Œuvres - septembre 1930

Léon Trotsky

Le rôle des brandlériens

Tout d'abord, je vous félicite pour la sortie du premier numéro de votre organe. Le journal fait vraiment bonne impression. Jusqu'à présent, je n'ai pu que le survoler, mais j'espère pouvoir vous donner rapidement mon avis détaillé sur le contenu.

Par ma lettre, je voulais en fait attirer votre attention sur l'article concernant l'Opposition communiste en Inde paru dans le Vorwärts de Reichenberg le 24 septembre. L'article, qui est censé être une correspondance de Bombay, est évidemment dû à la plume de Roy, le national-démocrate réformiste indien, l'allié de Brandler. Si l'on veut se faire une idée de ce que représentait le menchevisme russe de la pire espèce, il suffit de lire cet article. La prétendue "Opposition communiste", c'est-à-dire le groupe Brandler-Roy, est fière de pousser les ouvriers dans le camp de la bourgeoisie nationale. Elle raconte avec enthousiasme que les ouvriers, probablement "leurs" ouvriers, ont désavoué un révolutionnaire sorti de prison, lorsque ce dernier se mit à attaquer le National Congress, c'est-à-dire à expliquer aux ouvriers trompés l'A B C de la lutte des classes, à commencer par la première loi de la politique révolutionnaire, la méfiance envers la bourgeoisie.

En tout cas, les mencheviks russes n'ont jamais osé accomplir leur besogne de recruteurs bourgeois avec autant de franchise et de cynisme. Si, dans les pays occidentaux, le rôle actuel de l'Opposition de droite est un masqué par la dégénérescence impérialiste de la social-démocratie, on voit très bien par contre en Orient que les partisans de Brandler et Neurath fondent, sous la dénomination d'"Opposition communiste ", un parti social-menchevique.

Il faut mener contre ces gens le combat le plus résolu et le plus implacable et porter ce combat dans leur propre camp. Maintenant que vous disposez d'un journal, j'espère que vous mènerez ce combat avec un succès grandissant.