1930 |
Septembre 1930 : face à la montée de la bureaucratie stalinienne, construire et souder une force fidèle au bolchévisme. |
Œuvres - septembre 1930
Lettre à Grad
Cher camarade Grad,
Je ne sais si les camarades Frank et Landau ont émis et propagé l'idée fausse selon laquelle "Trotsky est contre Frey". Mais je sais par plusieurs lettres de Frey que lui-même a exprimé cette opinion oralement et par écrit, qu'il y a insisté et qu'il l'a répandue, jusque dans les colonnes de son journal. Je me suis enquis à plusieurs reprises des raisons de cette affirmation et n'ai jamais obtenu du camarade Frey une réponse franche et honnête. La seule explication était et demeure (votre lettre le confirme) que le camarade Frey, comme je ne le soutenais pas contre les autres, a interprété cette attitude prudente de la part à sa façon, c'est-à-dire comme un soutien des autres contre lui et j'en suis souvent venu à me dire: si le camarade Frey se comporte de façon si déloyale avec moi, que doit-il donc faire avec les autres ?
Vous m'invitez à adopter envers l'Opposition autrichienne la même démarche qu'envers l'Opposition française. C'est bien ce que je fais. Malheureusement, les camarades autrichiens ne suivent pas avec assez d'attention la vie de l'Opposition internationale. Il se peut aussi qu'ils n'en aient pas assez la possibilité. Arrivé à l'étranger, j'ai rencontré à Paris le groupe Paz, en tant qu'organisation la plus proche de l'Opposition russe. Paz me sollicita à d'innombrables reprises pour que je soutienne son groupe ouvertement dans son combat contre les autres groupes d'opposition. Je lui ai toujours rétorqué que c'est seulement sur la base de l'activité politique et des accords ou désaccords politiques qui en résultaient que je pouvais prendre ouvertement position pour ou contre tel ou tel groupe, et non pas à partir des souvenirs personnels de Paz. En même temps, je m'efforçai, d'unifier tous les groupes se réclamant de l'Opposition de gauche, et je correspondais amicalement avec Paz, Treint, Souvarine, Naville, sans même parler du camarade Rosmer. C'est sur la base des pas accomplis dans la préparation de l'hebdomadaire, de la plate-forme, etc. qu'est né le nouveau groupement, que je fus en mesure d'observer et de contrôler, car il était politiquement neuf et ne reposait pas sur d'anciennes réminiscences.
Cela me permit également de prendre ouvertement position en faveur d'un groupe et contre l'autre, ou plutôt en faveur du groupe nouveau constitué par les meilleurs éléments des différents groupes, contre les résidus des anciens groupes.
J'étais d'avis qu'au moins en ce qui me concerne, telle est également en Autriche la seule voie possible. Mais je me heurtais chaque fois à des résistances en particulier de la part du camarade Frey. Il est fort possible qu'il ait raison contre les autres ou qu'en dernière instance, il s'avère que c'est lui qui avait raison. Mais cela reste pour moi une possibilité ou, si vous voulez, une probabilité. Mais Frey a tout fait et continue à tout faire pour nous empêcher, moi-même et les autres, de vérifier cela dans l'action elle-même. Il veut à tout prix que chacun vive et pense en pleine conformité avec les moindres détails de son passé à lui, et que chacun condamne les autres à partir de son point de vue. Mais nul n'a, ni ne peut avoir pour cela le temps et l'intérêt politique. Jamais, nulle part, il n'a été possible avec cette méthode, d'aboutir à une unification ou de justifier politiquement une scission.
Que les autres groupes soient faibles et peu actifs, je le reconnais. Mais hélas le groupe Frey, lui aussi, comme vous le dites vous-même, est assez faible. Mais le pire est que l'existence-même [original illisible, NDE], de trois groupes différents, constitue pour des ouvriers honnêtes et qui réfléchissent, un obstacle les empêchant de rejoindre l'un des trois groupes. Car ces groupes sont tout aussi incapables de s'unir que d'expliquer aux travailleurs l'impossibilité d'une unification.
En France, le groupe Paz a démontré qu'il se contentait tout à fait d'une famille d'opposition conservatrice. Je crains que ce ne soit également le cas pour Frey, car, en-dehors de cela, je ne m'explique d'aucune façon son comportement.
De sorte qu'il est pour moi quasiment exclu que je prenne position pour un groupe contre l'autre, dans la mesure où cela ne serait pas justifié par des positions politiques ou théoriques tout à fait positives, me permettant d'expliquer une prise de position à tout ouvrier autrichien.