1930 |
Juin 1930 : le combat pour unifier et souder l'Opposition de Gauche Internationale face à la tourmente qui s'annonce. |
Œuvres - juin 1930
Résister aux crises inévitables
Cher Camarade Landau,
Je réponds avec retard à vos deux dernières lettres. Je me réjouis fort de l'appréciation optimiste que vous portez sur la situation toutefois, je crois que nous sommes loin d'avoir surmonté la crise avec aussi peu de dégâts que vous le pensez, car j'apprends par le camarade Seipold que, pendant cette période, l'organisation de Königsberg a perdu plus de la moitié de ses membres. De même il est probable que les autres groupes n'ont guère progressé numériquement. Il est malgré tout bon que la crise soit arrivée à son terme et qu'en dépit des pertes nous ayons atteint maintenant un point de la situation qui permet de relancer nos efforts et notre recrutement.
Il est probable que l'Opposition ne pourra pas se développer très longtemps sans traverser de nouveau difficultés internes et crises. Ces crises accompagnent presque nécessairement la croissance et la maturation d'une organisation. Je crois que, dès maintenant, il nous faut prendre des mesures organisationnelles, nous permettant de résister plus facilement aux crises inévitables, de limiter les secousses et les complications au strict minimum. J'ai proposé entre autres, dans une circulaire, de mettre sur pied une commission chargée de la presse en général, d'associer aux organes de direction des ouvriers ce qui, d'une part, est indispensable pour élever leur sentiment de responsabilité et de confiance en eux-mêmes et d'autre part contrebalance l'excès de confiance manifestée par les "hommes de lettres" qui représentent dans l'organisation, comme chacun sait, un mal inévitable.
Le résultat des élections en Saxe est riche d'enseignements. Après les dernières élections au Reichstag, la social-démocratie commence à perdre des voix, les communistes, malgré toutes les erreurs, les bêtises et même les crimes de la direction, ne perdent rien, mais leurs gains sont très insuffisants. Le prochain bénéficiaire des pertes social-démocrates sera le fascisme. Il est absolument nécessaire d'étudier avec soin et en détail les résultats, et d'établir dans quelle mesure les croix gammées se développent aux dépens des travailleurs et de quels travailleurs. Des anciens social-démocrates, des anciens communistes, et dans quelle proportion . Dans la situation actuelle, l'analyse sans préjugés de ces données ne peut être faite que par l'Opposition et c'est en cela que ce travail est si important. La condition préalable reste toutefois que l'on mène cette analyse avec un très grand soin et qu'on en communique systématiquement les résultats aux travailleurs.
Mais dès maintenant, une chose est claire: même la direction bureaucratique stalinienne n'est pas en mesure de détruire le parti communiste, car elle est corrigée dans une certaine mesure - sans même parler de la situation objective - par les crimes des social-démocrates. Aujourd'hui, l'impuissance confuse des staliniens pousse de façon quasiment mécanique une fraction de la classe ouvrière dans le camp fasciste, et il serait donc bon de pouvoir approfondir et illustrer par des faits, des chiffres et des exemples, cet important résultat des élections de Saxe. Il faut y inclure le fiasco des brandleriens. Le travailleur peut choisir entre les communistes et les social-démocrates. S'il ne trouve pas d'issue, il se réfugiera chez les fascistes plutôt que de s'attarder à la médiocrité intellectualisante des brandleriens.
On m'écrit que la presse communiste a déclaré qu'elle renonçait à recueillir les voix de l'Opposition de gauche. Il faut utiliser cela de la manière la plus aigüe. car ce ne peut être en aucun cas le reflet de l'état d'esprit des masses. Lors de chaque grève, de chaque combat, l'ouvrier se réjouit du moindre soutien émanant des rangs de sa classe. Seul un dignitaire à salaire assuré et craignant pour son emploi peut refuser avec ce mépris affecté le soutien désintéressé d'un groupe. Nous devons poursuivre notre tactique avec énergie, c'est-à-dire: soutien dans l'action, mais, après l'action, utiliser le ton le plus sévère contre les bureaucrates.