1929 |
Lettre à S. Fischer, traduite de l'allemand. (Archives publiées grâce au soutien de l'Institut Léon Trotsky) |
Œuvres – 10 septembre 1929
problèmes d'éditeurs
Cher Monsieur Fischer [1],
Je considère votre dernière lettre, qui repose sur des bases fausses, comme inacceptable tant dans son contenu que dans sa forme.
Conformément au contrat avec Consolidated Press, j'ai commencé à écrire ma biographie destinée aux journaux avant que M. Marcu [2] ne s'adresse à moi au nom de votre maison d'édition. J'ai répondu à M. Marcu que j'étais disposé à développer, en vue d'en faire un livre, les travaux que j'avais commencés pour les journaux. Tel est le point de départ de cette affaire. Et telle est maintenant la teneur de ma réponse qui a été publiée dans toute une série de journaux.
Ensuite, je vous ai prié instamment de me délier non pas de mon engagement formel, mais de mon engagement moral. Mais vous n'étiez pas d'accord avec cette proposition. M. le Professeur Saenger [3], votre mandataire, est venu à Constantinople. Je lui ai parlé en détails de mon travail pour Consolidated Press. En collaboration avec M. Saenger, j'ai adressé une lettre à M. Bird [4] à Paris, au sujet de l'achat des droits de publication en avant première dans la Neue Rundschau. S'il s'était agi d'une "interview" comment M. Saenger aurait-il pu adresser avec moi une lettre à Bird à propos des droits de publication de cette interview (?!) en avant-première ? Le terme "interview" n'a pas été utilisé et ne pouvait pas l'être. Je ne peux comprendre comment ce terme a pu soudain apparaître.
Ayant appris de ma bouche que, pour les journaux, je n'avais que brièvement évoqué la période de mon enfance et de ma jeunesse, M. Saenger me conseille vivement de développer cette partie et de donner à ma biographie dans son ensemble un caractère plus dynamique.
C'est uniquement pour cette raison que M. le Professeur Saenger n'emporta avec lui que la première moitié du manuscrit comme nous en avions convenu lors de notre première rencontre. Et c'est pour cette raison seulement que certains chapitres brièvement traités ont été plus largement développés. Non seulement M. Saenger savait cela, mais l'initiative elle-même émane de lui.
L'accord passé avec Consolidated Press permet à cette dernière de publier 30 000 mots ce qui, pour autant que je puisse en juger, représente non seulement moins du tiers, mais même moins d'un sixième du livre. Je n'ai eu sous les yeux aucun des journaux qui ont publié ma biographîe. S'il s'avérait toutefois que Consolidated Press ait cédé aux journaux pour publication une partie plus importante que ce qui avait été fixé par mon contrat - ce que je ne crois pas - je vous prie de mander en mon nom, sans délai et par télégramme, à Wabirdaw-Paris qu'aux termes du contrat, ils n'ont acquis que le droit de publier 30.000 mots, et d'exiger l'arrêt immédiat de la publication dans la Neue Freie Presse (à laquelle vous faites référence).
Vous avez eu l'obligeance d'émettre l'hypothèse que j'avais agi "de bonne foi". Je vous suis fort reconnaissant de votre opinion et veux émettre la même hypothèse en ce qui vous concerne. Je me vois toutefois contraint de vous rappeler les faits suivants :
1 . La publication de mes notes biographiques dans la presse a commencé, selon Bird lui-même, depuis près de deux mois.
2 . Vous m'avez brusquement proposé, en violation de notre contrat, de réduire mes honoraires sans qu'il soit question des articles dans la presse.
3 . Vous avez ensuite brusquement remplacé cette première proposition par une autre : de modifier le contrat pour réduire le tirage de 15.000 à 10.000 exemplaires.
4 . Ce n'est qu'ensuite que vous avez tout à coup soulevé la question des articles de journaux, dont votre représentant avait été informé dans le détail par mes soins, et que les lecteurs connaissent depuis près de deux mois.
Vous m'informez dans votre lettre que vous m'avez fait parvenir l'avance sur mes honoraires "à la condition" que j'envoie la totalité du manuscrit à Mme Pfemfert. Cette "condition" est d'autant plus déplacée que je vous ai câblé avoir déjà expédié la totalité du manuscrit. Vous avez sans doute reçu mon télégramme. Je ne me suis abstenu de vous envoyer la préface que parce que la question de la taille finale du livre (je veux parler des derniers chapitres) n'avait pas encore été tranchée. Et cela n'était pas sans importance pour la préface.
Permettez-moi de vous dire que je ne suis pas habitué à de telles manières et que je n'ai nullement l'intention de m'y habituer. Mais au stade actuel, je suis prêt à vous délier de l'obligation de publier mon livre et ce à des conditions les moins défavorables possibles de part et d'autre.
Notes
[1] Samuel Fischer (1859-1934) était un important éditeur allemand, familièrement appelé "le vieux Fischer".
[2] Valeriu Marcu (1898-194?), tout jeune avait connu en Suisse Lénine et Rakovsky et avait servi de courrier entre Paris, Moscou et la Roumanie. Il s'était fixé en Allemagne dans les années 20, et avait partie liée avec Levi. Il travaillait pour Fischer.
[3] Samuel Saenger (1864-1944), collaborateur de "Die Neue Rundschau", professeur, dirigeait chez Samuel Fischer le département politique-sociologie.
[4] William Bird (1889-1963), journaliste était aussi le directeur de la Wabirdaw Consolidated Press qui avait traité avec Trotsky pour les articles biographiques.