1938 |
Lettre à A. Neurath (9399) traduite de l'allemand, avec la permission de la Houghton Library. |
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4 juin 1938
Cher Ami ,
J'ai reçu il y a quelque temps le livre très intéressant de Černý [1] . Mais il n'y était pas joint de lettre, de sorte que je ne connaissais pas le nom de l'expéditeur. C'est seulement maintenant que je reçois votre lettre, la deuxième. Je n'ai pas besoin de vous dire, cher ami, que vos paroles chaleureuses sont pour moi comme pour Natalie une grande, très grande satisfaction. C'est d'ailleurs la seule satisfaction qui nous reste : savoir que nous avons dans les diverses parties du monde des compagnons d'idées et des amis véritables et fidèles. Et comme vous faites partie de la vieille garde, votre amitié nous est doublement chère.
Le livre très sérieux de Černý est non seulement précieux, mais de plus il a une grande signification symptomatique : une tendance politique qui ne travaille pas seulement avec des articles mais qui commence à produire des livres, doit vraiment posséder une bonne dose de confiance en soi. Toutefois, il me semble que Černý n'a pas encore tiré toutes les conséquences pratiques. Ou serait-ce une erreur de ma part ?
En ce qui concerne les doutes du camarade Guttman [2] , comme de plusieurs autres à propos de ce qu'on appelle la « proclamation » de la IV° Internationale, j'y ai déjà répondu dans une lettre relativement longue et non personnelle, que vous avez déjà certainement eu en votre possession [3] . Ce qui me paraît fondamental, c'est d'en finir avec cet état d'esprit, aujourd'hui largement répandu, et qui parfois s'introduit dans nos rangs : on se sent comme dans une gare, attendant un train inconnu à un horaire inconnu. Parfois on appelle ce train n° 4, mais on ne sait pas exactement de quelle direction ni quand il viendra. Le mouvement est relativement lent, mais nous ne sommes plus à l'arrêt. Et c'est pourquoi il est très important que nos amis et nos ennemis comprennent que nous n'avons pas l'intention de changer de train. On ne peut donner confiance que lorsqu'on est soi‑même confiant, surtout par ces fichus temps.
Natalie et moi-même vous adressons nos meilleurs vœux; comment va votre santé, particulièrement vos yeux ?
Recevez une fraternelle poignée de main.
Notes
[1]
Le livre en question, signé Jaroslav Černý, était intitulé Die Entscheidung entgegen.
Černý, était le pseudonyme de Neurath (qui était entré officiellement quelques mois auparavant dans la section tchécoslovaque
unifiée). Mais Trotsky ne le savait pas encore.
[2]
Josef Guttman
(1902‑1958), membre du P.C.T. en 1921, avait monté très vite dans son appareil. Membre du bureau politique, rédacteur en
chef de Rudé
Pravo, membre du secrétariat de l'I.C. et de son présidium, il s'opposa à la politique de la « troisième période » et fut
exclu en 1933. Il avait organisé un réseau d'opposition et discuta dès cette époque avec les trotskystes tchèques. Il avait
rompu publiquement en 1936 à propos des procès de Moscou et édita alors le journal Proletař
. Il avait aussi été partie prenante dans l'unification des groupes tchécoslovaques de février 1938.
[3]
Voir lettre à J. Kopp, 31.5.1938.
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