1938 |
Le marxisme face aux questions de morale.... et aux cafres. |
Leur morale et la nôtre
La morale des Cafres
L'histoire prend des chemins cruels, il faut en convenir avec les moralistes. Mais quelle conclusion tirer de là pour l'activité pratique ? Léon Tolstoï recommandait aux hommes d'être plus simples et meilleurs. Le mahatma Gandhi leur conseilla de boire du lait de chèvre. Hélas ! Les moralistes de la "Neuer Weg" ne sont pas si loin de ces recettes. "Nous devons, prêchent-ils, nous libérer de cette morale de Cafres pour laquelle il n'est de mal que ce que fait l'ennemi..." Admirable conseil. "Nous devons nous libérer..." Tolstoï recommandait aussi de se libérer du péché de la chair. La statistique ne nous révèle pas que sa propagande ait eu du succès. Nos homunculus centristes ont réussi à s'élever jusqu'aux sommets de la morale supérieure aux classes dans une société divisée en classes. Mais voici déjà presque deux mille ans que l'on a dit "Aimez vos ennemis..." Et pourtant le Saint-Père de Rome, lui-même, ne s'est pas libéré de la haine de ses ennemis. Le Diable, ennemi du genre humain, est puissant, en vérité !
Appliquer des critériums différents aux actions des exploités, ce serait, de l'avis des pauvres homunculus, se mettre au niveau de la "morale des Cafres". Demandons-nous tout d'abord s'il sied à des "socialistes" de professer un tel mépris des Cafres ? La morale des Cafres est-elle vraiment si détestable ? Voilà ce qu'en dit "l'Encyclopédie Britannique" :
"Ils font preuve, dans leurs rapports sociaux et politiques, de beaucoup de tact et d'intelligence ; ils sont extrêmement braves, belliqueux et hospitaliers : ils furent honnêtes et véridiques tant que le contact avec les Blancs ne les eut pas rendus soupçonneux, vindicatifs et voleurs, et qu'ils n'eurent pas en outre assimilé la plupart des vices des Européens." On ne peut manquer de conclure que les missionnaires blancs, prédicateurs de la morale éternelle, ont contribué à la corruption des Cafres.
Si l'on racontait à un travailleur cafre que les ouvriers, s'étant insurgés quelque part sur la planète, ont surpris leurs oppresseurs, il s'en réjouirait. Il serait au contraire désolé d'apprendre que les oppresseurs ont réussi à tromper les opprimés. Le Cafre, que les missionnaires n'ont pas corrompu jusqu'à la moelle des os, ne consentira jamais à appliquer les mêmes normes de morale abstraite aux oppresseurs et aux opprimés. Il comprendra en revanche fort bien, si on le lui explique, que l'objet de ces normes est précisément d'entraver la révolte des opprimés contre les oppresseurs.
Edifiante coïncidence : les missionnaires de la "Neuer Weg" ont dû, pour calomnier les bolcheviks, calomnier par la même occasion les Cafres ; et dans les deux cas, la calomnie suit le cours du mensonge officiel bourgeois : contre les révolutionnaires et contre les races de couleur. Décidément, nous préférons les Cafres à tous les missionnaires religieux ou laïcs !
Mais ne surestimons pas le degré de conscience des moralistes de la "Neuer Weg" et autres impasses. Leurs intentions ne sont pas si mauvaises. C'est malgré elles qu'ils servent de leviers dans l'engrenage de la réaction. A une époque comme la nôtre, quand les partis petits-bougeais se cramponnent à la bourgeoisie ou à son ombre (politique des Fronts populaires), paralysent le prolétariat et fraient la voie au fascisme (Espagne, France...), les bolcheviks, c'est-à-dire les marxistes révolutionnaires, deviennent particulièrement odieux à l'opinion publique bourgeoise. La pression politique la plus forte de nos jours s'exerce de droite à gauche. En dernier lieu, tout le poids de la réaction pèse sur les épaules d'une petite minorité révolutionnaire. Cette minorité révolutionnaire s'appelle la Quatrième Internationale. Voilà l'ennemi !
Le stalinisme occupe dans l'engrenage de la réaction bon nombre de positions dominantes. Ainsi ou autrement, tous les groupements de la société bourgeoise, anarchistes compris, recourent à son aide contre la révolution prolétarienne. Pendant ce temps, les démocrates petits-bourgeois tentent de rejeter, au moins dans la mesure de 50 %, l'odieux des crimes de leur allié moscovite sur l'irréductible minorité révolutionnaire. Telle est la signification du dicton désormais à la mode: "Trotskisme et stalinisme sont identiques." Les adversaires des bolcheviks et des Cafres aident ainsi la réaction à couvrir de calomnie le parti de la révolution.