1935 |
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Œuvres – 1935
Journal d'exil
7 avril
[En marge du manuscrit, trois coupures de journaux français ; première coupure] [1]
M. HENRI DORGERES SE DEFEND D'AVOIR, DANS SES PROPOS TENUS EN PUBLIC, OFFENSE LE CODE. IL RESTE D'AILLEURS TRES CONFIANT DANS L'ISSUE DES POURSUITES ENGAGEES CONTRE LUI.
Rouen, 11 avril. – M. Henri Dorgères, président du comité de défense paysanne du Nord-Ouest, est arrivé à Rouen ce matin, et a comparu devant M. Leroy, juge d'instruction.
Celui-ci a procédé, en présence de M. Dorgères, à la levée des scellés et a commencé le dépouillement des dossiers saisis. M. Dorgères a été interrogé sur les faits. Il a répondu qu'il était prêt à répéter les paroles prononcées par lui dans les réunions publiques, car elles n'avaient rien qui puisse motiver son inculpation.
- J'ai demandé notamment aux paysans, a dit M. Dorgères : " Nous pourrions être appelés à vous demander de faire la grève de l'impôt. Seriez-vous prêts à répondre oui ? "
L'interrogatoire a été suspendu à midi pour reprendre à 14 heures, mais à ce moment M. Dorgères a mandaté son secrétaire, M. Lefebvre, pour assister à l'ouverture des scellés, lui-même devant se rendre à Paris, où il prendra part, ce soir, à une conférence au Faubourg.
M. Dorgères, que nous avons rencontré au moment où il quittait le Palais de justice, accompagné de M. Suplice, président du comité de défense paysanne de la Seine-Inférieure, et de M. Lefebvre, secrétaire général du même comité, nous a déclaré :
- Je suis très tranquille sur l'issue de l'instruction car on ne peut trouver dans les dossiers saisis ou dans les paroles que j'ai prononcées dans les réunions publiques, rien qui puisse motiver des poursuites.
[Deuxième coupure]
UNE CONFERENCE DE M. HENRI DORGERES SUR LA PAYSANNERIE FRANÇAISE.
Paris, 5 avril. – Au théâtre des Ambassadeurs, M. Henri Dorgères donnait, cet après-midi, une conférence sur la paysannerie française.
On connaît la campagne que mène M. Dorgères dans les milieux paysans, campagne illustrée par sa candidature à la récente élection législative de Blois. " Le paysan sauvera la France ", tel est le thème qu'a développé le conférencier en s'attachant à démontrer que les paysans représentent la partie de la nation qui est restée saine, " celle qui n'a pas connu dans la période d'après-guerre les plaisirs faciles, les dancings et les huit heures ", et pour laquelle rien n'a été fait, assure-t-il, par les gouvernements successifs.
M. Dorgères a fait l'apologie de la classe paysanne et une critique acerbe du régime parlementaire, des parlementaires et de l'Etat, dont il demande la réforme au nom du corporatisme et de la famille.
[Troisième coupure]
LE PROGRAMME AGRICOLE DU FRONT PAYSAN
Tours, 6 avril. – A l'issue d'une réunion organisée cet après-midi, à Tours, par le Front Paysan, sous la présidence de M. Dorgères, un ordre du jour a été voté, disant notamment :
" Six mille agriculteurs réunis à Tours, devant l'aggravation persistante de la crise, proclament leur volonté de poursuivre une politique basée sur le programme suivant :
" 1º Défense et extension de la propriété individuelle et spécialement de la petite propriété paysanne;
" 2º Lutte contre l'excès de mesures étatistes et des charges fiscales;
" 3º Lutte contre les trusts;
" 4º Organisation professionnelle solidement charpentée;
" 5º Revalorisation des produits agricoles.
" Ils demandent aux pouvoirs publics :
" a) D'avoir une politique économique qui permette à tous les travailleurs, y compris ceux de la terre, de vivre de leur labeur;
" b) De consulter la représentation agricole, chaque fois que les intérêts de la profession seront en jeu et spécialement lors des négociations des traités de commerce, et protestent contre les récentes lois dites d'assainissement des marchés. "
La presse bourgeoise fait de la publicité à Dorgères. Le chemin sur lequel il s'engage est le plus sûr chemin de la préparation d'une dictature fasciste. Les Dorgères minent l'impuissant parlementarisme des messieurs Chautemps en province, et quelqu'un, peut-être de la Rocque lui-même, qui n'est pas plus mal que Badinguet – portera ensuite le coup de grâce à la république parlementaire.
Le localisme correspond à la diversité des conditions agraires en France. Les programmes fascistes et pré-fascistes provinciaux seront divers et contradictoires comme sont contradictoires les intérêts des différentes catégories (vignerons, maraîchers, céréaliers, etc.) et des différentes couches sociales de la paysannerie. Mais ce que tous ces programmes auront de commun, ce sera leur haine de la banque, du fisc, du trust et des législateurs.
Les idiots et les poltrons du Komintern opposent à ce profond mouvement le programme des " revendications partielles ", mal recopiées de vieux cahiers d'écolier.
Note
[1] [Collée sur les deux autres, cette coupure leur a été, d'après sa date, adjointe après coup.]