1932 |
Edition établie d'après les documents laissés par le regretté Pierre Broué, résultats de travaux à la Houghton Library, pour les "Oeuvres" de Léon Trotsky en français. |
Prinkipo, le 5 novembre 1932
Aux amis de Francfort,
Merci pour votre lettre et pour la coupure des "Frankfurter Nachrichten". Inutile de dire combien vos succès m'ont fait plaisir. Même s'ils ne se traduisent pas dans la prochaine période par des chiffres importants, leur signification n'en est pas moins considérable. Dans les conditions actuelles, aucun carriériste, aucun chasseur de postes, aucun journaliste en mal de journal ne rejoint l'Opposition de Gauche. L'Opposition de Gauche est pauvre, et exposée aux coups non seulement de la classe dominante mais aussi de la bureaucratie stalinienne. Ne nous rejoignent que des hommes profondément dévoués à la révolution prolétarienne. Ces éléments sont des cadres. Armés des méthodes adéquates, ils trouveront le chemin des masses.
L'article des "Frankfurter Nachrichten" démontre fort clairement, ainsi que de nombreux autres articles de la presse bourgeoise, que l'ennemi de classe reconnaît parfaitement le danger de la politique défendue par l'Opposition de Gauche. Les staliniens ont beau crier à tue-tête que nous sommes des "contre-révolutionnaires", la bourgeoisie ne veut pas en croire un mot et nous tient, à juste titre, pour ses pires ennemis. L'avenir démontrera qu'elle a raison.
Les "Frankfurter Nachrichten" parlent de l'agression théorique de Trotsky contre "l'ouvrier du transport de Hambourg" Thalmann. Le but d'une telle opposition n'est que trop évident : jouer sur la corde de l'ouvriérisme, afin de protéger la bureaucratie officielle du Parti de la critique des bolchéviks-léninistes. Je le répète, la tactique stalinienne actuelle est bien plus inoffensive.
Inutile de préciser que ma critique ne s'adressait pas à "l'ouvrier du transport" Thalmann, mais bien au très haut bureaucrate s'efforçant de réduire tout ouvrier critique au silence en jouant du poing. Si de tels procédés réussissent de moins en moins à Staline malgré le pouvoir d'Etat, ce n'est pas Thalmann qui parviendra à extirper l'esprit marxiste du prolétariat allemand.
Je vous souhaite de nouveaux succès dans votre travail.