1932 |
Edition établie d'après les documents laissés par le regretté Pierre Broué, résultats de travaux à la Houghton Library, pour les "Oeuvres" de Léon Trotsky en français. |
Chers Camarades,
Merci beaucoup pour la lettre amicale de votre conférence. J'espère que la conférence constituera pour l'Opposition de gauche un bon pas en avant.
Mais je voudrais maintenant vous informer plus en détail à propos du secrétariat international. En principe vous avez tout à fait raison: le mieux serait que le secrétariat soit constitué de camarades élus à cet effet, et non de délégués de sections. C'est d'ailleurs ce que nous avons tenté de faire. Mais il s'est avéré que nous sommes encore trop faibles pour procéder à une telle sélection. Les sections se connaissent beaucoup trop peu les unes les autres. Nous disposons de trop peu de camarades ayant l'expérience des questions internationales. Les camarades susceptibles de convenir à ce travail sont indispensables à leurs sections, etc. Nous en sommes tout d'abord venus à mettre sur pied un secrétariat composé d'éléments choisis plus ou moins au hasard. Mais ces camarades étaient livrés à eux-mêmes, aucun d'eux n'était responsable devant sa section nationale. Et il est arrivé ce qui pouvait arriver de pire : toute l'activité du secrétariat était marquée par les sympathies et les antipathies individuelles. Tirant les leçons de cette amère expérience, qui dura longtemps, nous en sommes venus à pratiquer la politique du "moindre mal" (pour ces questions pratiques, c'est admissible et même inévitable). Si. par exemple, le camarade Mill dépendait d'une section nationale, il ne se permettrait jamais ces écarts et excentricités par lesquels il a compromis tout le travail du secrétariat.
Tout en soutenant le principe de la sélection individuelle, vous même n'avancez aucune candidature. Les autres sections sont, hélas dans la même situation que vous. Pratiquement cela signifie que le secrétariat ne pourra jamais être constitué si l'on procède de cette façon. Je crois que tout en conservant votre point de vue de principe - qui est d'ailleurs également le mien - sur cette question, pour une période transitoire, c'est-à-dire jusqu'à la convocation d'une conférence internationale, vous pourriez utilement participer au secrétariat en y dépêchant un camarade, je veux parler du camarade Frankel. Je vous prie toutefois de ne pas voir là une ingérence dans les affaires internes d'une section, je ne suis guidé que par le souci de constituer un secrétariat qui soit un organisme efficace. Il faut que quelqu'un vienne à Berlin compléter le secrétariat. Je ne connais pas de meilleur candidat : le camarade Frankel est bien au fait de toutes nos questions internationales, possède plusieurs langues étrangères et fera preuve, je l'espère fermement, de toute l'attention et de tout le tact nécessaire pour les relations avec les sections. Mais comme le principe de la délégation par les sections a déjà été adopté par une forte majorité des sections, il est impossible de coopter le camarade Frankel autrement qu'avec l'accord de votre groupe. Bien sûr, comme délégué, il devra se soumettre à vos instructions, il sera responsable devant vous et pourra être relevé de ses fonctions à tout moment sur votre demande. Je vous prie camarades, de bien vouloir reconsidérer la question d'un point de vue purement pratique et le plus rapidement possible, car, à Berlin, les appels à l'aide se font de plus en plus pressants.