Buyukada, le 13 novembre 1932

Cher camarade,

Je reviens vite sur votre lettre du 4.11, car je suis sur le point de partir pour la terre promise.

Vous aurez certainement été surpris que mon article sur le bonapartisme ait paru dans la "Weltbuhne". Voilà l'explication : dès la fin août, j'ai envoyé cet article en Amérique. L'agent littéraire l'a diffusé à l'échelle internationale, et c'est ainsi qu'il est arrivé à la "Weltbuhne". En tous cas, cela ne peut pas faire de mal.

Connaissez-vous le camarade Neurath ? Je crains qu'il ne reste trop isolé. Les camarades tchécoslovaques dirigeants à Prague ne sont guère enclins à favoriser un rapprochement. Mais la "Permanente Revolution" non plus ne semble pas accorder une grande valeur à l'établissement de relations avec le groupe Neurath. Dommage. D'après ses lettres, le camarade Neurath semble maintenant faire preuve de beaucoup de sérieux et d'honnêteté envers notre cause. Il possède une expérience politique considérable, et s'entend bien au maniement de la plume. Nous n'avons pas beaucoup d'éléments disposant d'une telle qualification. Il serait peut-être bon que vous puissiez vous mettre en contact avec lui.

De même, le passage à la social-démocratie de l'opposition de droite tchécoslovaque n'a pas été estimé à sa juste valeur par nos amis allemands. C'est pourtant une arme très puissante dans la lutte contre les brandlériens.

Je serais très heureux de pouvoir vous voir au cours de mon voyage. Mais cela sera-t-il possible ?