question de plus près, puisqu'elle est à nouveau mise à l'ordre du jour.

La stérilité de la IIe Internationale s'est manifestée dans ce fétichisme de l'armée de milice aussi bien que dans l'idée de l'Assemblée nationale. Et comme celle-ci, l'arme de milice aussi disparaîtra bientôt de notre horizon.

L'Internationale Communiste, guide de la révolution mondiale, ne peut pas s'appuyer sur cette milice. L'Armée Rouge prendra une nouvelle forme sous la direction de l'Internationale Communiste, la forme des forces armées internationales du prolétariat mondial.

Moscou. 14 janvier 1921.

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