1930 |
Septembre 1930 : face à la montée de la bureaucratie stalinienne, construire et souder une force fidèle au bolchévisme. |
Œuvres - septembre 1930
Lettre à Marjorie Wells
Chère camarade Marjorie Wells,
Veuillez excuser le retard de ma réponse; cette incorrection volontaire est la conséquence de la nécessite où je fus d'attendre quelques informations supplémentaires permettant d'apporter maintenant plus de clarté dans les questions.
J'ai reçu entre temps inopinément, et par une voie étrangère (Londres-New York-Prinkipo), de Mademoiselle Wilkinson, membre du Parlement, une aimable lettre qui m'apporte la clarté nécessaire. A cette lettre était jointe la réponse faite à ses instances par le Home Secretary, M. Clynes, le 24 juillet. Cette réponse ne laisse aucun doute sur la décision ferme du gouvernement britannique de ne point réviser ses décisions mon égard.
Il m'apparaît dans ces conditions bien superflu de renouveler ma requête officielle concernant mon visa - non que j'aie le souci de libérer le gouvernement de la responsabilité d'un nouveau refus -, mais que je désire moi-même me libérer de la nécessité de l'enregistrer une seconde fois, d'autant que cela n'améliorerait en rien ma situation "internationale".
Ceux qui ont pris l'initiative de la requête de E. Clynes, sauront incomparablement mieux que moi-même apprécier les possibilités de réussite de leurs démarches. Quant à moi, surtout après la lettre de Miss Wilkinson, je suis enclin à considérer cette nouvelle adresse collective comme une tentative, généreuse certes, mais hélas platonique, qui ne réussira pas à sauver ce qui reste encore en Grande-Bretagne du droit d'asile après la guerre libératrice.
Il m'apparaît même, qu'au point de vue pratique, les chances d'obtenir un visa seraient pour moi plus favorables sous un gouvernement conservateur que sous un gouvernement travailliste. En effet, la position de M.M. Baldwin, Churchill, Chamberlain, est telle qu'ils n'ont pas besoin de démontrer chaque jour la fermeté de leur conservatisme, ce qui constitue le principal souci d'un gouvernement Mc Donald-Clynes. Je puis me figurer qu'un gouvernement conservateur, comprenant clairement que ma présence ne lui fera courir aucun risque, en profitera pour administrer une chiquenaude supplémentaire au gouvernement renversé, en m'accordant le visa sous certaines conditions. Mais j'ai complètement perdu la possibilité de croire que, quoique guidée par les meilleurs sentiments, l'initiative de personnages illustres et éminents de l'Angleterre contemporaine puisse constituer autre chose qu'une manifestation idéaliste.
Je serais heureux que l'avenir me contraigne à me persuader de mon erreur. Néanmoins, quel que soit le résultat pratique, mes sentiments de reconnaissance chaleureuse votre égard sont inaltérables.